Qu’a de particulier cette attaque sur un camp de personnes déplacées ?
Ce bombardement constitue un événement exceptionnel. Pour la première fois, une zone proche de la frontière a été touchée, une zone où les gens se sentaient en sécurité justement du fait de cette proximité avec la frontière.
Jusque-là, la proximité de la frontière apparaissait comme une protection pour les civils. Maintenant ce que l’on croyait être un lieu sûr ne l’est plus. Pour les hôpitaux aussi, la proximité de la frontière est importante. Ceux qui se trouvent près du territoire turc, comme l’hôpital MSF à Atmeh ont été jusqu’ici épargnés, à la différence des autres structures médicales. MSF a ouvert en 2012 cet hôpital qui est le seul aujourd’hui où les brûlés peuvent être soignés dans les territoires du nord-ouest tenus par l’opposition. L’activité a pu y être maintenue tout au long de ces années car ce territoire frontalier est resté à l’abri des bombardements.
Qu’en est-il dans le reste de la province d’Idlib ?
L’armée syrienne et son allié russe ont mené une grande offensive de fin mars à fin août, dans le sud de la province d’Idlib contre le groupe djihadiste de HTS et d’autres groupes « terroristes » pour reprendre la terminologie des autorités syriennes, des structures médicales, des écoles, des mosquées et des marchés ont été bombardés. Il est très fréquent que des structures médicales soient bombardées. Entre le 1er mars et le 24 août dernier, 34 dispensaires, centres médicaux et hôpitaux ont été bombardés dans la province d’Idlib et les régions limitrophes dans les provinces d’Hama et d’Alep, selon l’Information Management Unit, une ONG syrienne qui recueille des données relatives à l’aide.
Cette offensive avait aussi provoqué des déplacements de populations vers le nord de la province d’Idlib où les bombardements sont plus sporadiques. Nos équipes qui dispensent des soins de santé dans des camps informels de la zone de Deir Hassan avaient vu un afflux de personnes déplacées tout au long de l’offensive. Puis lorsqu’un cessez-le-feu a été déclaré unilatéralement par les autorités russes, le 31 août, des familles qui avaient fui sont reparties vers le sud. Mais depuis les bombardements ont repris.
Alors que les habitants de la région d’Idlib s’attendaient à voir une accalmie avec l’ouverture, début octobre, d’un nouveau front dans le nord-est du pays, il n’en a rien été. De fait, la Turquie a lancé une opération militaire pour mettre en place une zone tampon le long de la frontière. Et les forces armées syriennes avec leurs soutiens sont mobilisées dans cette région du nord-ouest de la Turquie. Mais cela ne s’est pas traduit pour autant par un arrêt des bombardements du côté d’Idlib. Ainsi, début décembre, des marchés ont de nouveau été pris pour cible à Saraquib et Maarat el-Nouman. Et ces attaques meurtrières sur des zones densément peuplées terrorisent les populations civiles.