Marawi : reconstruire un réseau de santé dans une ville dévastée des Philippines

Vue de « Ground Zero » dans la ville de Marawi, auparavant appelé « zone de non-retour », après cinq mois de combats intensifs. 
Vue de « Ground Zero » dans la ville de Marawi, auparavant appelé « zone de non-retour », après cinq mois de combats intensifs.  © Rocel Ann Junio/MSF

Une année s’est écoulée depuis le déclenchement d’un conflit entre l’armée philippine et les groupes affiliés à l’État islamique, qui a duré cinq mois. Médecins Sans Frontières (MSF) participe à la reconstruction des structures de santé primaire dans une ville lourdement détruite, tout en soutenant les personnes déplacées qui ne peuvent encore rentrer chez elles.

Il y a un an, lorsque des groupes affiliés à l’organisation État islamique ont pris le contrôle d’une grande ville dans le sud des Philippines, de nombreux locaux ont pensé que la crise ne durerait pas.

La ville de Marawi et la région, Mindanao, sont habituées à l’insurrection armée. Une guerre civile avec un autre mouvement islamiste a duré plus de cinquante ans, jusqu’en 2014. Et à en juger par les incidents récents causés par de plus petits groupes armés, les habitants ont cru que l’armée philippine délogerait les combattants de la ville de Marawi en quelques jours, voire quelques semaines tout au plus.

En réalité, le siège de Marawi a duré cinq mois, de mai à octobre 2017, poussant 370 000 personnes à fuir leurs foyers.

La plupart d’entre elles se sont réfugiées dans des camps de fortune : dans des garages, des écoles et des mosquées, sans savoir quand elles pourraient reprendre une vie normale.

Mettre sa vie en suspens : durant le siège, seule une personne sur dix a pu se réfugier dans un camp officiel. La plupart ont trouvé refuge dans des abris informels, notamment des garages.
 © Baikong Mamid/MSF
Mettre sa vie en suspens : durant le siège, seule une personne sur dix a pu se réfugier dans un camp officiel. La plupart ont trouvé refuge dans des abris informels, notamment des garages. © Baikong Mamid/MSF

Quelle a été la réponse de MSF ?

Au début de la crise, MSF a proposé un soutien psychologique d’urgence aux personnes réfugiées dans des camps informels. Puis nos équipes se sont concentrées sur l’accès à l’eau et les opérations d’assainissement pour des milliers de familles.

Retour en enfance : durant le siège, MSF a mené des séances de jeu dans des camps de déplacés informels dans le cadre de son programme de soutien psychologique d’urgence.
 © Rocel Ann Junio/MSF
Retour en enfance : durant le siège, MSF a mené des séances de jeu dans des camps de déplacés informels dans le cadre de son programme de soutien psychologique d’urgence. © Rocel Ann Junio/MSF

En octobre 2017, l’armée philippine a finalement déclaré la fin du siège de Marawi.

Peu de temps après, alors qu’une équipe de MSF évaluait les dommages occasionnés dans les rues calmes de la ville, elle est tombée sur une fresque colorée.

Elle datait d’avant la guerre. Il y était écrit : « PRAY FOR ALEPPO » (Priez pour Alep), en solidarité avec la ville syrienne lourdement bombardée, à quelque 9 000 kilomètres de là.

Pourtant ce jour-là, ce que l’équipe a pu voir de Marawi ressemblait beaucoup à ces images tristement connues d’Alep.

Rues abandonnées dans les quartiers extérieurs de la ville de Marawi, plusieurs semaines après la fin du siège. Progressivement, quelques familles reviennent.
 © Rocel Ann Junio/MSF
Rues abandonnées dans les quartiers extérieurs de la ville de Marawi, plusieurs semaines après la fin du siège. Progressivement, quelques familles reviennent. © Rocel Ann Junio/MSF

Le centre-ville, auparavant si animé, a été tellement endommagé qu’il a été déclaré « zone interdite ». L’équipe n’a pu l’observer que depuis l’autre côté du lac.

Ces quartiers centraux, ou barangays, sont actuellement considérés comme « zones de non-retour », et communément appelés « Ground Zero ».

Bien que les combats aient cessé en octobre 2017, de nombreuses personnes déplacées originaires de ces zones, environ 27 000 familles, sont restées dans les camps et risquent d’y vivre encore de nombreuses années.

À Marawi, un an après de nombreuses personnes sont encore déplacées

Depuis la fin des combats, de nombreux groupes humanitaires ont quitté le pays. La réponse humanitaire est largement insuffisante.

Ciblant les camps de déplacés les plus négligés, MSF poursuit son travail d’amélioration des conditions sanitaires, et de construction de latrines et de douches dans treize camps accueillant environ 5 700 personnes.

Qu’en est-il des personnes qui reviennent dans la ville ?

