Des centaines de milliers de personnes font face à une situation critique dans la région de Kayna, au Nord Kivu. Lors de la dernière flambée de violences en novembre, presque toutes les maisons ont été pillées. Interview de Sahla Issoufou, responsable des activités MSF à Kayna. Lire le dossier spécial Nord-Kivu
Que s'est-il passé dans la région de Kayna ?
Des pillages massifs ont eu lieu à partir du 10 novembre. Et toute la population - les résidents et les déplacés - des villes de Kayna et Kanyabayonga a fui.
Pendant deux semaines, presque toutes les maisons ont été pillées. La plupart des centres de santé ont été vidés aussi. La majorité du personnel médical a fui pour se mettre à l'abri, il n'y a parfois plus personne.
A la fin du mois de novembre, la population de Kayna et Kanyabayonga a commencé à revenir. 70% des habitants seraient maintenant revenus. Mais nombreux sont ceux qui se cachent toujours en brousse, craignant de nouvelles violences.
Car l'insécurité perdure en dépit d'une certaine amélioration. Il s'agit d'une zone qui a connu, au cours des trois derniers mois, plusieurs vagues de fortes violences. A chaque fois, les habitants ont dû prendre la fuite, se réfugier dans la brousse ou dans d'autres localités, parfois très loin, en laissant tout derrière eux.
Certains étaient arrivés là après avoir fui d'autres endroits, parfois trois ou quatre fois. Le défi est de constamment adapter nos activités afin de rester au plus près de ces populations.
De quoi les populations ont-elles besoin en priorité ?
En ce moment, des gens sont en train de mourir, faute de pouvoir être soignés. Pour MSF, c'est l'urgence numéro un : leur apporter une aide médicale gratuite. Nous devons réapprovisionner d'urgence les structures de santé qui ont été pillées et les faire fonctionner.
De plus, pour se rapprocher le plus possible des personnes déplacées, des équipes médicales se déplacent tous les jours dans les environs de Kayna, Kanyabayonga et Kirumba où elles donnent environ 350 consultations par jour. Toute la population de cette zone a besoin aussi de nourriture et d'eau potable.
Les besoins ont considérablement augmenté depuis fin octobre quand la population a doublé avec l'arrivée de déplacés fuyant les combats dans le territoire de Rutshuru. Les réserves de nourriture ont été pillées.
Les familles de retour doivent enfin se réinstaller. Il leur faut donc retrouver un matelas, des ustensiles de cuisine... bref, les choses les plus basiques pour pouvoir continuer à vivre. Ce sont des personnes qui sont appauvries par le déplacement et marquées par les violences.
Y a-t-il d'autres urgences ?
Nous appuyons l'ensemble des services de l'hôpital de Kayna où une quarantaine de patients sont hospitalisés aujourd'hui. Fin novembre, nous avons opéré neuf blessés par balle, majoritairement des civils. Une femme qui avait reçu une balle dans la tête est décédée.
Ensuite, nous craignons la présence de certaines pathologies à potentiel épidémique. 77 cas suspects de choléra ont été enregistrés entre le 18 et le 27 novembre, à Lunyasenghe, et une dizaine de personnes seraient décédées.
Ce village se trouve sur les rives du Lac Edouard que l'on rejoint après 2h30 en pirogue pour y arriver. Notre équipe s'est rapidement rendue sur place pour donner des médicaments, du matériel médical et surveiller la situation.
Nous avons monté un centre de traitement de choléra et avons soigné 21 personnes depuis le 28 novembre. Enfin, avec les cliniques itinérantes, nous essayons d'atteindre des villages où il y a d'importants regroupements de déplacés pour leur donner des soins médicaux. Notre équipe comprend 70 personnes, dont un médecin, un chirurgien et un anesthésiste expatriés.