« C'était Noël, j'étais en France pour les vacances. Je suivais les infos toute la journée, j'étais profondément triste de ce qui se passait, choquée qu'il n'y ait aucune intervention extérieure pour que cela cesse, je me sentais impuissante.
Je suis revenue à Jérusalem le 2 janvier et j'y suis restée bloquée, je ne pouvais pas rentrer dans Gaza. J'ai alors pris le poste de coordinateur médical par intérim.
Pendant toute la guerre, je gérais les commandes médicales et notamment celle des 21 tonnes de matériel d'urgence.
J'étais aussi en contact avec les autres ONG, je regroupais les infos, les rapports, pour en informer ensuite Paris.
C'était important qu'il y ait une présence expatriée MSF pendant la guerre, pour témoigner. C'était important pour notre personnel palestinien aussi, qu'ils vivent la même chose qu'eux.
Au vu du degré d'insécurité et de danger, il aurait été difficile de mener davantage d'activités. Pendant toute la durée de la guerre, j'appréhendais le coup de fil qui annoncerait le pire. J'avais peur pour eux.
Après le cessez-le-feu, Je ne savais pas à quoi m'attendre à mon retour à Gaza. J'ai vu les destructions, les immeubles brûlés, les montagnes de gravats, les amas de tôles, les barres apparentes du béton armé.
L'équipe était à bout, ils étaient cernés, pâles, les joues creuses, marqués par le stress, la peur que ça recommence, la peur de l'avenir...
Ils se sont alors impliqués dans l'installation des tentes et des activités d'urgence et ça leur a permis de repartir, de retrouver un souffle. Ils se sont énormément investis pour aider les leurs. Et les deux cliniques de soins post-opératoires ont pu réouvrir tout de suite.
Après la guerre, MSF a adapté ses activités aux nouveaux besoins. Dans les premiers jours de reprise des activités, nous avons vu arriver beaucoup de blessures multiples, de fractures et de plaies sévères, des personnes brûlées sur des grandes surfaces du corps, nombre d'amputés aussi. Parfois, il fallait plus d'une heure pour faire les pansements d'un seul patient. Les gens ne parlaient pas, ils s'enfermaient dans leur mutisme.
Nous avons décidé d'augmenter le nombre de personnel soignant, d'ouvrir une troisième clinique de soins post-opératoires dans le nord, très touché pendant la guerre, de passer le nombre de cliniques mobiles de trois à sept pour les patients trop lourdement handicapés, vivant en étage ou encore dans des zones trop sensibles et de prendre financièrement en charge les allers-retours domicile/clinique aux autres... Nous tournions à plein régime. »
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