Dans une interview accordée au journal La Croix, le 14 janvier 2009, Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique de Médecins Sans Frontières, explique comment le droit international, qui prévoit la protection des populations civiles, est bafoué à Gaza.
En temps de guerre, comme aujourd'hui dans la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, il y a une tentation permanente de faire prévaloir le recours à la force au détriment des règles internationales du droit humanitaire. Ces règles ont été complétées en 1977 par les protocoles additionnels aux conventions de Genève adoptées en 1949.
L'article 57 de ce premier protocole additionnel interdit la riposte automatique contre un établissement civil comme cela s'est passé la semaine dernière sur trois écoles de l'ONU dans la bande de Gaza. Transformées en lieu de refuge pour la population, elles ont été bombardées par les forces israéliennes. Dans l'une, plus de 40 personnes ont été tuées. Les autorités israéliennes ont justifié ces bombardements affirmant que des roquettes avaient été tirées par le Hamas à partir des écoles.
L'obligation de distinguer entre les civils et les combattants reste impérative même dans un conflit de type urbain. Quelles que soient les provocations, la riposte automatique n'est pas autorisée. Elle doit respecter des règles graduées de proportionnalité et de précaution. L'argument de légitime défense utilisé par les autorités israéliennes ne peut justifier les graves dommages causés aux civils. Au 18ème jour des combats, hier, l'offensive a fait plus de 930 morts, dont 277 enfants.
J'adhère aux déclarations de John Ging, directeur des opérations à Gaza de l'agence des Nations unies pour les Palestiniens (UNRWA). Celui-ci a estimé, hier à Genève, qu'il y a dans la guerre de Gaza « une véritable crise pour la protection des populations civiles, celles-ci n'ayant nulle part où se mettre à l'abri ». Il a ajouté que c'était « un test pour notre humanité et pour notre capacité à protéger 1,5 million de personnes » en vertu des conventions de Genève.
Les autorités israéliennes, qui ont interdit la bande de Gaza aux journalistes, rendent le droit international totalement impuissant à protéger les civils. Il est en l'occurrence bafoué. Les opérations de secours aux blessés n'arrivent pas à se mettre en place, il y a un refus de limiter l'intensité des combats pour protéger la sécurité des civils.
Le Hamas, que l'on ne voit guère, ne respecte pas non plus les règles du droit humanitaire international au regard de son utilisation de la population comme bouclier humain.
Quant aux armes, les bombes à phosphore, comme les bombes à fragmentation ou encore les mines, elles ne sont pas totalement interdites mais leur usage n'est autorisé que sur des objectifs militaires. Il n'est donc pas possible de s'en servir quand les objectifs militaires et les civils sont mélangés, comme dans la zone urbaine de Gaza. »
Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique de Médecins sans frontières (MSF)
Auteur du Dictionnaire pratique du droit humanitaire ID