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République centrafricaine : rougeole, le retour d’une grande tueuse

Un travailleur communautaire MSF annonce l'heure et le lieu d'une vaccination. République centrafricaine. 2020. 
Un travailleur communautaire MSF annonce l'heure et le lieu d'une vaccination. République centrafricaine. 2020.  © James Oatway

Lorsque les premiers cas de coronavirus ont été confirmés en République centrafricaine (RCA) au mois de mars, le pays était déjà en proie à une urgence humanitaire et sanitaire majeure : une épidémie de rougeole à l’échelle nationale, la plus importante depuis près de deux décennies. Médecins Sans Frontières traite et vaccine les enfants à grande échelle dans plusieurs zones du pays.

Ndongue est un village isolé situé dans l’ouest de la République centrafricaine, proche de la frontière avec le Cameroun. Des dizaines de parents et de jeunes enfants font la queue à un poste de vaccination que MSF a installé sous un grand manguier au centre du village. L'équipe est là pour administrer gratuitement le vaccin contre la rougeole et la pneumonie (PCV13).

« Ici, personne ne peut se permettre de payer une consultation à l’hôpital, nous essayons donc de nous soigner en utilisant la médecine traditionnelle. En dernier recours, nous allons chez les guérisseurs traditionnels, et nous les payons avec un poulet si nous n'avons pas d'argent, explique Véronique, une agricultrice venue faire vacciner le plus jeune de ses six enfants, âgé de trois mois. C'est la première fois que nous entendons parler d'une vaccination », ajoute-t-elle.

Une grande partie des cinq millions d'habitants de République centrafricaine, dont plus de 700 000 sont déplacés à l'intérieur du pays en raison de l'insécurité, n'ont pas accès aux soins de santé, et de nombreux enfants n'ont pas été vaccinés. Dans ces conditions, une maladie évitable mais très contagieuse comme la rougeole peut se propager rapidement. En janvier, le ministère de la Santé a déclaré une épidémie de rougeole à l'échelle nationale.

Salle de traitement de la rougeole de l'hôpital de Bossangoa. République centrafricaine. 2020. 

 
 © James Oatway
Salle de traitement de la rougeole de l'hôpital de Bossangoa. République centrafricaine. 2020.    © James Oatway

En soutien aux autorités sanitaires, MSF a lancé une campagne de vaccination massive pour vacciner plus de 310 000 enfants contre la rougeole dans sept zones sanitaires du pays.

« Les défis logistiques et les coûts liés à la mise en place d'une campagne de vaccination à grande échelle dans des régions aussi isolées et éloignées sont énormes, déclare Ester Gutierrez, cheffe de mission MSF en RCA. Beaucoup de ces régions ne sont accessibles que par avion, et nos équipes voyagent souvent pendant plusieurs jours pour atteindre les habitants des villages les plus reculés. L’insécurité est aussi un obstacle de taille : nous n’avons par exemple pas pu nous rendre dans la zone entre Bria et Ouadda au centre du pays pour y vacciner les enfants et apporter des soins médicaux, en raison des violences. »

Chaîne du froid

« Maintenir les vaccins au froid dans les régions dépourvues d'électricité fiable est un énorme défi. Le plus important est de maintenir la même température lorsque les vaccins sont prélevés des congélateurs de notre base - ce que nous appelons la chaîne du froid active - à la chaîne de froid passive des glacières que nos équipes mobiles emmènent sur les sites de vaccination. C'est une procédure très délicate. »

Zacharie Musangui, logisticien MSF

© James Oatway

En parallèle de la campagne de vaccination, les équipes de MSF traitent également les enfants déjà malades. Depuis le début de l’année 2020, plus de 6 200 cas suspects de rougeole ont été traités par MSF dans les districts sanitaires de Nangha, Boguila et Bossangoa, dans la région de l’Ouham située dans le nord du pays.

