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Panama : la région du Darién, plus dangereuse que jamais pour les migrants

Bajo Chiquito
Un groupe de canoës quitte Bajo Chiquito pour rejoindre les centres d'accueil. Ils avaient emprunté l'un des itinéraires les plus dangereux pour rejoindre le Panama. © MSF/Sara de la Rubia

La région du Darién, zone de marais et de forêt, marque la frontière entre la Colombie et le Panama. Pour les migrants, elle représente le passage obligatoire de tous les dangers sur la route vers le nord. Outre les difficultés liées à la traversée de la forêt tropicale, les migrants sont souvent pris en chasse par des bandes criminelles qui infligent vols et agressions. Helmer Charris, coordinateur de projet récemment en poste au Panama, a pu observer les changements de flux migratoire au gré des attaques dans la zone.

En décembre 2021, lorsque je suis arrivé au Panama, la situation était différente : après une année record, le nombre de personnes traversant la région du Darién avait considérablement diminué. Au centre de santé de Bajo Chiquito, la première ville d'accueil après la frontière, nous n'avions plus de patients. 

La route migratoire évoluait et les migrants se rendaient davantage au nord, à Canán Membrillo. Ce nouvel itinéraire semblait plus sûr. Aucun incident violent n'avait été signalé et la topographie de la zone était plus clémente : plus courte de trois jours, cette route permettait également d'éviter montagnes, précipices, falaises et rivières qui parsemaient le chemin initial et avaient des conséquences évidentes sur l'état physique des migrants.

Alors que nous avions concentré nos efforts sur la station d'accueil de San Vicente où les migrants se rassemblent une fois qu'ils ont traversé la jungle et passent quelques jours avant de continuer vers le nord en direction du Costa Rica, la situation a à nouveau changé en février 2022. Certains patients rapportaient avoir été dans la jungle depuis longtemps et avoir subi des agressions ou des violences sexuelles extrêmement brutales. Ils racontaient que, même en empruntant la nouvelle route de Canán Membrillo, les guides les faisaient tourner en rond ou les obligeaient à passer par la fameuse Loma de la Muerte, célèbre pour la dureté de ces conditions. Un point de passage incontournable sur l'itinéraire d'origine mais qui ne devrait pas l'être sur cette nouvelle route. Par ailleurs, le chemin étant plus long, les guides facturaient plus cher. Le coût est passé de 300 $US à 900 $US par personne.

Alors que les Haïtiens constituaient le groupe le plus important de migrants, désormais plus de la moitié sont des Vénézuéliens. Beaucoup d'entre eux s'étaient auparavant installés en Colombie ou au Pérou et avaient prévu de faire le voyage vers le nord depuis un certain temps. Il y a toujours beaucoup de familles, certaines en provenance d'Afrique : du Cameroun, du Congo et du Sénégal.

Depuis février, plusieurs pics de violence, y compris sexuelle, ont été rapportés. Cela affecte évidemment la santé physique et mentale et provoque une importante souffrance morale chez les personnes ayant été confrontées à ces traitements violents et humiliants. MSF a traité 396 femmes pour des violences sexuelles d'avril 2021 à mars 2022. 

 

Helmer Charris travaille avec MSF depuis 11 ans, notamment comme médecin, puis en tant que coordinateur de projet.
 © MSF
Helmer Charris travaille avec MSF depuis 11 ans, notamment comme médecin, puis en tant que coordinateur de projet. © MSF

Nous avons dû faire face à un autre problème : les femmes agressées tardent à rejoindre San Vicente depuis Canán Membrillo, et il nous est impossible de leur fournir la prophylaxie nécessaire après un viol pour éviter les infections et les grossesses non désirées - celle-ci devant être administrée dans les 72 heures suivant l'agression. Nous évaluons donc la situation à Canán Membrillo pour établir une présence MSF mais n'avons pas encore reçu l'autorisation du ministère de la Santé de travailler dans cette zone. 

En plus de la brutalité et de la violence sexuelle, la perte d'un proche, tué sur la route a toujours un grand impact. J'ai rencontré un jeune Angolais de 17 ans dont la famille est maintenant dispersée : certains sont déjà à la frontière avec le Costa Rica, son père est à Canán Membrillo, son jeune frère s'est noyé dans une rivière, et l'un de ses deux autres frères est mort, de déshydratation ou de faim, parce tout leur avait été volé. Compte tenu des difficultés rencontrées, nous voyons une augmentation des besoins en santé mentale. Sur une moyenne mensuelle de 1 500 consultations médicales, 150 concernent un soutien psychologique, principalement pour des patients ayant subi des violences, dont plus de la moitié souffrent de stress aigu. 

La région du Darién est plus dangereuse que jamais. Il est d'autant plus nécessaire d'appeler à la création de routes sûres. » 

Notes

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