Hassan, peux-tu nous éclairer sur les récents évènements dans le gouvernorat d’Idlib ?
Les autorités Syriennes et leurs alliés ont mené une offensive au sud et à l’est de la province d’Idlib, dont l’un des objectifs était la prise de la base militaire d’Abou Douhour. Les combats et les bombardements ont causé le déplacement de plus de 250 000 personnes selon les Nations Unies, c’est énorme.
MSF est présente dans certaines des zones les plus touchées par les bombardements. Ailleurs, le personnel médical avec qui nous sommes en contact nous parle de zones frappées sans relâche et avec une puissance de feu phénoménale depuis des semaines, de lieux complètement détruits où tout est par terre. Et les structures médicales payent une nouvelle fois un lourd tribut, comme à Saraqeb, où un hopital soutenu par MSF a été touché par une frappe aérienne le 29 janvier.
Idlib était déjà surpeuplée à cause des précédentes vagues de déplacement. Il n’y a quasiment plus un endroit où mettre les gens. En plus c’est l’hiver, il pleut énormément, les conditions sont extrêmement difficiles et malgré les énormes efforts déployés par certaines organisations humanitaires, les déplacés ont de nombreux problèmes basiques comme se procurer du fuel, des couvertures. Pour ceux qui sont dans les centres urbains, proches des structures de santé et qui ont leurs tentes dans des zones non-inondables la situation est difficile mais pas critique. Pour ceux qui sont dans les lieux les plus isolés de cette province rurale, loin des centres de santé, la situation est épouvantable.
Des déplacés, près d'Idlib. © Omar Haj Kadour/MSF
Comment la situation peut-elle évoluer ?
Même si les combats semblent baisser un peu en intensité dans le sud d’Idlib depuis quelques jours, les bombardements continuent et on peut encore s’attendre à voir arriver d’autres déplacés en fonction de l’évolution des combats.
La situation dans le district d’Afrin laisse également craindre de possibles déplacements de population. On se prépare à soutenir les hôpitaux voisins en cas d’arrivée massive de blessés. On va préparer notre salle d’urgence et notre service d'hospitalisation pour pouvoir diminuer la pression sur les hôpitaux chirurgicaux voisins. Mais c’est très dur pour tous les acteurs de santé sur Idlib d’imaginer devoir faire face à un nouvel afflux de déplacés, la situation serait extrêmement critique en termes de capacité médicale.
Il faut bien comprendre la situation à laquelle les gens font face : les camps sont surpeuplés, les villes sont surpeuplées, les prix des loyer augmentent, ceux du carburant et de la nourriture aussi. Tout ça arrive alors que la majorité des routes sont aujourd’hui coupées. On ne mesure pas aujourd’hui l’échelle de cette catastrophe, notamment à cause de l’accès limité des médias sur place.
Un campement de fortune de déplacés syriens. © Omar Haj Kadour/MSF
Que fait MSF dans la zone ?
On a tout de suite envoyé des équipes dans les endroits les plus isolés, les plus éloignés des centres de santé, pour voir les conditions de vie des déplacés. La situation est vraiment critique pour ces personnes. Elles sont dans des campements improvisés, loin de tout. Aujourd’hui on prépare une distribution de couvertures pour les familles qui n’ont pas forcément reçu de l’aide car vu les températures, les difficultés d’accès, le prix des carburants pour se chauffer, on pense que c’est primordial à l’heure actuelle. On parle de gens qui ont été déplacés au minimum deux fois au cours des dernières années, certains nous disent même quatre fois quand on leur pose la question et donc petit à petit ces familles ont tout perdu. Il y a des gens qui n’ont vraiment que leurs yeux pour pleurer.
Dans l’immédiat, nous allons nous focaliser sur les soins de santé primaire, organiser une distribution de couvertures pour à peu près 1000 familles très isolées avec la possibilité de référer les cas et mettre l’accent sur la vaccination. De nombreuses familles viennent de zones où les combats ont été très intenses déjà par le passé et pour lesquelles l’accès à la vaccination a été disparate.