Quelles sont les répercussions des déchirements inter-palestiniens sur la population civile dans les Territoires ?
La fragmentation de la société palestinienne n'est pas un phénomène nouveau mais elle connaît une ampleur sans précédent. Cela se traduit par des violences entre factions armées, entre clans familiaux, parfois au sein même des familles. De nombreuses personnes ont été blessées ou tuées dans des échanges de tirs en pleine rue à Gaza. D'autres ont été l'objet de représailles en raison de leurs affiliations politiques, essuyant notamment des tirs de balles dans les jambes.
Les hôpitaux n'ont pas été épargnés, des accrochages ont eu lieu au sein même des structures, sans parler des cas d'assassinats de patients dans leur lit. La population se retrouve otage des luttes inter-palestiniennes, mais aussi de la politique menée par la communauté internationale qui vise depuis des mois (depuis janvier 2006) à ne pas reconnaître et à isoler le gouvernement élu dirigé par le Hamas en le privant des aides financières internationales. Cela contribue fortement à accroître la situation de dépendance de la population palestinienne (médicaments, nourriture, salaires des fonctionnaires...), et la condamne à des conditions de pauvreté et de privation chaque jour plus difficiles.
Les divisions inter-palestiniennes s'en sont trouvé exacerbées et ont conduit, mi-mai 2007, à une recrudescence des tensions puis, mi-juin, à la prise de contrôle par la force de la bande de Gaza par le Hamas. Cette nouvelle situation est d'autant plus inquiétante pour les habitants de la bande de Gaza que le gouvernement israélien agite la menace d'un blocus total de ce territoire.
Que fait MSF dans les Territoires palestiniens ?
Notre action porte sur la prise en charge médicale et psychologique des victimes du conflit et des violences actuelles dans les territoires. Nous intervenons à Gaza, à Naplouse, ainsi qu'à Hébron. Mais, du fait des affrontements inter-palestiniens, et de certaines incursions militaires de l'armée israélienne, nous avons dû suspendre à plusieurs reprises nos opérations et, en fin de compte, adapter notre mode de fonctionnement. Par exemple, à Naplouse, les visites à domicile de nos psychologues ont été interrompues parfois pendant plusieurs jours. Le personnel expatrié de Gaza a été évacué sur Jérusalem. Ce sont nos collègues palestiniens qui ont assuré le suivi des familles en évitant les mouvements quand cela était trop dangereux. Des donations de médicaments ont été également réalisées dans les hôpitaux de la bande de Gaza. Comme l'ensemble de la population, nos collègues ont aussi avant tout cherché à se protéger et protéger leurs familles au plus fort des violences.
Face à la dégradation de la situation, que comptez-vous faire ?
Cette semaine, la situation étant plus calme, une équipe internationale a pu rejoindre Gaza. Il s'agit pour elle de faire le point avec nos collègues palestiniens et de savoir comment ils vont. En effet, certains d'entre eux ont perdu des proches, tués pendant la période de violences du mois dernier. Il est aussi nécessaire de dresser un état des lieux de la situation sanitaire et notamment d'envisager le soutien que nous pourrions apporter dans les hôpitaux (soutien de personnel médical international, donations de médicaments et matériel médical, soutien financier alors que les médecins ne sont plus payés...).
Plus de 630 blessés ont été hospitalisés dont certains ont besoin d'une prise en charge médicale spécialisée sur place ou hors de la bande de Gaza. Notre programme de chirurgie reconstructrice à Amman en Jordanie (en faveur des blessés irakiens) pourrait permettre d'apporter des soins adaptés à certains blessés palestiniens, en complément des évacuations déjà en cours vers Israël ou l'Egypte par exemple.
Restent des conditions de travail difficiles et dangereuses pour nos équipes, avec la poursuite de règlements de compte entre Palestiniens, mais aussi des tirs de roquettes sur Israël et des opérations militaires de l'armée israéliennes menées en représailles.
Il y a un certain ressentiment et des frustrations vis à vis des « étrangers », les ONG occidentales courant le risque d'être perçues comme des auxiliaires des Israéliens et de la communauté internationale, alors que les conditions de survie de la population ne cessent de se dégrader.
Enfin, cela fait maintenant plus de cent jours que le journaliste de la BBC, A. Johnson a été enlevé dans la bande de Gaza. La poursuite de sa détention nous inquiète comme les menaces du groupe radical qui affirme le détenir de l'exécuter. L'issue de ce kidnapping pourrait avoir des conséquences sur la poursuite de nos activités.