Tchétchénie - Aider à reconstruire ceux qui ont été abimés par la guerre

Patient opéré dans le cadre du programme de chirurgie reconstructive de l'hôpital N°9 de Grozny  Juillet 2006
Patient opéré dans le cadre du programme de chirurgie reconstructive de l'hôpital N°9 de Grozny - Juillet 2006 © Misha Galustov/agency.photographer.ru

Bien que la Tchétchénie soit toujours le théâtre d'un conflit âpre, les bombardements et les batailles de rue ne sont plus une réalité quotidienne. Mais pour une grande partie de la population, des lésions handicapantes et des blessures mal cicatrisées sont le rappel douloureux de la guerre qu'ils continuent de subir. MSF a récemment ouvert un projet de chirurgie reconstructrice dans le principal hôpital de la république, l'hôpital N° 9.

« Nous nous sommes rendus compte que beaucoup de personnes ayant des blessures anciennes et souffrant d'invalidités chroniques occasionnées par la guerre, ainsi que des victimes d'accidents de la route, ne peuvent tout simplement pas avoir accès à des services chirurgicaux », explique le Dr Manana Anjaridze, coordinatrice médicale de MSF en Russie. « La plupart des gens arrivent juste à réunir l'argent pour une opération coûteuse lorsque celle-ci est jugée vitale. Mais il y a beaucoup d'interventions chirurgicales qui peuvent être faites et considérablement améliorer la qualité de la vie. »

Les patients qui viennent consulter au service de traumatologie et d'orthopédie sont examinés par le personnel de l'hôpital. Ceux qui ont besoin d'être opérés et peuvent bénéficier du programme MSF sont hospitalisés et tous les soins et médicaments leur sont fournis gratuitement. L'équipe MSF comprend des spécialistes de traumatologie, de chirurgie maxillo-faciale (chirurgie plastique du visage), ainsi que des anesthésistes. Un kinésithérapeute assure par ailleurs le suivi post-opératoire. Le service de traumatologie équipé de 20 lits est commun avec le service de chirurgie vasculaire. Ainsi, des patients admis pour des opérations vasculaires bénéficient également d'un soutien de MSF.

« Il remarchera d'ici trois mois »

Des cas comme celui de Roustam, dont la jambe et le pied gauches ont été blessés par l'explosion d'une mine il y a cinq ans, sont fréquents. « Quand il est venu chez nous, il avait déjà subi plusieurs opérations douloureuses et infructueuses. Nous avons commencé à reconstruire son membre inférieur, en utilisant un fixateur externe pour que son tibia puisse de nouveau se développer. La prochaine étape sera de redresser son pied tordu. Et nous espérons qu'il remarchera d'ici trois mois », explique le professeur Yandarov, un chirurgien tchétchène.

Pour réaliser ces opérations de chirurgie reconstructrice, le département de traumatologie a été rénové et doté d'un nouvel équipement par MSF. Un générateur à oxygène fournit désormais aux patients de l'oxygène, en toute sécurité, à la place de l'oxygène industriel instable auparavant utilisé et dont une bonne part devait être financé par les familles des patients. Le circuit des patients dans les secteurs stériles et non stériles du service a été réorganisé pour réduire le risque d'infection.

MSF travaille avec des chirurgiens tchétchènes de renom, comme le professeur Yandarov. Et le Dr Khounarikov, un chirurgien vasculaire, coordonne le programme. Les deux hommes ont travaillé en Tchétchénie aux moments les plus durs de la guerre, vivant dans des caves et opérant les patients dans des hôpitaux de fortune aménagés dans des bâtiments publics. Le programme de MSF vise à leur donner la possibilité d'échanger des idées et des techniques chirurgicales avec des collègues français. Trois chirurgiens tchétchènes sont déjà allés dans des hôpitaux à Lyon et à Fontainebleau et d'autres visites sont projetées.

25 à 30 opérations chaque mois

Depuis que le programme a démarré en juillet 2006, 52 patients ont été opérés. Victimes d'accidents, de brûlures, blessés par balle ou par explosions de mines, certains avaient subi au fil des ans plusieurs interventions chirurgicales, en Tchétchénie ou dans les républiques voisines, qui n'avaient pas donné de bons résultats ou avaient même échoué. Et bon nombre d'entre eux doivent subir de nouvelles opérations de chirurgie reconstructrice pour corriger les anciens traumatismes ou des erreurs faites lors de précédentes interventions.

« Une de mes patientes, Madina, avait 18 ans en 2002. Elle habitait à Vedeno [dans le Sud de la Tchétchénie où il y avait et où il y a encore des combats] quand elle a eu la hanche touchée par des balles explosives tirées par un sniper », se souvient le professeur Yandarov.

« Elle avait les os de la hanche brisés, les os des jambes étaient aussi atteints. Elle avait perdu beaucoup de sang. Cela a pris deux jours pour l'amener à l'hôpital, sur des routes défoncées, avec de multiples check-points. Elle était tout juste vivante à son arrivée, j'ai réussi à stabiliser son état et à faire une opération rudimentaire avec l'équipement dont je disposais. Mais j'ai dû la faire sortir rapidement de l'hôpital car on manquait de place.

En août dernier, elle est revenue nous voir. Une des deux jambes que j'avais opérées à la hâte allait bien, mais l'autre avait des séquelles de mauvaise consolidation, elle la faisait boiter et la faisait souffrir aussi. Cette fois-ci, j'ai pu faire ce qu'il fallait : sectionner l'os de la jambe, le redresser, faire une greffe osseuse et fixer le tout avec une plaque en métal. Et maintenant elle peut marcher normalement. »

Déjà, par bouche-à-oreille, le programme commence à être connu. MSF prévoit ainsi de faire, chaque mois, 25 à 30 opérations plus ou moins complexes.

Notes

    À lire aussi