Mozambique : « Ils ont tué beaucoup de gens, ils ont tué Palma »

Montepuez, décembre 2020.
Montepuez, décembre 2020. © Amanda Furtado Bergman

Amparo Vilasmil est responsable des activités de santé mentale pour MSF dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique. Elle fait partie d'une équipe opérant à Montepuez, où s’est réfugiée une partie des rescapés de l’attaque de Palma, et témoigne de la situation sur place.

Environ 400 personnes, dont plus d’un tiers sont des enfants, ont rejoint Montepuez après avoir fui la violente attaque du 24 mars menée par le groupe armé Al-Shabaab sur Palma, dans le nord du Mozambique.

Montepuez est la deuxième ville la plus peuplée de la province de Cabo Delgado. La ville, où MSF mène un projet médical depuis novembre 2020, accueille déjà 50 000 personnes qui y ont trouvé refuge ces derniers mois. Leur nombre a explosé l’an dernier à cause de la crise et elles vivent actuellement dans des camps ou au sein des communautés.

Les habitants qui ont fui Palma arrivent dans un état de stress important et sont très affectés. Nombre d’entre eux pleurent lorsqu’ils font le récit de ce qu’ils ont vu. Ils ont couru dans la brousse nuit et jour pour sauver leur vie, sans s’arrêter pendant quatre ou cinq journées d’affilée. « Ils ont tué beaucoup de gens, ils ont tué Palma », m'a raconté un arrivant.

Beaucoup ont vu des corps sur la route, des personnes qui sont mortes de faim ou de déshydratation. La seule eau disponible au cours du trajet provenait d’une rivière polluée. Ils sont généralement restés sur les routes principales, dormant dans la forêt et évitant les villages. Ils ont survécu avec le peu qu’ils ont trouvé.

L’une des premières grandes villes sur leur chemin est Nangade, à 130 kilomètres de Palma, à l'intérieur des terres. À partir de là, les plus chanceux ont payé leur transport en voiture jusqu’à Mueda, une ville montagneuse contrôlée par l'armée, et plus au sud jusqu'à Montepuez.

Nous sommes préoccupés par ceux qui n’ont pas de famille pour les aider à payer ce transport, car cela signifie qu’ils sont encore en train de marcher, sans eau ni nourriture. Ils risquent d’arriver dans un état bien pire. Nous travaillons pour identifier les routes qu’ils empruntent afin d’adapter notre réponse.

Vue générale d'un camp de personnes déplacées fuyant les violences dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique, décembre 2020.
 © Amanda Furtado Bergman
Vue générale d'un camp de personnes déplacées fuyant les violences dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique, décembre 2020. © Amanda Furtado Bergman

Nous avons positionné une équipe à chacun des points d'entrée de Montepuez pour accompagner ces personnes dès qu’elles arrivent dans la ville et leur fournir un soutien en santé mentale. Nous tentons de les aider à faire face aux expériences traumatisantes qu’elles viennent de vivre ; beaucoup d'entre elles veulent se rendre à Pemba, la capitale de la province, dans l'espoir de retrouver leurs proches.

Dans les camps autour de Montepuez, il y a beaucoup de gens qui ont été séparés de leurs familles lors des précédentes attaques dans la province de Cabo Delgado. Certains sont venus à Montepuez, tandis que d'autres sont allés à Palma. Aujourd’hui, ils n’ont plus de contact et ne savent pas où sont leurs parents, ni s’ils sont en sécurité.

Avant les attaques, la population de Palma était estimée à plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Il semble que beaucoup d'entre eux ont fui la ville dans des directions différentes : en bateau vers le sud, à l'intérieur des terres à travers la brousse ou encore jusqu'à la frontière avec la Tanzanie. Un grand nombre se cache encore en périphérie de la ville. Les équipes MSF répondent également aux besoins de ceux qui ont trouvé refuge à Mueda, Nangade, Pemba et Macomia.

Une autre équipe a été déployée cette semaine dans la péninsule d'Afungi, à environ 25 kilomètres de Palma, où se trouvent des blessés. Le conflit entre l'armée et les groupes d’opposition à Cabo Delgado dure depuis 2017 et s'est intensifié l’an dernier. Plus de 670 000 personnes ont été déplacées par les violences, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Notes

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