Soins psychiques à l'hôpital d’Amman : « nous sommes au cœur de l’action, même si le conflit a lieu ailleurs »

Dr Nasr Al Deen Al Omari
Dr Nasr Al Deen Al Omari © Enass Abu Khalaf-Tuffaha/MSF

Le Dr. Nasr Al Deen Al Omari est conseiller psychosocial auprès des patients de l’hôpital MSF de chirurgie reconstructrice à Amman, en Jordanie.

J’ai commencé à travailler pour Médecins Sans Frontières il y a quatre ans, en tant que conseiller psychosocial. J’avais déjà plus de trente ans d’expérience dans le domaine et avais travaillé dans de nombreux secteurs différents. Je suis ravi d’avoir la possibilité de travailler pour l’hôpital MSF de chirurgie reconstructrice car cela me permet de remplir mon devoir humanitaire. Nous proposons un soutien psychologique aux personnes privées de soins basiques qui en auraient pourtant le plus besoin. C’est ce qui rend le soutien psychologique si important dans cet hôpital.

Nos patients sont principalement des victimes de guerre provenant d’autres pays tels que l’Irak, la Syrie, le Yémen ou Gaza. Nous avons pour objectif de leur redonner une certaine stabilité psychologique et de leur permettre de renouer avec leurs communautés, tant pendant qu’après leur traitement. Ils ont connu des épisodes très traumatiques liés à des événements violents dont ils ont été témoins et lors desquels ils ont perdu un proche, perdu leur propriété, été expulsés ou forcés de fuir. C’est pourquoi il est très important de comprendre ce qu’ils ont vécu afin d’établir un régime de soins qui corresponde à leur situation et à leur souffrance. Nos patients ne représentent qu’une infime partie des populations qui, sur place, souffrent de traumatismes liés aux violences dont elles sont témoins.

Notre équipe compte quatre psychologues. Nous prenons en charge des patients de tous âges, chacun d’entre nous étant spécialisé dans une classe d’âge particulière ; ainsi, nous sommes en mesure de proposer un soutien psychologique particulièrement adapté. Nous avons un spécialiste des enfants, une psychologue qui prend en charge les femmes et moi, je m’occupe des hommes âgés. Toutefois, nous menons également des activités en commun, telles que des sessions de divertissement et d’interaction sociale. Chaque semaine, nous nous occupons en moyenne de vingt cas différents.

Chacun de mes patients a eu et continue d’avoir un impact très fort sur moi personnellement. Mais, étant donné la nature de notre travail et conformément à nos valeurs professionnelles, je ne peux partager de détails en dehors du travail. Toutefois, de manière générale, je peux vous parler des événements violents que ces personnes ont dû endurer, et des difficultés et des horreurs qu’ils ont connues durant la guerre.

Par exemple, je me souviens particulièrement d’un cas où un patient avait été torturé en prison quelques heures seulement après avoir été blessé. Il avait été privé des soins de santé les plus primaires et soumis à des actes extrêmes, alors qu’il continuait de saigner. Quelques jours plus tard, sa blessure était si gravement infectée qu’il avait fallu l’amputer de toute urgence. Je n’oublierai jamais la fois où il m’a parlé, les larmes aux yeux, du traitement inhumain qu’il avait subi.

Et pourtant, c’est toujours un plaisir de travailler avec ces personnes car nous voyons leur état s’améliorer, ce qui a un effet très positif sur leur traitement. J’espère qu’un jour, nous n’aurons plus à soigner ce type de cas, que les conflits cesseront dans la région et que nous n’aurons plus à déplorer les victimes physiques et psychologiques qui en découlent.

Comment fonctionne notre hôpital à Amman?

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Notes

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