Nord-est de la Syrie : la situation sanitaire se dégrade fortement dans le camp d’Al-Hol

Vue du camp d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie. 2020. 
Vue du camp d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie. 2020.  © Ricardo Garcia Vilanova

Plus de 65 000 personnes sont détenues dans le camp d’Al-Hol situé dans le nord-est de la Syrie, depuis que les Forces démocratiques syriennes ont repris ce territoire au groupe État islamique. Parmi elles, une grande majorité de femmes et d’enfants, qui n’ont pas ou peu accès aux soins de santé. La situation dans le camp s’est fortement dégradée ces derniers mois, suite à la fermeture de nombreux établissements de santé et à la propagation du coronavirus dans la région.

Will Turner est responsable des urgences chez MSF. Entretien.

Pouvez-vous décrire le camp d'Al-Hol ?

Le camp d'Al-Hol, dans la province de Hassaké, près de la frontière avec l'Irak, est le plus grand camp du nord-est de la Syrie. Aujourd'hui, quelque 65 400 personnes sont détenues, la plupart depuis les dernières batailles entre le groupe État islamique (EI) et les Forces démocratiques syriennes du début de l’année 2019. Plus de 90 % des habitants du camp sont des femmes et des enfants ; les deux tiers ont moins de 18 ans.

Al-Hol est un « camp fermé », ce qui signifie que les gens ne peuvent pas entrer et sortir librement. Entouré de clôtures en fil de fer barbelé, le camp est hautement sécurisé, ses entrées sont fortement gardées par les forces de sécurité. Le camp est massivement surpeuplé. Les restrictions sur les mouvements de personnes, déjà strictes avant le coronavirus, ont été encore renforcées en raison de la pandémie. Pour de nombreuses personnes, il est impossible de quitter le camp, même pour de courtes périodes.

Dans le camp d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie, plus de 90 % des habitants du camp sont des femmes et des enfants ; les deux tiers ont moins de 18 ans. 2020.
 © Ricardo Garcia Vilanova / MSF
Dans le camp d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie, plus de 90 % des habitants du camp sont des femmes et des enfants ; les deux tiers ont moins de 18 ans. 2020. © Ricardo Garcia Vilanova / MSF

La plupart des personnes du camp, d’origine syrienne ou irakienne, vivent dans le camp principal. Ensuite, il y a l'annexe. Dans cette zone distincte et encore plus sécurisée, près de 10 000 ressortissants de pays étrangers croupissent, dans une indifférence quasi générale. Certains gouvernements et organisations humanitaires ont été réticents à fournir des services dans cette annexe car les détenus sont suspectés d’affiliation avec le groupe État islamique.

Quelle est la situation sanitaire dans le camp ?

Pour le moment, il n'y a presque pas de soins de santé disponibles, car de nombreuses cliniques ont fermé : le coronavirus touche particulièrement les personnels de santé de la région, qui ne peuvent donc plus travailler. Les conséquences sont dévastatrices. En seulement une semaine en août, sept enfants sont morts, tous âgés de moins de cinq ans. On a recueilli des témoignages horribles, dans lesquels des mères désespérées se rendaient d'une clinique à l'autre à la recherche de soins pour leurs enfants. 

Il y a également une épidémie de diarrhée en cours, une maladie à laquelle les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables. Beaucoup souffrent de malnutrition. Dans nos centres d'alimentation thérapeutique, près de 80 % de nos patients de moins de cinq ans souffrent de diarrhée aqueuse aiguë. Les admissions dans notre centre de nutrition thérapeutique ont augmenté de 71 % en juillet, et nous avons traité en ambulatoire 157 enfants souffrant de malnutrition.

Dans le camp d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie, un premier cas de coronavirus a été confirmé. 2020.

 
 © Ricardo Garcia Vilanova
Dans le camp d'Al-Hol dans le nord-est de la Syrie, un premier cas de coronavirus a été confirmé. 2020.   © Ricardo Garcia Vilanova

Dans ce contexte, la propreté de l'eau et l'hygiène sont des priorités absolues, d'autant plus dans la chaleur étouffante de l'été, mais l’approvisionnement est compliqué. La centrale qui fournit une grande partie de l’eau dans la région est endommagée et fonctionne par intermittence depuis plusieurs mois. En juillet, nous avons livré 15,2 millions de litres d'eau chlorée et traité 69,3 millions de litres supplémentaires pour que d'autres organisations les distribuent.

En mai, il y avait 24 cliniques de soins de santé primaires dans le camp ; début août, il n’y en avait que 15. À l’heure actuelle, seules cinq sont opérationnelles, parmi lesquelles celle de MSF dans l’annexe. Depuis que nous avons pu la rouvrir fin juillet, nous avons vu plus de 1 000 patients. Il existe trois hôpitaux de campagne, mais aucun n’est actuellement pleinement fonctionnel. Jusqu'à la semaine dernière, il n'y avait pas de soins médicaux d'urgence disponibles dans le camp principal. Heureusement, certains services ont pu redémarrer. Mais on ne sait pas combien de temps cela peut durer, étant donné les taux élevés d’infection au coronavirus parmi le personnel de santé.

Cette situation nécessite un effort collectif. Des zones telles que l'annexe ont été quasi abandonnées par le monde. Quelles que soient les affiliations de ces gens, l’accès à l’assistance médicale et humanitaire est un droit fondamental.

Y a-t-il un risque d'épidémie de coronavirus à Al-Hol ?

Nous venons d'entendre parler du premier cas confirmé de Covid-19 parmi les résidents d'Al-Hol. Nous nous inquiétons de ce qui va se passer ensuite, car le camp n’est pas préparé pour faire face à une telle épidémie. 

Nos équipes ont également identifié 1 900 personnes à travers le camp qui seraient particulièrement vulnérables au coronavirus : beaucoup souffrent de maladies non transmissibles, telles que le diabète, l'hypertension, l'asthme ou de problèmes cardiaques. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour leur fournir les médicaments dont ils ont besoin, ainsi que du savon et d'autres articles essentiels. Ceci est particulièrement important car ils ne peuvent pas aller les acheter eux-mêmes.

MSF s'efforce de fournir des messages de sensibilisation sur la manière d'empêcher la propagation du Covid-19 dans le camp, mais il est difficile de demander à des personnes vivant dans une telle promiscuité de prendre des mesures impossibles à mettre en œuvre, comme la distanciation sociale. 

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que nous assistons à une augmentation des cas de Covid-19 dans le nord-est de la Syrie. Au 24 août, il y avait 394 cas confirmés - près de 20 % parmi les agents de santé. Les tests sont limités, mais parmi les tests effectués, environ la moitié donnent un résultat positif. Cela suggère que les taux de transmission sont élevés et que beaucoup plus de tests sont nécessaires.

Notes

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