République centrafricaine (RCA) : le chaos sanitaire

Hôpital de Berberati  Juillet 2014
Hôpital de Berberati - Juillet 2014 © Yann Libessart/MSF

Depuis décembre 2013, la République centrafricaine (RCA) est déchirée par un conflit dont le caractère confessionnel s’est progressivement renforcé. L’escalade de la violence et les déplacements de population ont par ailleurs aggravé une situation sanitaire déjà très détériorée. A l’intérieur du pays, alors que l’économie et le système de santé public sont moribonds, les populations se trouvent confrontées au paludisme et à l’insécurité alimentaire. Depuis janvier, MSF travaille au sein de l’hôpital régional universitaire de Berberati, dans l’ouest du pays.

Autour des rares lumières de Berberati, des milliers de termites papillonnent. La veille, un violent orage a inauguré la saison des pluies. C’était le signal attendu par les habitants pour se lancer dans la chasse aux insectes : en ces temps de disette, aucune source de protéines ne peut être négligée.

Si les tirs se raréfient, le paludisme fait des ravages

Avant l'arrivée de MSF, en décembre, le seul hôpital de la ville était complètement dysfonctionnel. « Il n’y avait plus l’électricité. Les patients devaient venir avec leur propre lampe pour être examinés » raconte un médecin centrafricain. « La plupart des gens ne veulent pas payer pour des soins de mauvaise qualité. Le recours aux médecines traditionnelles a du coup connu une forte recrudescence, explique Nicolas Peyraud, pédiatre MSF. La majorité des enfants que nous soignons actuellement ont d’abord été traités par des guérisseurs, avec des conséquences parfois dramatiques ».

Il y a deux mois, un mur de deux mètres a dû être érigé devant l’entrée des consultations externes afin de protéger les patients et le personnel des balles perdues. Si les échanges de tirs sont aujourd’hui plus rares, le paludisme et la malnutrition se chargent de remplir les 150 lits de l’hôpital. « Les taux de prévalence du paludisme sont impressionnants. Environ trois quarts des enfants que nous voyons en consultation sont testés positifs à cette maladie, constate Nicolas Peyraud. Chez des sujets déjà affaiblis par la malnutrition ou les diarrhées, cette maladie est particulièrement meurtrière ».

Une maternité et un bloc chirurgical fonctionnels

A la maternité, Furaha Walumpumpu, sage-femme MSF, effectue, en moyenne, une dizaine d’accouchements par jour : « Les femmes de la région avaient perdu l’habitude de venir à l’hôpital pour accoucher, sans parler de se rendre en consultations prénatales pour détecter d’éventuels risques de complications... Je récupère parfois des patientes dans des états catastrophiques parce qu’elles ne disposaient pas de personnel médical qualifié à proximité de chez elles. »

Furaha vient d’avertir le chirurgien Yves Groebli qu’elle amène une patiente au bloc pour une césarienne d’urgence. « L’enfant est en souffrance, il faut opérer au plus vite. » Faute de moyens financier pour payer l'opération, Mariette, 25 ans, avait perdu un bébé il y a quelques années. En quelques minutes, Yves extrait le nouveau-né, aussitôt déposé dans les bras de la sage-femme.

Une enclave musulmane dans l’évêché

Depuis janvier, l’immense majorité de la population musulmane de Berberati a fui les violences et s’est réfugiée au Cameroun. Le quartier musulman de Potopoto, poumon économique de la ville, est presque désert. Toutes les mosquées ont été saccagées. « Les milices anti-Balakas contrôlent la ville. Nous ne pouvons pas sortir sans mettre notre vie en danger », explique l’Imam Rashid qui fait partie des derniers musulmans de Berberati. Ils sont désormais environ 350, réfugiés dans l’enceinte de l’évêché et placés sous la protection des soldats camerounais de la MISCA, la force d’intervention de l’Union Africaine. « Nous sommes reconnaissants pour l’hospitalité qui nous a été offerte par l’évêché. Nous ne manquons de rien ici, sauf de liberté. »

Dans un coin de la cour, une sœur infirmière renouvèle le pansement d’Issoufa, 24 ans. « J’habitais près de Nola, à une centaine de kilomètres au sud de Berberati. Quand les anti-Balakas sont arrivés, ils ont volé tous mes biens et m’ont tiré dans le bras. C’était trop dangereux d’aller à l’hôpital de Nola. J’ai dû attendre plusieurs jours avant qu’on puisse me conduire à celui de Berberati. » Trop tard pour sauver son bras que le chirurgien MSF a été contraint d’amputer. « J’attends que mes soins soient terminés et je pars au Cameroun rejoindre les miens. Je n’ai plus d’avenir ici. »

Dans le but de répondre aux besoins médicaux des personnes déplacées et soigner les victimes de violence, MSF a commencé à travailler à Berberati en janvier 2014. Depuis, la violence a diminué mais les besoins sanitaires demeurent. En mai dernier, nos équipes ont dispensé plus de 3 000 consultations, dont 2 450 pour des malades du paludisme. Environ 425 patients ont été hospitalisés et plus de 300 interventions chirurgicales ont été effectuées. MSF a également aidé 320 bébés à venir au monde.

Dossier spécial RCA

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Dossier de presse « RCA : un an d’escalade de la violence »

Notes

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