Yvonne Zongagofo a amené son beau-fils Maxime à un poste de santé que MSF soutient dans le village de Benzambe. Maxime est malade depuis trois jours. Il a de la fièvre et ne veut pas manger. « J'ai insisté auprès de ma famille pour emmener Maxime au centre de santé après avoir compris que c'était la rougeole, dit-elle. Nous n'avons pas eu de cas de cette maladie depuis des années, mais j'ai reconnu les symptômes parce que je me souviens de la dernière épidémie, lorsque j'étais enfant. À l'époque, la médecine traditionnelle était le seul remède, et il n'y avait ni ONG, ni médecins, ni hôpitaux dans cette région. Aujourd'hui, la situation s'est légèrement améliorée, nous avons un peu plus accès aux soins de santé, mais ce n'est pas suffisant. Des enfants meurent encore dans ma communauté. » Après la consultation au poste de santé, Maxime est conduit à l'hôpital soutenu par MSF à Bossangoa, situé à plusieurs heures de route, où un service a été mis en place spécialement pour la rougeole.

Maxime et Yvonne, dans la salle de traitement de la rougeole. République centrafricaine. 2020.
 © James Oatway
Maxime et Yvonne, dans la salle de traitement de la rougeole. République centrafricaine. 2020. © James Oatway

Les enfants dont le système immunitaire est affaibli par la rougeole développent souvent d'autres problèmes de santé, tels que des ulcères douloureux qui peuvent les empêcher de manger correctement. Les enfants malades n'ont pas beaucoup de réserves et sont rapidement sous-alimentés. Les équipes de MSF traitent cette comorbidité.

Soulaimani Bouldi, 30 ans, est un commerçant du village de Besson. Il avait amené son fils Hammadou, âgé de deux ans, pour le faire vacciner. Mais l’équipe médicale a diagnostiqué un état de malnutrition chez le petit garçon, qui avait auparavant été malade de la rougeole, et l'a envoyé à l'hôpital de Baboua. MSF y soutient temporairement le service pédiatrique et a installé trois tentes pour traiter les cas de rougeole avec complications. « Notre vie a été incroyablement dure ces dernières années, détaille Soulaimani. Il y a 5 ans, nous avons dû fuir au Cameroun à cause des attaques des groupes armés. À notre retour, notre maison avait été détruite et nos animaux volés. Nous n'avons pas d'argent pour payer les médicaments de nos enfants. »

Soulaimani et son fils Hammadou, pris en charge par les équipe MSF. République centrafricaine. 2020.
 © James Oatway
Soulaimani et son fils Hammadou, pris en charge par les équipe MSF. République centrafricaine. 2020. © James Oatway

Malheureusement, pour certains enfants et leurs familles, l'aide arrive trop tard. Ce fut le cas du petit garçon de Zari Odette, une habitante de Baboua. L’enfant avait récemment été atteint de la rougeole et est très probablement mort de complications respiratoires.

« Les enfants ne devraient pas avoir à mourir d'une maladie évitable comme la rougeole, déclare Adelaide Ouabo, coordinatrice médicale de MSF. Contrairement au nouveau coronavirus, nous disposons d'un vaccin contre la rougeole depuis des décennies, et nous devons faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants y aient accès. »

« Notre priorité reste de poursuivre nos projets médicaux pour sauver des vies dans de nombreuses régions du pays, poursuit Adelaide Ouabo. Nous devons nous assurer que les mesures prises pour limiter la propagation du coronavirus ne compromettent pas la lutte contre les “grandes tueuses” comme la rougeole, le paludisme, la pneumonie ou la malnutrition. Nous savons par expérience qu'un accès réduit aux services médicaux en cas d'urgence entraîne encore plus de crises sanitaires. »

Un manque de vaccinations risque de créer des lacunes dangereuses en matière d’immunité, une situation qui pourrait entraîner une augmentation des maladies évitables et potentiellement mortelle dans les mois à venir.

Notes

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