Jusqu'ici, dans les régions qu'elles ont évaluées, nos équipes n’ont pas constaté de taux alarmants de malnutrition aigüe sévère (MAS), forme la plus dangereuse de la maldie. En revanche, le niveau d'insécurité alimentaire (lorsque des populations n’ont plus accès à une quantité suffisante d’aliments sains et nutritifs permettant un développement normal et la conduite d’une vie active) est lui plus préoccupant. Ainsi, dans certaines zones, les stocks de nourriture disponibles sont faibles voire inexistants. Les populations y sont alors totalement dépendantes des distributions alimentaires assurées par le gouvernement éthiopien, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Programme Conjoint des Opérations d’Urgence, qui coordonne les réponses des différentes ONG dans le pays. Les années précédentes, ces distributions étaient destinées à couvrir les besoins de 7,5 millions de personnes par an ; aujourd’hui, le gouvernement estime que 10,2 millions de personnes en auraient besoin.
Quelques mouvements de population n'ayant plus accès à la nourriture et/ou à l'eau ont déjà été signalés. S'il ne pleut pas assez dans les semaines ou les mois à venir, et si les distributions alimentaires n'augmentent pas - voire s'arrêtent faute de financements - la situation peut vite et massivement basculer, et ce dès fin avril-début mai prochains.
Des équipes MSF ont initié une intervention nutritionnelle et un soutien aux autorités sanitaires éthiopiennes. Les évaluations conduites par MSF dans les régions Afar et Somali font suite à l’ouverture de projets nutritionnels dans ces zones : centres de nutrition thérapeutiques ambulatoires, de stabilisation et de soins intensifs, mais aussi campagnes de vaccination, notamment contre la rougeole. Dans les RNNPS, MSF a pris en charge la réponse nutritionnelle dans deux « woredas » (subdivision administrative) en se focalisant sur le renforcement des capacités.
Nos patients les plus vulnérables sont principalement les enfants âgés de moins de 5 ans souffrant de malnutrition sévère, ainsi que les femmes enceintes ou allaitantes. Là où la situation le requiert, nous assurons donc une aide alimentaire supplémentaire aux familles d’enfants âgés de moins de 5 ans inscrits dans nos programmes nutritionnels.
Dans la région aride de Siti, à l’ouest du pays, les signes de sécheresse sont évidents. La pluie a été rare au cours de ces 18 derniers mois, les cultures sont presque inexistantes et les communautés d’éleveurs semi-nomades, dépendantes de leur bétail lui-même privé de nourriture, sont les plus touchées.
MSF travaille dans ces zones depuis fin 2015. Au cours de ces derniers mois, plusieurs communautés semi-nomades se sont rendues dans le village d’Asbuli pour y trouver de l’aide. Sous la direction du ministère éthiopien de la Santé, MSF gère un centre de stabilisation nutritionnelle qui prend en charge les cas les plus urgents de malnutrition infantile. D’autres associations humanitaires participent à la distribution d’eau et de nourriture. Des équipes de santé communautaire se déplacent également d’un camp de déplacés à l’autre afin de détecter les cas de malnutrition infantile et vacciner les enfants contre des maladies telles que la rougeole, l’hépatite B et la polio.
« Nous examinons chaque jour entre 90 et 200 enfants. À Siti, la situation est véritablement critique et le temps joue contre nous. Si la sécheresse persiste, davantage de patients arriveront et je ne sais pas si nous pourrons répondre à tous leurs besoins », explique Fardowsa Jigre, responsable d’une des équipes de sensibilisation de MSF.
Les programmes nutritionnels et de vaccination menés par MSF ont un impact positif. Ainsi, à Hariso, toujours dans la région de Siti, où MSF travaille également, le niveau de malnutrition infantile a pu être réduit en quelques mois. MSF a aussi lancé un programme de vaccination intensif contre la rougeole pour tous les enfants de la région d’Asbuli et, début mars, le nombre de cas avait fortement diminué.
Mais, parce qu’ils doivent aller de plus en plus loin à la recherche d’eau pour le bétail qui leur reste, les éleveurs se trouvent souvent dans les zones les plus reculées de la région. Il est donc difficile pour le gouvernement éthiopien, comme pour les acteurs humanitaires, de les localiser, de les atteindre et de leur apporter de l’aide. Ces éleveurs et leurs familles se retrouvent alors forcément confrontés à un choix : continuer avec leur bétail qui s’amenuise, ou tout abandonner et se rendre dans des zones plus peuplées, où ils pourront recevoir de l’aide. C’est ce qu’a choisi de faire Farah Ateyo. Ce père de quatre enfants a dû parcourir les 100 kilomètres qui le séparaient du centre MSF d’Asbuli à pied avec sa famille. Après trois jours de marche, sa fille Hawa a dû être admise au centre nutritionnel thérapeutique de MSF. Elle souffrait d’un stade avancé de malnutrition et de graves problèmes respiratoires qui ont nécessité trois jours de mise sous assistance respiratoire. Deux semaines après son admission au centre MSF, Hawa va beaucoup mieux : soins médicaux intensifs et compléments alimentaires ont fonctionné ; elle sourit et joue à nouveau. Farah en est convaincu : il ne retournera jamais dans son village, à Qainder. « Je n’ai plus d’animaux, ni l’espoir qu’il pleuve. Pourquoi devrais-je imposer de nouveau ce malheur à ma famille ? Il n’y a plus rien pour nous là-bas. »
Si la situation s'aggrave MSF sera déjà sur place, prête à accroître et adapter rapidement son volume d'activités. Le fait d’être déjà présents facilitera également notre accès sur d'autres zones où une intervention serait nécessaire.