RDC : des populations en détresse face à une recrudescence de la violence en Ituri

Vue aérienne du camp de Rhoe, situé à 8 kilomètres du village de Drodro et à 65 km au nord-est de la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l'Ituri.
Vue aérienne du camp de Rhoe, situé à 8 kilomètres du village de Drodro et à 65 km au nord-est de la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l'Ituri. © Alexis Huguet

Le territoire de Djugu dans la province de l'Ituri en République démocratique du Congo, riche en or et en pétrole, est régulièrement en proie à la violence depuis la résurgence, en 2017, de conflits armés sur fond de tensions communautaires. Entre le 12 et le 28 novembre 2021, quatre attaques successives d'une brutalité inouïe ont frappé les sites de Tché, Drodro Paroisse, Luko et Ivo. Une nouvelle série d'affrontements qui détériore la sécurité mais aussi les conditions de vie des populations déplacées, et accentue leur vulnérabilité et leur isolement.

Suzanne, 52 ans, originaire de Dhedja, était agricultrice. Elle a tout quitté pour rejoindre Ivo avec ses trois enfants. Là-bas, elle a vu des passants se faire tirer dessus et entendu ses voisins se faire attaquer à la machette. Elle est parvenue à s’échapper avec sa famille et, contrainte de fuir à nouveau, a trouvé refuge dans le camp de Rhoe. Traumatisée par le massacre de ses voisins, elle peine à s’occuper de ses enfants : « J'ai constamment ces images en tête. Je suis abandonnée à mon sort, sans nourriture, mes enfants et moi-même sommes malades depuis notre arrivée sur le site. »

Activités WASH (eau, assainissement et hygiène) des équipes MSF dans le camp de Rhoe. Après que des attaques successives dans la région ont forcé plus de 40 000 personnes à se réfugier sur le site de Rhoe en 2 mois, portant sa population à plus de 65 000 déplacés, MSF a multiplié ce type d'activités pour fournir de l'eau potable et des latrines aux déplacés du camp.
 © Alexis Huguet
Activités WASH (eau, assainissement et hygiène) des équipes MSF dans le camp de Rhoe. Après que des attaques successives dans la région ont forcé plus de 40 000 personnes à se réfugier sur le site de Rhoe en 2 mois, portant sa population à plus de 65 000 déplacés, MSF a multiplié ce type d'activités pour fournir de l'eau potable et des latrines aux déplacés du camp. © Alexis Huguet

Comme Suzanne, plus de 40 000 personnes ont dû se réfugier sur le site de Rhoe dans la zone de santé de Blukwa Etat, une zone difficile d'accès, où les acteurs humanitaires ont une présence réduite en raison de la récurrence de problèmes sécuritaires. « Les gens ont été confrontés à de nombreuses difficultés : le froid, le manque d'abris, de latrines. Les affrontements entre groupes armés ont conduit au déplacement massif de la population, y compris des agents de santé qui ne sont, dès lors, plus au chevet de leurs patients, explique le Dr Benjamin Safari, médecin de MSF à Drodro. Les besoins sanitaires sont énormes, nous avons démarré plusieurs activités afin de renforcer les capacités de prise en charge des enfants de moins de 15 ans », précise-t-il. 

A l’origine, le poste de santé avancé installé dans le camp avait vocation à transférer les patients nécessitant des soins spécifiques vers l'hôpital général de référence (HGR) de la ville de Drodro, plus équipé. Suite aux derniers affrontements ayant détruit un pan de la ville et poussé une partie de ses habitants vers le camp de Rhoe, les équipes de MSF y ont été relocalisées et le poste avancé s’est transformé en substitut d'hôpital de campagne aux conditions rustiques, pour venir en aide à plus de 65 000 personnes. 

Des patients et leurs familles à l'intérieur de l'hélicoptère de l'ONU utilisé par MSF pour transférer les malades entre Rhoe et l'hôpital de Bunia. Depuis que les attaques de Drodro en novembre ont forcé les gens à fuir et les équipes à abandonner l'hôpital général de référence, l'hélicoptère est le seul moyen d'approvisionnement du camp de Rhoe.
 © Alexis Huguet
Des patients et leurs familles à l'intérieur de l'hélicoptère de l'ONU utilisé par MSF pour transférer les malades entre Rhoe et l'hôpital de Bunia. Depuis que les attaques de Drodro en novembre ont forcé les gens à fuir et les équipes à abandonner l'hôpital général de référence, l'hélicoptère est le seul moyen d'approvisionnement du camp de Rhoe. © Alexis Huguet

En moyenne, au cours des dernières semaines de décembre 2021, les équipes médicales ont réalisé de façon hebdomadaire plus de 800 consultations, 35 accouchements, et plusieurs dizaines de rendez-vous pour une assistance en santé mentale. A cela s’ajoutent des séances de sensibilisation, dispensées par des équipes de promotion de la santé déployées sur le site pour détecter les cas de malnutrition aigüe, de maladies à potentiel épidémique et pour informer sur les services de soutien aux potentielles victimes de violences sexuelles. 

RDC : population en détresse face à une recrudescence de la violence en Ituri

« Bien que certains commencent à reprendre le chemin de leur foyer au vu de la fragile accalmie constatée ces dernières semaines, les besoins restent élevés et les accès réduits. Nous ne pourrons pas suivre ces personnes à Drodro si la sécurité n’y est pas assurée pour le personnel de santé », constate Davide Occhipinti, coordinateur de projet MSF à Drodro. 

« Ceux qui restent à Rhoe n'ont nulle part où aller. Les communautés qui s’affrontent dans la région ont été délaissées depuis trop longtemps et nous ne réglerons par leurs différends avec des pansements et des médicaments. Il est nécessaire que l’Etat congolais et ses partenaires internationaux prennent leurs responsabilités pour inverser la dynamique de ce cercle vicieux qui conduit à toujours plus de morts, de blessés et de déplacés », conclut-il.

Entre 1999 et 2003, un conflit intercommunautaire en Ituri, opposant Lendus et Hema, a fait des dizaines de milliers de victimes. Les forces de la Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUSCO) déployées dans la région étaient dépassées jusqu'à ce que l'ONU autorise l'Union européenne à déployer l'opération Artémis, en juin 2003. Bunia est alors sécurisée, certaines milices neutralisées, des mandats d’arrêts internationaux sont lancés contre les seigneurs de guerre les plus notables, et plusieurs d'entre eux sont effectivement emprisonnés à La Haye pour être jugés devant la Cour pénale internationale. La région a néanmoins renoué avec la violence depuis la fin de l'année 2017, principalement dans sa partie nord, dans le territoire de Djugu.

En Ituri, MSF apporte son soutien à quatre hôpitaux généraux de référence, 12 centres de santé, trois postes de santé et 32 sites de soins communautaires dans les zones de santé de Drodro, Nizi, Bambu et Angumu pour la prise en charge des maladies pédiatriques, de la malnutrition, du paludisme, des violences sexuelles et de la santé mentale. 

Notes

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