Les habitants des barangays extérieurs de la ville de Marawi sont pour la plupart rentrés chez eux.

Comme la famille Hassan, que MSF a rencontrée en novembre.

Philippines : les populations déplacées de retour à Marawi

Bon nombre des structures de santé de Marawi se trouvaient dans le « Ground Zero » actuel, et les structures de santé primaire ont subi d’importants dommages. Seuls une unité de santé rurale sur deux, six centres de santé sur quinze et sept postes de santé sur 28 ont été en mesure de rouvrir. Ils sont à peine fonctionnels.

En outre, 31 des 45 structures de santé qui existaient avant le conflit restent complètement fermées.

Au total, 70% des structures de santé locales ont été détruites.

Les équipements et les structures ont été pillés et endommagés. Une grande partie du personnel médical a également dû fuir et n’est pas en mesure de reprendre le travail.

En collaboration avec l’Office de santé de la ville de Marawi, MSF prévoit de reconstruire les structures de santé primaire afin de prendre en charge les quelque 180 000 à 200 000 personnes qui sont en train de rentrer, y compris celles restées en périphérie et celles réfugiées dans des camps de déplacés dans la ville.

Des typhons à la rougeole : lorsque les catastrophes s’enchaînent

Comme les équipes de MSF sont restées dans la région pour soutenir les populations vulnérables, elles ont été appelées à répondre à deux autres crises.

Fin décembre, le typhon Tembin (localement appelé Vinta) a balayé la région de Mindanao.

Selon les estimations du gouvernement philippin, plus de 200 personnes sont mortes dans des crues soudaines et des coulées de boue, et beaucoup d’autres sont portées disparues. Environ 797 000 personnes ont été touchées par la tempête tropicale et ses conséquences durables.

Les équipes de MSF parcourent des routes détruites et distribuent des articles non alimentaires, tels que de l’eau et des kits d’hygiène dans la province de Lanao del Norte après le passage du typhon Tembin.

Les équipes de MSF parcourent des routes détruites et distribuent des articles non alimentaires, tels que de l’eau et des kits d’hygiène dans la province de Lanao del Norte après le passage du typhon Tembin.

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Les équipes de MSF parcourent des routes détruites et distribuent des articles non alimentaires, tels que de l’eau et des kits d’hygiène dans la province de Lanao del Norte après le passage du typhon Tembin.

Les équipes de MSF parcourent des routes détruites et distribuent des articles non alimentaires, tels que de l’eau et des kits d’hygiène dans la province de Lanao del Norte après le passage du typhon Tembin.

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La plupart des zones sinistrées étaient difficiles d’accès en raison de la distance et de problèmes sur la route. Souvent, les équipes ont dû voyager quatre à cinq heures, en moto ou à pied, à cause des nombreux ponts et routes endommagés.

MSF a distribué des articles non alimentaires, tels que de l’eau et des kits d’hygiène à environ 930 familles dans six barangays particulièrement touchés de la province de Lanao Del Norte. Nos experts en santé mentale ont également proposé des séances de soutien psychologique aux personnes endeuillées par la perte d’un proche.

« Ma grand-mère s’est noyée. Elle dormait au moment où ça s’est produit et n’a pas pu s’enfuir. Je porte encore les blessures de rondins de bois qui m’ont heurté. J’ai nagé et pu sauver sept enfants, explique Saddam, habitant du village de Pansur, dans la province de Lanao Del Norte. Il fallait que je les sauve, même si je devais en mourir. »

 

Un système de santé délabré et une épidémie

Un choc après l’autre : en janvier, une épidémie de rougeole a frappé la région de Mindanao.

La rougeole est extrêmement contagieuse : une personne infectée peut infecter jusqu’à 90% des personnes autour d’elle. C’est une maladie grave, qui peut s’avérer mortelle chez l’enfant.

En collaboration avec l’Office de santé de la ville de Marawi, MSF a aidé à vacciner 5 638 enfants durant la récente épidémie de rougeole dans la région de Mindanao.
 © Shinjiro Murata/MSF
En collaboration avec l’Office de santé de la ville de Marawi, MSF a aidé à vacciner 5 638 enfants durant la récente épidémie de rougeole dans la région de Mindanao. © Shinjiro Murata/MSF

Les structures de santé de la région se remettant à peine du conflit et de la catastrophe naturelle, MSF a contribué aux activités de vaccination sur place.

En février, MSF a travaillé en étroite collaboration avec l’Office de santé de la ville de Marawi pour vacciner 5 638 enfants de moins de cinq ans.

Cette collaboration est vouée à se poursuivre car MSF prévoit de participer à la reconstruction des infrastructures de santé primaire de la ville.

De leur côté, les habitants de Marawi peuvent s’atteler à mettre cette année catastrophique derrière eux et à reconstruire leurs vies.

Notes

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