Mali : le centre du pays en proie aux violences, l’accès humanitaire limité

Une femme et son enfant, déplacés par le conflit dans le Centre du Mali.
Une femme et son enfant, déplacés par le conflit dans le centre du Mali. © MSF/Mohamed Dayfour

Le centre du Mali est devenu la région la plus meurtrière du pays pour la population civile. MSF intervient auprès des personnes blessées et déplacées dans la zone, en proie à une flambée de violences depuis trois ans.

« Des hommes sont venus pendant la nuit dans notre village, ils ont tué mon mari, raconte A., tandis que son fils est pris en charge dans la clinique mobile de MSF. Ils ont brûlé notre maison et emporté tout notre bétail. J’ai ramassé ce qui restait de nos affaires et j’ai fui avec mes quatre enfants. Depuis ce jour, mon fils ne cesse de pleurer ; chaque fois qu’il voit un homme, il pense que c’est son père. » La famille a depuis trouvé refuge dans un autre village situé dans le cercle de Koro.

Dans le centre du Mali, les communautés d’éleveurs peulhs et les agriculteurs dogons sont les premières victimes des tueries et des pillages, en augmentation ces deux dernières années. La population se retrouve prise au piège entre des groupes armés et les forces de sécurité nationales ou internationales*. À ces violences viennent s’ajouter les conflits locaux entre les communautés, dont les rivalités sont instrumentalisées par les groupes armés. Résultat : une violence omniprésente et des attaques répétées contre la population civile. 

Au niveau national, le gouvernement malien est engagé dans plusieurs conflits armés avec des groupes qualifiés de terroristes, impliquant des acteurs régionaux et internationaux. L’activité des groupes armés et certaines mesures de sécurité répressives adoptées pour lutter contre le terrorisme ont un impact sur les populations. Dans certains cas, les civils sont assimilés à des combattants et sont criminalisés en raison de leur appartenance à un groupe ethnique.

Des personnes déplacées par les violences attendent pour une consultation avec l'équipe médicale de MSF dans le cercle de Bandiagara.
 © MSF/Mohamed Dayfour
Des personnes déplacées par les violences attendent pour une consultation avec l'équipe médicale de MSF dans le cercle de Bandiagara. © MSF/Mohamed Dayfour

Déplacements multiples 

Dans la région de Mopti, située à la frontière avec le Burkina Faso et les États de Gao, Segou et Tombouctou, des zones entières échappent au contrôle étatique et un climat de violences quotidiennes s’y est installé, entraînant des déplacements de population. En octobre 2020, on comptait 131 150 individus déplacés uniquement dans cette région, pour une population totale estimée à environ 1,6 million de personnes.

De nombreux villages de Mopti, comme ceux de Mondoro, Boulkessi et Diankabou, sont encerclés par les groupes armés et la population n’a pas accès aux services de base, dont les soins de santé. Les habitants ne peuvent pas s’y déplacer librement, ni cultiver les champs à cause des conflits ; ils sont obligés de fuir pour se réfugier dans d’autres zones. 

Carte des activités de MSF dans la région de Mopti, au Mali.
 © MSF
Carte des activités de MSF dans la région de Mopti, au Mali. © MSF

Entre janvier et octobre 2020, 56 villages de la région, enclavés ou difficiles d’accès, ont été visités par les équipes de MSF. « Dans l’un des villages situé à 60 km de Bandiagara, il n’y a pas de camp de déplacés. Les personnes qui ont fui les violences vivent dans des salles de classe ou ont été accueillies par des familles, témoigne Ibrahim M., assistant coordinateur de projet MSF au Mali. D’autres vivent tout simplement dans les champs ou dans des grottes et dorment à la belle étoile. » 

Les personnes déplacées ont tout perdu et vivent dans des conditions extrêmement difficiles, luttant au quotidien pour trouver de la nourriture, de l’eau potable ou un abri. Les équipes de MSF tentent d’identifier et d’accompagner quotidiennement les plus vulnérables, dont les enfants et les femmes isolées, ainsi que les personnes âgées. 

Les familles qui les accueillent, comme celle d’A.O., paysan qui a recueilli une trentaine de personnes chez lui, font au mieux pour les aider. « Il y a trois mois, 35 déplacés sont arrivés chez nous. La nourriture manquait avant qu’ils ne viennent, mais nous faisons tout pour ne pas les abandonner. Héberger 30 personnes supplémentaires, c’est compliqué, six à sept personnes dorment sur la même natte, et les femmes se regroupent dans la même chambre. Quand il pleut, beaucoup de gens passent la nuit dehors, debout, parce qu’il n’y a pas assez de place pour tout le monde. »

Des enfants jouent dans la rue, centre du Mali.
 © MSF/Mohamed Dayfour
Des enfants jouent dans la rue, centre du Mali. © MSF/Mohamed Dayfour

Violences quotidiennes

Entre juin et octobre 2020, 82 attaques de villages et 68 autres incidents violents ont été recensés par MSF à Douentza, Koro, Bandiagara et Bankass, et plus de 220 civils ont été tués. 

Dans les hôpitaux des cercles de Koro et Douentza, nos équipes assurent notamment une prise en charge médicale et psychosociale d’urgence. Les patients présentent des blessures causées par des engins explosifs improvisés, des balles ou des tortures. Ils sont également victimes de violences sexuelles. 

Faute d’accès aux soins à cause des combats, la malnutrition, le paludisme et la rougeole entraînent des décès en nombre. Entre janvier et octobre 2020, 57 547 personnes atteintes de paludisme ont été prises en charge dans les structures médicales soutenues par MSF et 52 970 consultations externes ont été réalisées via des cliniques mobiles dans les cercles de Koro, Douentza et Tenenkou. 

Deux véhicules se rendent dans le cercle de Koro, dans le centre du Mali.
 © MSF/Mohamed Dayfour
Deux véhicules se rendent dans le cercle de Koro, dans le centre du Mali. © MSF/Mohamed Dayfour

L'accès humanitaire reste l’une des préoccupations majeures dans le centre du Mali. Les organisations de secours sont confrontées à des difficultés d’accès liées à la sécurité. En cause notamment : les braquages à mains armées, les détentions et contrôles aléatoires, la présence de mines, le risque d’enlèvements.

Face aux exactions et violences commises contre les civils, la réponse humanitaire doit être intensifiée sur place afin de répondre aux besoins de la population.

 

*Celles-ci sont composées des forces militaires françaises, la MINUSMA (casques bleus des Nations unies) et du G5 Sahel, qui est une force conjointe composée de cinq pays (Mauritanie, Niger, Tchad, Burkina-Faso, Mali) pour faire face aux menaces sécuritaires et lutter contre l’insécurité dans la zone du Sahel.

Notes

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