« Ils sont 25 Syriens là… Et 15 ou 30 ailleurs, disséminés et logés où ils peuvent. Ces 25 là, juste sortis de l’adolescence, je les connais, ils ont tous été touché ou transpercé par les missiles, les obus ou autres armes lourdes qui écrasent les corps et bouleversent les esprits.
Ils sont pour la plupart paralysés, amputés, tous mal en point. Ils sont 5 ou 6 par pièce. Chaque pièce est transformée en petite place publique avec une partie de la famille en garde malade, le linge étendu partout, le vieux réchaud en quincaille pour le thé... Les corps abîmés et douloureux se cachent sous des lambeaux de tissu. Et dans ces pièces sombres, les voix rassemblent leurs énergies et trouvent l’humour qui seul peut contrebalancer les horreurs vécues.
Ces voix évoquent aussi la liste longue, très longue de tous les amis, cousins, frères, sœurs ou autres qui ne se sont pas relevés. Les bombardements se veulent fatals. Ces 25 sont des survivants qui ont assisté à tout ça.
Entre eux, ils déjouent en parlant fort l’inertie et l’oisiveté imposées.
Ils s’élèvent en symbole de leur lutte pour « la liberté », mais quand ils me parlent sans témoin, c’est la perte et leur immense chagrin qui se dit.
La vie a aussi basculé pour ces milliers de Syriens déplacés, juste un peu plus loin, répartis en camps de 12 ou 15000, ou plus.
Il y a quelques mois, ils avaient une maison, un travail, les enfants allaient à l’école.
Ils sont maintenant (et pour combien de temps ?), sous des tentes dans le froid, serrant les enfants dans leurs bras pour les réchauffer et se réchauffer, et quand la pluie radoucit la température, la boue trace de grands traits bruns sur eux et sur leur horizon.
En quelques semaines ils sont en haillons, destitués de tout ce qu’ils étaient, livrés au désespoir et à l’impuissance.
Ils n’ont nulle part où aller. Leur maison est en ruine, leur quartier aussi, sous les gravats, quelques insignes de leur vie sont réduits en poussière. Ils ne reviendront sans doute plus, ils sont maintenant nez à nez avec le « rien » du « rien » à partir duquel il leur est demandé de reconstruire un futur, de retrouver le désir de retrouver de la vie…
Dans un village voisin souvent bombardé, les enfants ont épinglé leur peur et l’ont dotée d’une comptine qui commence ainsi :
Quand passent les avions,
Sortons de la maison... »
Docteur Maryvonne Bargues, psychiatre
Le conflit en Syrie qui dure depuis maintenant deux ans est d’une extrême violence, il a fait plus de 70 000 morts selon les Nations Unies. Et la population syrienne est confrontée à une situation humanitaire catastrophique. Malgré des demandes répétées, MSF n’a pas reçu l’autorisation du gouvernement d’intervenir dans les territoires contrôlés par Damas. MSF a pu en revanche ouvrir trois hôpitaux dans le nord du pays où les secours restent très insuffisants au regard de l’ampleur des besoins.
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