Soudan du Sud : « vivre dans des conditions impossibles »

Dispensaire MSF dans le camp de Tomping
Dispensaire MSF dans le camp de Tomping © MSF/François Servancks

Quelque 40 000 personnes se sont réfugiées dans deux bases des Nations Unies à Djouba au Soudan du Sud, suite aux violences qui ont éclaté, à la mi-décembre 2013, dans la capitale. MSF avait mis en place, en décembre dernier, des cliniques mobiles dans les camps de Tomping et de Djouba 3, et y poursuit aujourd’hui ses activités médicales.

Dans le camp de Tomping, plus de 27 000 personnes vivent dans des conditions déplorables, sans possibilité de retourner chez elles. Les équipes MSF voient un nombre croissant de patients souffrant de rougeole et de maladies diarrhéiques qui sont dans un état critique. Le coordinateur d’urgence de MSF, Forbes Sharp, décrit les conditions de vie des Sud-soudanais dans ce camp, l’intervention de MSF et ce qu’il reste encore à faire.

Quelle est la situation actuelle dans le camp de Tomping à Djouba où sont installées des milliers de personnes déplacées ?

Il y a une seule manière de décrire Tomping, c’est un camp totalement surpeuplé. Quand vous circulez en voiture dans le camp, vous voyez des gens installés au bord de la route sous des arbustes, qui essayent de se trouver un petit espace pour eux et leur famille. Il est clair que cette base des Nations Unies n’a pas été conçue pour être un camp de déplacés, ni pour contenir tant de gens. Au mieux elle pourrait accueillir 4 000 à 5 000 personnes. Or aujourd’hui plus de 27 000 personnes s’y entassent sous une chaleur torride et y vivent dans des conditions impossibles.

En termes de santé publique, ce surpeuplement est une bombe à retardement. Les maladies contagieuses se propagent vite dans ce type d’environnement, d’autant plus que les infrastructures sanitaires sont très insuffisantes. Il est difficile de trouver de la place pour construire des latrines et les gens se battent pour maintenir une hygiène de base. Résultat, nous voyons un nombre élevé de maladies diarrhéiques dans notre dispensaire, des maladies qui peuvent être mortelles dans ce contexte.

En situation d’urgence, l’objectif est d’avoir une latrine pour 50 personnes. A Tomping, il y en a une pour 150 personnes, ce qui est très loin de ce qui est nécessaire. Plusieurs organisations sont sur place, faisant de leur mieux, essayant de trouver de la place et d’en construire davantage. Mais dès que les constructions sont achevées, elles sont saturées. Le manque d’espace rend le travail extrêmement difficile pour les acteurs humanitaires.

Que fait MSF pour venir en aide aux personnes déplacées à Tomping ?

Le 22 décembre, notre équipe d’urgence a ouvert un dispensaire dans le camp de Tomping. Nous y avons pris en charge plus de 7 700 patients, souffrant principalement de maladies diarrhéiques, d’infections des voies respiratoires et du paludisme.

Il y a quelques semaines, nous avons commencé à voir un nombre croissant de cas de rougeole, une maladie virale qui se manifeste au début par des yeux rouges, un nez qui coule et une toux et ensuite par une éruption. La rougeole affaiblit le système immunitaire, elle fragilise les enfants plus particulièrement et les expose au risque de surinfection. La rougeole dans un camp est très inquiétante car elle touche les enfants en bas âge, se propage rapidement et est mortelle.

De ce fait, nous avons aménagé une deuxième structure réservée aux cas pédiatriques dans un état critique, avec des soins de haut niveau dispensés 24 heures sur 24. Jusqu’ici, nous avons eu 163 admissions, presque tous étaient des enfants de moins de cinq ans. Notre unité pédiatrique fonctionne à 150% de sa capacité depuis son ouverture. La moitié des enfants ont la rougeole et sont en très mauvais état à leur arrivée.

Malgré tous nos efforts, nous avons perdu 16 patients depuis l’ouverture de notre unité. Nous en doublons maintenant la capacité et envoyons des équipes de sensibilisateurs pour encourager les familles à amener leurs enfants bien plus tôt, avant qu’ils ne soient dans un état critique. Plus tôt ils arrivent à l’hôpital, plus de vies nous pouvons sauver.

Quels sont les principaux problèmes auxquels vous êtes confrontés ?

C’est l’espace. Nous avons tous ce problème pour travailler à Tomping. Notre dispensaire est de la taille d’un court de tennis à peu près, nous y soignons régulièrement plus de 200 patients par jour. Quand l’activité est débordante en début de matinée, il y a à peine la place pour aller d’un bout à l’autre du dispensaire. L’espace est si précieux que les gens ont monté des petites tentes le long de la clôture bordant notre clinique. C’est leur maison.

La chaleur est pesante et du fait des mauvaises conditions sanitaires, les enfants contractent des diarrhées qui sont suivies de déshydratation. Une petite fille qui a été amenée dans l’unité pédiatrique était tellement déshydratée qu’il était impossible de la perfuser. Anna, une des infirmières MSF, a passé plus de cinq heures avec elle, à l’alimenter avec une sonde gastrique. Et bien que l’enfant ait repris un peu de vie, c’était trop tard, malheureusement elle est morte plus tard dans la nuit.

Que faudrait-il encore faire pour les déplacés ?

Nous sommes très préoccupés par l’impact sur les gens des conditions de vie dans le camp. De nouvelles données sur l’ensemble du camp, y compris de MSF,  montrent que le nombre de décès dans le camp chaque jour dépasse le seuil d’urgence. Nous analysons ces données pour y voir plus clair et comprendre les raisons de ces taux élevés.

Par ailleurs, nous avons renforcé notre équipe MSF en doublant le nombre d’infirmières et de médecins, en améliorant notre travail de sensibilisation dans le camp pour encourager les gens à venir plus tôt se faire soigner et en mettant en place des systèmes de surveillance de la mortalité. Parallèlement, nous discutons avec les autres organisations présentes des activités que nous pourrions mener en plus pour faire face à cette situation. Il faut, à notre avis, dégager de l’espace pour des latrines et pour un dispensaire supplémentaire.

Les gens vivant dans des conditions aussi précaires et dans un tel surpeuplement sont extrêmement vulnérables à la maladie, ce qui fait de chaque jour une bataille. Ce qui me préoccupe est le fait que Tomping n’est qu’une partie de ce qu’endurent plus de 800 000 Sud-Soudanais qui ont dû abandonner leur foyer dans tout le pays.

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Notes

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