Nous emmenons dans le 4x4 quelques patients qui rentrent chez eux après une hospitalisation à Akuem. Une jeune fille, accompagnée par sa mère, se remet tout doucement du tétanos. Les cahots de la route doivent lui être difficiles et Joe, le chauffeur, fait ce qu'il peut pour slalomer à travers les ornières, mais ça secoue pas mal.
"Nous sommes passés aux ACT, ça fait une grosse différence".
A Malual Kon, nous rencontrons un membre de TearFund. Pour ce qui est du traitement du paludisme, cette organisation ne prend en charge que les enfants accueillis dans ses centres nutritionnels. Jusqu'à récemment, TearFund utilisait du Fansidar® seul. "Depuis cette année, nous sommes passés aux ACT, combinant le Fansidar® à de l'artésunate, un dérivé d'artémisinine, et ça fait une grosse différence", se réjouit l'employé de TearFund. Pour l'heure, ils prescrivent les ACT à partir d'un simple diagnostic clinique, établi en auscultant les patients, car ils ne disposent pas de Parachecks®, les tests rapides de dépistage. Ils aimeraient bien en avoir, pour être sûrs de leurs diagnostics et ainsi éviter de " sur-traiter ", c'est-à-dire d'administrer le traitement à des patients qui n'ont pas le paludisme. Deux employés de TearFund ont d'ailleurs été formés par MSF pour administrer des Parachecks®. "Le problème, c'est que les Parachecks® ne sont pas inclus dans notre budget prévisionnel, et que nous ne pourrons pas en acheter", regrette notre interlocuteur. C'est à ce genre de détail qu'on prend conscience de l'intérêt d'être financé également par des dons privés, plutôt que de trop dépendre de financements institutionnels qui, lorsqu'on ne les obtient pas, peuvent parfois bloquer les projets.
Toujours à Malual Kon, nous rendons visite au centre de santé géré par IRC, également passés aux ACT après de longues discussions avec MSF, qui leur a prêté des Parachecks® et des traitements pour qu'ils puissent commencer sans attendre leur propre approvisionnement. Lorsque nous arrivons, nous assistons à la consultation de Mary Atchang Garang, 3 ans, qui souffre du paludisme. Pour tous les patients, la recommandation est qu'ils prennent leur première journée de traitement (la dose unique de Fansidar® et la première prise d'artésunate) sous les yeux de l'équipe médicale. Pour Mary Atchang Garang, les comprimés sont broyés, dilués dans l'eau, et son père l'allonge et lui bouche le nez pour la forcer à avaler... C'est parfois bien difficile de faire avaler leurs médicaments aux enfants, car l'artésunate a un goût amer, et le Fansidar® est pire encore.
Nous nous rendons ensuite à Malual Bai, où l'IRC gère un autre centre de santé. Là, Jeff récupère les statistiques et interroge l'équipe sur le traitement du paludisme. Faute de stocks suffisants, ils ne soignent qu'une partie des malades avec les ACT, les autres recevant de la chloroquine, dont l'inefficacité ne fait pourtant plus de doute.
A Malual Bai et Malual Kon, Jeff fait le tour des marchés pour jeter un oeil aux étals. On y trouve beaucoup de chloroquine, un peu de Fansidar®, de la pénicilline, de l'aspirine et tout un tas d'autres médicament, mais pas d'artésunate. "Tant mieux, cela veut dire que les gens prennent leur traitement plutôt que de les revendre", explique Jeff. Petite touche inquiétante, une seringue usagée traîne sur la table d'une des échoppes pharmaceutiques, à l'usage des patients qui s'achètent des médicaments injectables mais n'ont pas les moyens de s'offrir une seringue neuve. Un excellent moyen de répandre tout un tas de maladies infectieuses, comme l'hépatite ou le sida...
Lorsque nous repartons vers Akuem, nous emmenons avec nous Abuk et sa mère. Abuk est une petite fille d'à peine deux ans, soignée aux ACT deux semaines plus tôt, mais qui ne va toujours pas bien. Elle a les yeux dans le vague, des gestes réflexes brusques, comme des convulsions, et encore un peu de fièvre. Jeff craint qu'elle ne souffre de séquelles neurologiques d'un paludisme cérébral, et préfère donc la ramener sur Akuem pour qu'elle soit examinée par un médecin.