[Podcast] La relation soignant – patient vit-elle une révolution dans l’humanitaire ?

Programme B Podcast MSF La relation soignant – patient vit-elle une révolution dans l’humanitaire ?
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Le rapport soignant.e/patient.e dans les missions humanitaires est l’objet d’un débat éthique depuis au moins une vingtaine d’années : comment sortir de l’asymétrie sachant/souffrant et d’une forme de domination exercée, consciemment ou inconsciemment, par les premiers sur les seconds ? C’est à cette question que tentent de répondre ces épisodes de Programme B, un podcast de Binge Audio ; co-produit avec MSF.

Episode 1 - Placer le patient au cœur de la mission humanitaire de soin

Le soin humanitaire peut parfois souffrir d’une certaine distance dans la relation soignant/patient :

  • Une forme de paternalisme occidental aurait été l’un des fondements, conscient ou inconscient, des ONG humanitaires dans les années 70.
  • La progressive privatisation et professionnalisation des ONG semble avoir été bénéfique au plan de l’organisation, mais elle a aussi imposé des standards qui participent d’un éloignement du soignant au patient. Ce que ce dernier raconte de sa souffrance et de sa pathologie peut être partiellement occulté.
  • L’asymétrie originelle de la médecine et la position de supériorité inhérente du soignant-sachant sur le patient-souffrant en quête de réponses.

Comment le secteur humanitaire se questionne-t-il et se réinvente-t-il pour définitivement se débarrasser de cette asymétrie ? Est-ce un voeu pieu ou est-ce possible ?
L’impression et la parole du patient sont-elles de plus en plus prises en compte alors que les missions humanitaires de soin sont toujours des défis d’organisation importants ? Ou bien le souci d’efficacité et les protocoles standardisés installés avec la professionnalisation des ONG humanitaires participent-ils d’un maintien de la distance entre personnels soignants et patients ?

Intervenant : Rony Brauman (ancien président de MSF).

Episode 2 - Le soin est-il vraiment universel ?

Les conditions dans lesquelles les missions humanitaires sont réalisées – guerre, famine, épidémie – ne permettent pas systématiquement la prise en charge du patient dans les conditions que l’on peut retrouver dans les pays du Nord économique. Alors peut-on et doit-on soigner tout le monde de la même manière ? L’urgence médicale des zones d’intervention permet-elle parfois d’aller plus vite à l’essentiel et d’être plus efficace ? Ou au contraire, favorise-t-elle l’erreur d’appréciation ?
Par ailleurs, les singularités culturelles des régions du monde où ces missions de soin ont lieu jouent-elles un rôle ? Le contexte peut-il parfois inconsciemment favoriser des prises de décision basées sur des a priori, qu’ils soient politiques, culturels ou religieux ? Où et comment placer le curseur pour créer la juste relation soignant/patient ?
Qu’il s’agisse des pays vivant une crise politique ou sanitaire ou bien de pays dits riches, la question de l’accès universel au soin se pose donc. En France comme aux Etats-Unis, cette question du même soin adressé à tou.te.s a trouvé un écho singulier. L’affaire de la liste des médecins noirs à l’été 2020 et l’enquête du Centers for Diseases Control and Prevention (CDC) sur le taux de mortalité plus élevé des bébés noirs aux Etats-Unis à la même époque ont suscité la polémique mais aussi provoqué une réflexion politique. En novembre dernier, le médecin et militant Baptiste Beaulieu se montrait favorable à l’existence de telles listes sur France Inter.
Mais alors faut-il renoncer au concept d’universalité du soin et admettre que l’accès au soin et sa dispense relèvent en fait de l’éthique et de la culture ?

Intervenants : Chantal Gamba (médecin MSF) et Baptiste Beaulieu (France).

Episode 3 - L’accès à l’avortement, ici et là-bas, est-il vraiment inconditionnel ?

A travers le monde, 20 millions de femmes interrompent chaque année leur grossesse d’après les chiffres de MSF en 2018. Le droit à disposer de son corps pour la femme est-il une valeur universelle, relevant donc de la morale, ou bien une valeur « occidentale », dont la défense relèverait donc de l’éthique ? Qu’en est-il de la responsabilité des médecins dans la pratique de l’IVG dans des pays où les patientes peuvent subir, après intervention, toutes sortes de tourments ou de violences ? Et pour les soignants, qu’en est-il alors qu’ils peuvent eux aussi être la cible de représailles étatiques, familiales, etc. jusqu’au meurtre ? Comme en France, cette pratique pose enfin la question de l’éthique personnelle du soignant : depuis 2017, les médecins de MSF ne peuvent pas refuser de pratiquer une IVG si une femme leur en fait la demande. Comment faire pour concilier impératif de soin et convictions ou croyances personnelles ?

Intervenantes : Nelly Staderini (sage-femme travaillant avec MSF) et Jennifer Merchant (INSERM) 

Episode 4 - L’émergence des « patients experts », modèle exportable ?

En 2010, Catherine Tourette Turgis fonde l’Université des patients à la Sorbonne. Il s’agit d’associer des patients très au fait de leur maladie pour apporter un complément d’aide aux soignants dans la relation à d’autres patients. Pour ce faire, ces « patients experts » se forment en ETP (éducation thérapeutique du patient). Progressivement, des patients intègrent des comités médicaux. Quel bilan tirer de cette expérience ? Comment les soignants et les patients vivent-ils l’émergence de ces tierces personnes dans les protocoles de soin ? Comment mesurer les résultats et l’efficacité de cette mesure ? A quel point ces patients experts aident-ils les soignants au quotidien dans leur rapport aux autres patients ?
A l’international, MSF a intégré des patients experts pour ses protocoles de soin autour du SIDA. Il s’agit donc d’en tirer un bilan. Cette intégration fut-elle efficace ? Comment l’installer dans le temps long alors que les missions de soin ne sont pas nécessairement longues elles-mêmes ? Dans quel autre type de missions les patients experts seraient-ils utiles ? Comment les former ? Des expérimentations sont-elles en cours ?

Intervenantes : Catherine Tourette Turgis (France), Ramata (patiente, Bamako), Alice Authier (coordinatrice du projet oncologie pour MSF à Bamako).

Episode 5 - Prendre en charge la santé mentale

La santé mentale est un pan de la santé longtemps méprisé dans notre société et qui a d’ailleurs tardé à s’imposer dans l’aide humanitaire. Pourtant, dès 1948, l’OMS réaffirmait l’importance de la santé mentale. Pour elle, être en bonne santé, ce n’est pas seulement manger à sa faim et ne pas être malade. Alors, pourquoi la santé mentale ne s’est pas autant imposée que la santé physique, y compris dans l’aide humanitaire ? Comment les populations en zone de guerre ou dans des pays instables économiquement ont accès à une prise en charge de leur santé mentale ?

Intervenantes : Frédérique Drogoul, psychiatre et ex-référente en en santé mentale chez MSF, Mélanie Kerloc’h, psychologue MSF

Notes

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