Risque-t-on une épidémie étendue de méningite bactérienne cette année ?
Plusieurs indicateurs montrent que ce risque existe, comme l'a souligné une évaluation effectuée par l'Organisation Mondiale de la Santé. D'une part, l'apparition l'année dernière, au Niger et au Burkina Faso, d'une nouvelle variante de la méningite à méningocoque de type A, est un signe que cette saison pourrait être pire que les années précédentes en termes d'épidémies. Autre facteur d'inquiétude, l'an dernier de petites épidémies ont touché des pays comme le Soudan et le Nigeria, pays qui avaient été épargnés depuis quelques années.
Le problème, lorsque plusieurs pays sont touchés par l'épidémie en même temps, c'est qu'il y a alors un risque d'une vague d'épidémies. Entre 1995 et 1997, une épidémie s'est répandue dans toute la « ceinture de la méningite », entraînant plus de 25.000 décès et 250.000 cas de méningite. Ce scénario pourrait se reproduire lors des deux saisons à venir.
Dispose-t-on d'une quantité suffisante de vaccins pour faire face à de grosses épidémies ?
Il n'existe actuellement dans le monde que 25 millions de doses de vaccin A/C - la souche A étant la plus susceptible de provoquer des épidémies. Et Sanofi-Pasteur, l'unique fournisseur, ayant annoncé en mai 2006 qu'il cessait toute fabrication pendant le transfert de la production sur un autre site, il sera impossible de produire des vaccins supplémentaires cette année.
Cette situation est tout particulièrement alarmante lorsque l'on sait qu'au Nigeria, en 1996, plus de 13 millions de personnes ont dû être vaccinées pendant la vague d'épidémie.
Comment gère-t-on cette pénurie de vaccins ?
Un stock de 7 millions de vaccins A/C a été mis de côté par Sanofi-Pasteur, réservé à la lutte contre l'épidémie. Il est géré par l'ICG (International Coordination Group), un organisme international dont MSF fait partie.
Lorsqu'un pays est touché par une épidémie et qu'il ne s'est pas constitué son propre stock d'urgence, il effectue une demande de vaccins soumise à l'ICG pour validation. L'ICG vérifie que le seuil épidémique a été franchi, passe en revue la stratégie de vaccination pour s'assurer que les vaccins seront utilisés de façon rationnelle et efficace, et fournit aussi un appui technique aux pays ou organisations qui répondent à une épidémie de méningite.
L'ICG gère également un stock de vaccins trivalents pour les souches A, C et W135, en cas d'épidémie due à la souche W135 de la méningite. Mais ce stock est limité (3 millions de doses) et pour en produire d'autres, il est nécessaire de payer à la commande.
Existe-t-il d'autres solutions en cas d'épidémie massive dans la « ceinture de la méningite » ?
En prévision d'une possible rupture de stock de vaccins, Epicentre (le département de la recherche épidémiologique de MSF), en collaboration avec deux autres instituts de recherche, a testé l'an dernier en Ouganda l'efficacité de doses moindres de vaccin. Cette étude a montré qu'un cinquième de la dose normale de vaccin contre la souche A est encore efficace chez 80 à 90 % des personnes. La dose complète, elle, est efficace à 90%.
Ces résultats pourraient avoir des conséquences concrètes en cas d'épidémie majeure. Imaginons qu'un grand pays comme le Nigeria soit confronté à une grosse épidémie nécessitant 15 millions de vaccins, et que ces derniers ne soient pas disponibles. Le gouvernement devrait alors choisir de vacciner 15 millions de personnes avec une efficacité de 80% ou d'en vacciner 3 millions avec une efficacité de 90 %. Il va sans dire que ce n'est pas une solution optimale, mais cela reste une piste à explorer en cas d'épidémie grave et de manque de solution alternative.
Quand disposera-t-on d'un vaccin durablement efficace ?
Le vaccin polysaccharidique actuel ne protège que pendant deux à trois ans, les pays de la « ceinture de la méningite » sont donc pris dans un cycle d'épidémies. Il y a cependant un espoir, car les chercheurs testent actuellement un vaccin conjugué pour la souche A qui pourrait fournir une protection durable. Le vaccin conjugué peut avoir un effet durable et il pourrait ainsi mettre un terme à toutes les épidémies d'Afrique. Il pourrait être utilisé lors des périodes d'épidémie, mais l'objectif est plutôt celui d'une vaccination systématique de tous les habitants de la « ceinture de la méningite ». Le vaccin conjugué est actuellement au stade des essais cliniques. Malheureusement, cette version conjuguée ne sera au plus tôt disponible à grande échelle qu'en 2012.
Que fait-on pendant ce temps pour résoudre le problème d'approvisionnement ?
MSF travaille avec l'Organisation Mondiale de la Santé en vue de trouver des sources alternatives d'approvisionnement pour vaccin actuel, auprès de sociétés au Brésil et à Cuba. Il y a des fabricants dans ces pays qui ont été préqualifiés par l'OMS pour la production de vaccins contre la fièvre jaune, par exemple, mais pas contre la méningite. Ces négociations ne porteront cependant pas leurs fruits avant l'an prochain, au plus tôt. Nous avons véritablement besoin de ces alternatives à court terme, avant la mise à disposition du vaccin conjugué. Mais aucun fabricant n'est vraiment intéressé, car cela suppose de forts investissement alors qu'une solution est annoncée dans environ cinq ans.