Somalie : la sécheresse et le manque de financements aggravent la crise nutritionnelle

La Somalie fait face à une grave crise de malnutrition, exacerbée par des sécheresses prolongées, un conflit persistant, une instabilité économique et un système de santé fragile. Médecins Sans Frontières (MSF) intervient dans les régions de Baidoa et de Mudug où les cas de malnutrition explosent chez les enfants.
« J'ai dû emprunter environ 130 dollars et parcourir 300 kilomètres jusqu'à Baidoa pour trouver des soins médicaux gratuits », explique Kalimow Mohamed Nur, un père de famille dont les jumeaux ont reçu un traitement contre la malnutrition aiguë sévère à l'hôpital régional de Bay, soutenu par MSF. La pauvreté, la distance et l'absence de services locaux empêchent de nombreuses personnes d'accéder aux soins. À Baidoa et Mudug, la malnutrition n’est plus un défi saisonnier, mais une crise persistante. « Nous observons des taux élevés de malnutrition, pas seulement pendant les périodes habituelles de soudure », déclare Jarmilla Kliescikova, coordinatrice médicale de MSF en Somalie. Elle ajoute : « C'est une crise chronique qui exige une intervention soutenue. »
En 2024, les équipes de MSF ont traité plus de 18 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère dans l'ensemble de ses projets en Somalie, une augmentation significative par rapport à l'année précédente. À Mudug, les admissions aux programmes de nutrition ambulatoires ont augmenté de 250 %. Cette augmentation s’explique par des besoins croissants et une intensification des efforts de sensibilisation. Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 1,7 million d'enfants ont souffert de malnutrition aiguë en 2024 en Somalie, dont 430 000 de malnutrition aiguë sévère. Bien que cruciales, les interventions de MSF n'ont couvert qu'environ 1 % de la population malnutrie.
Les conflits - en particulier celui entre le groupe armé Al-Shebab et les forces gouvernementales - et le changement climatique ont provoqué des déplacements massifs, forçant les populations à s'installer dans des régions aux ressources déjà limitées. A cause des sécheresses répétées qui dévastent l’agriculture et l’élevage, de nombreuses familles se retrouvent sans ressources. Sur les sites accueillant des personnes déplacées, la prévalence de la malnutrition sévère et modérée est alarmante, tandis que les centres de santé surchargés peinent à faire face.
Les pénuries de financement ont gravement affaibli la réponse humanitaire. Selon OCHA, en 2022, seulement 56 % des besoins de financement humanitaire de la Somalie ont été couverts, et ce taux est tombé à seulement 40 % en 2024. Dans les deux régions de Baidoa et Mudug, des services essentiels, tels que les centres d'alimentation thérapeutique et de santé primaires, sont ainsi réduits ou interrompus.
« La fermeture de ces programmes a eu des conséquences dramatiques », déclare Mohammed Ali Omer, responsable des programmes de MSF en Somalie. « Des enfants en besoin vital d’aliments thérapeutiques sont refusés. Seules quelques communautés ont accès aux vaccinations, les exposant davantage aux maladies évitables et alimentant un cercle vicieux de malnutrition. Ce n'est pas seulement une crise — c'est une catastrophe qui se déroule sous nos yeux. », poursuit-il.
En 2025, une grande sécheresse liée à La Niña est attendue. Ce phénomène climatique, qui refroidit les eaux de surface des océans réduit souvent les précipitations en Afrique de l'Est. Avec des réserves d’eau déjà épuisées et une production alimentaire affaiblie par les sécheresses successives, l’impact de ce phénomène pourrait être catastrophique, contraignant davantage de familles à fuir et aggravant la malnutrition. La fréquence et l’intensité croissantes des sécheresses réduisent les périodes de répit, tandis que la flambée des prix alimentaires rend le quotidien encore plus difficile.
Sans un soutien immédiat et continu, des milliers d'enfants risquent de tomber malades, d'avoir des graves problèmes de développement ou de mourir de faim. Le système de santé, déjà fragilisé, est au bord de l’effondrement alors que les épidémies se multiplient. Il est impératif d'intensifier les traitements nutritionnels, d'élargir la distribution alimentaire et de renforcer les services de santé pour sauver des vies tant qu'il est encore possible.
« L’aide humanitaire en Somalie est déjà à des niveaux critiques, et avec des informations faisant état de nouvelles réductions de financement — y compris du soutien américain — la situation ne fera que se détériorer, mettant encore plus de vies en danger » déclare Mohammed Ali Omer, responsable des programmes de MSF en Somalie. « Les coupes dans les programmes de nutrition surviennent au pire moment. Les taux de malnutrition montent en flèche, les déplacements augmentent et le besoin d’aide n’a jamais été aussi pressant. Réduire le soutien maintenant n'est pas seulement irresponsable — c'est une sentence de mort. Le moment d'agir, c’est maintenant. »