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MSF déclenche des « plans blancs » face au retour des violences à Bangui, en RCA

Le chef de service du bloc opératoire de l'hôpital MSF SICA à Bangui analyse la radiographie d'un patient blessé par balle.
Le chef de service du bloc opératoire de l'hôpital MSF SICA à Bangui analyse la radiographie d'un patient blessé par balle. © Florent Vergnes/AFP

Depuis plus d’un an et demi, la République Centrafricaine (RCA) est à nouveau le théâtre de violences de masse, frappant une population encore traumatisée par la guerre civile de 2013 - 2014. Bangui, la capitale, semblait jusqu’à présent relativement épargnée par l’escalade des affrontements et des attaques dans les provinces.
Ce n’est plus le cas. En l’espace de quelques semaines, plus de 150 blessés ont été pris en charge à l’hôpital SICA géré par Médecins Sans Frontières à Bangui. A deux reprises, les équipes ont déclenché un « plan blanc » pour répondre à l’urgence causée par des journées particulièrement violentes dans la capitale.

Le dimanche 8 avril, une opération conjointe des forces de sécurité internationales et nationales ciblant des groupes armés locaux dans le quartier de PK5, poumon économique de la ville et abritant principalement des habitants de confession musulmane, a débouché sur des affrontements qui ont fait des dizaines de blessés parmi les forces en présence et la population.

Le 10 avril, les combats ont repris et les blessés ont afflué vers les structures de santé de la ville. 64 blessés, principalement par balles, ont alors été pris en charge par les équipes de l’hôpital SICA sur ces deux journées.

Le mardi 1er mai un nouvel épisode de violence a secoué Bangui. Tandis que le quartier de Fatima était particulièrement ciblé, notamment l’église, PK5 et l’ensemble des quartiers limitrophes étaient aussi affectés par ces violences. Des groupes armés, mais aussi des habitants, de ces quartiers se sont affrontés, avec des attaques et des échanges de tirs à l’arme lourde.

République Centrafricaine : retours sur les journées d’afflux massifs de blessés à Bangui

Ce regain de violence dans la capitale, inédit depuis 2015, a ravivé des lignes de fracture entre communautés chrétiennes et musulmanes, et a entraîné des représailles dans la ville, où les mouvements sont devenus compliqués, y compris pour les équipes médicales et leurs ambulances. Des maisons et lieux de culte ont été brulés et vandalisés, des familles ont été contraintes de quitter leur domicile. Plus de 70 blessés ont été reçus à l’hôpital SICA en l’espace de quelques heures le 1er mai, poussant les équipes MSF à déclencher un deuxième « plan blanc ».

Le « plan blanc » est déclenché dans des moments d’urgence pour répondre à un afflux massif de blessés. Une zone de triage est alors mise en place à l’entrée de l’hôpital, où les soignants déterminent la gravité des blessures des patients, et leur attribuent en fonction un code couleur. Les patients « vert » sont ceux avec les lésions les moins sévères. Après avoir été examinés, certains reçoivent des attelles plâtrées, des pansements, ou sont référés pour aller passer des radios et reviennent les jours suivants pour continuer les soins. Les patients « jaune » ont besoin d’une prise en charge plus importante aux urgences, tandis que les patients « rouge » sont souvent directement référés au bloc opératoire. Les patients « noirs »  sont dans une situation si critique qu’ils décèdent à leur arrivée, ou n’ont des chances de survie qu’extrêmement faibles.

Le 10 avril en soirée, les patients ont afflué à l'hôpital MSF Sica à Bangui.
 © Florent Vergnes/AFP
Le 10 avril en soirée, les patients ont afflué à l'hôpital MSF Sica à Bangui. © Florent Vergnes/AFP

Pour les équipes logistiques, le défi est de mettre en place dès le déclenchement du plan un dispositif permettant l’accueil et la prise en charge des blessés, tout  en assurant un minimum de sécurité. « Notre priorité était d’installer une structure pour accueillir la zone de triage, de disposer les lits, les brancards, et d’organiser un sas devant l’hôpital pour que les blessés puissent entrer et sortir, que les brancardiers et soignants puissent travailler sans être gênés par la foule, explique Pierre, logisticien à l’hôpital SICA. Le rôle des gardiens est primordial, ce sont eux qui parlent à la foule, essaient de calmer les choses et d’expliquer le rôle et le travail de MSF », ajoute-il. Le 1er mai, une ambulance repérée comme pouvant potentiellement transporter des blessés musulmans vers l’hôpital SICA a ainsi été prise à partie par la foule, avant de pouvoir finalement entrer.

Les vagues de blessés se sont succédé : hommes, femmes, ainsi que des enfants. « Les patients que l’on a pris en charge sur ces journées « plan blanc » souffraient de  blessures de guerre causant beaucoup de dégâts au niveau des tissus et des os, et qui nécessitent donc souvent une prise en charge plus longue et plus complexe », ajoute André Valembrun, chirurgien orthopédique.

Pascale, infirmière, s’était rendu à Bangui pour une toute autre mission : soutenir  l’introduction à terme de l’ostéosynthèse dans la prise en charge chirurgicale proposée à l’hôpital SICA. L’urgence a rapidement pris le dessus sur les activités planifiées, et tous les soignants disponibles, comme Pascale, ont été mis à contribution lors des « plans blancs. » Elle était avec les patients de la zone « verte », dont les blessures sont certes plus légères mais pas pour autant anodines : fractures, plaies, éclats de grenade au visage. « L’une des patientes qui m’a le plus marquée était une femme qui est arrivée chez nous sans savoir où elle était. J’ai ensuite appris que son enfant avait été blessé par balles en ville et emmené dans une autre structure de soins. Elle a sauté sur une moto-taxi pour se rendre à son chevet, et dans la panique qui régnait cette journée-là, avec des mouvements de foule, des gens qui fuyaient les affrontements, elle a eu un accident de la route. Blessée, elle a donc été amenée à l’hôpital SICA, dans un état de sidération totale. Je l’ai accompagnée jusqu'à ce qu'elle reprenne peu à peu ses esprits. De nombreux patients étaient choqués, ils ne s’attendaient pas à un tel niveau de violence. »

Après l’onde de choc, un calme précaire est revenu à Bangui. Comme une partie de ses collègues centrafricains, Pierre veut croire que le scénario du pire est encore évitable : « on perçoit un climat qui alimente la préparation aux violences, avec beaucoup d’incertitudes, de rumeurs, de tensions qui se sont accumulées, et qui pourraient basculer dans une grande violence. Mais la population ne connaît que trop bien cette violence aveugle, et si la peur est vraiment palpable, on sent aussi que le pire n’est pas inéluctable. »

Notes

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