Iman, jeune femme de 20 ans, habite à Khan Younis. Rencontrée au dispensaire MSF de la ville, elle souffre de brûlures et de blessures graves occasionnées par une bombe qui a touché la maison de sa famille lors de la dernière guerre.
« Pendant la guerre, toute ma famille, mes oncles, les enfants etc. étaient rassemblés dans notre maison. Nous pensions que c’était un endroit sûr car notre maison était située dans une zone qui n'avait pas été ciblée avant. Nous dormions tous là, ensemble, dans la même pièce. Le jour où c’est arrivé, mon père était sorti un peu avant. Puis, j’ai entendu quelqu'un crier de l'extérieur, il nous disait d'évacuer immédiatement la maison, mais au même moment la bombe israélienne est tombée. Mon frère a perdu ses deux jambes, ma mère a été touchée alors qu’elle tenait mon petit frère de 18 mois dans les bras. J’étais inconsciente et on m’a portée dans une ambulance, puis emmenée à un hôpital, puis à un autre où je suis restée dans l'unité de soins intensifs. J’avais et j’ai encore des brûlures du 2ème et 3ème degrés sur tout le corps et quelques os cassés dans les épaules aussi. Mes blessures étaient si graves, que j’ai dû être transférée dans des hôpitaux israéliens où j’ai subi de nombreuses opérations. Je ne serai jamais totalement rétablie, mais je peux améliorer mon état jusqu’à pouvoir mener une vie normale. Je veux aller mieux bientôt. Je suis suivie dans le dispensaire MSF depuis trois mois et je viens trois fois par semaine pour mes séances de kinésithérapie et mon suivi. Mon état s’améliore. Ils disent que dans environ un mois, je pourrai reprendre mes études.
Je veux aller à l'école de droit et devenir avocate à Gaza. Ce n’est pas ce que je voulais faire avant. Mais après ce qui nous est arrivé, à ma famille et à moi… J’aurais aimé que quelqu'un se lève pour moi, pour notre pays, pour nos droits. J'ai perdu treize membres de ma famille, parmi les plus proches. Je veux que le monde sache ce qui se passe réellement à Gaza, à quel point nous souffrons ici, en Palestine, et qu'ils fassent quelque chose pour faire cesser cette souffrance. Je n’ai jamais voulu plaider ou témoigner de ce qui se passe vraiment ici. C’est difficile pour moi de parler, mais je tiens à délivrer ce message, dire que nous avons besoin d’aide pour arrêter cette souffrance. »
Rasha © Susanne Doettling/MSF
Rasha, jeune femme de 22 ans, habite à Khan Younis. Nous l'avons rencontrée au dispensaire sous tentes de MSF à l'hôpital Nasser, lors des consultations en vue du premier tour chirurgical de 2015, le 1er avril.
« Mon nom est Rasha, j’ai 22 ans et j’ai été blessée le 29 juillet 2014. Je suis totalement brûlée. C’est arrivé dans ma maison, ils ne nous ont pas avertis, il n’y a pas eu d’alerte. Ils ont subitement tiré sur nous. Mes beaux-parents, mon beau-frère et ma belle-sœur ont aussi été blessés. Encore aujourd’hui je me demande : « pourquoi nous ? Pourquoi est-ce arrivé ? J’aimerais délivrer un message aux Palestiniens : au lieu de vous combattre, venez et regardez nous. »
Nadir © Susanne Doettling/MSF
Nadir, est un étudiant en architecture âgé de 20 ans. Pendant la guerre, alors qu’il ouvrait une bouteille de gaz, un obus israélien lui est tombé dessus et la bouteille a explosé. Il souffre de graves brûlures sur les mains, les bras, le dos, l'abdomen. Il va bénéficier d’une chirurgie des mains et des aisselles afin de retrouver une meilleure mobilité. Mais, la mission chirurgicale de MSF, prévue en avril, a dû être annulée. Le chirurgien MSF qui était à Jérusalem, en attente de rentrer dans la bande de Gaza n'a pas été autorisé - par Israël - à y entrer.
« J’ai été blessé le 29 juillet 2014. Je ramenais un peu d'eau avec mon père à la maison et puis j’ai ouvert la bouteille de gaz. L’obus est tombé directement dessus. Je me souviens qu’il y a eu une explosion et j’ai été brûlé. J’ai été amené à l'hôpital Nasser, mais il n'y avait pas les soins médicaux dont j’avais besoin, alors ils m’ont envoyé en Egypte où je suis resté 60 jours. Mais là-bas non plus ils n’avaient pas ce qu’il fallait pour soigner mes blessures.
J’ai été opéré une fois à Jérusalem, par un chirurgien plasticien alors que ça aurait dû être fait par un chirurgien orthopédiste ; cette opération n’a servi à rien. Je suis retourné à Gaza, sans avoir achevé mon traitement. Dans le dispensaire MSF de Khan Younis, j’ai reçu des pansements propres et j’ai commencé la kinésithérapie. Mais cela ne suffit pas. Je dois encore être opéré mais je ne peux pas sortir de Gaza, parce que les frontières sont fermées. Pourtant j’ai besoins d’autres soins.
Je faisais des études d'architecture. J’avais fini ma 2ème année, mais maintenant je ne peux plus continuer ; à cause de mes mains et de mes bras, je ne peux plus écrire, ni dessiner, donc je reste à la maison à ne rien faire. Je veux être normal, comme tout le monde. C’est mon droit. »
Ahmad © Susanne Doettling/MSF
Ahmad, un jeune homme d’une vingtaine d’année vient de la ville de Shajaiya, au nord de la bande de Gaza. Rencontré au dispensaire MSF de Gaza-ville.
« J’allais de chez moi à la mosquéelorsque soudain j’ai entendu une explosion à proximité de Shajaiya. J’ai couru pour voir si je pouvais aider. Là, j’ai vu une petite fille, de peut-être six ans, en train de mourir. Je la portais jusqu’à l'ambulance quand uneautre explosion a eu lieu. Tous ceux qui étaient alors autour de l'ambulance, dont moi, ont été blessés. Certains ont été tués. J’ai été blessé à la jambe gauche et aussi au cou, j’ai été frappé par des éclats d'obus.
Maintenant jedois être opéré et j’espère que grâce à MSF je pourrais être pris en charge à l'étranger. Ici, ils ne peuvent pas effectuer ce type de chirurgie. On m’a dit qu’ils n’en avaient pas la capacité, qu’il n’y a pas de chirurgiens spécialisés pour le type de chirurgie dont j’ai besoin. »
Najwa © Susanne Doettling/MSF
Najwa est une maman de 34 ans vivant dans la ville de Khan Younis. Elle doit bénéficier d’une chirurgie réparatrice à l’hôpital MSF d’Amman, en Jordanie. Mais, son mari, qui est son accompagnant, n'a pas obtenu l'autorisation des autorités israéliennes de quitter Gaza avec elle.
« C’était pendant la guerre. J’ai été touchée par une bombe sur le chemin de la maison. Je souffre d'une infection bactérienne multi résistante. J’ai un trou osseux de 15 cm dans ma jambe gauche. Je sais que les orthopédistes de l'hôpital MSF d’Amman devront décider s’ils peuvent effectuer une chirurgie réparatrice sur ma jambe ou si je vais devoir être amputée.
J’ai reçu l’autorisation d’aller à l'hôpital d’Amman, mais les Israéliens refusent que mon mari vienne avec moi. MSF a essayé de trouver d'autres solutions et de me faire passer par la frontière égyptienne mais elle est tout le temps fermée. Il est très difficile pour moi quitter Gaza pour bénéficier du traitement dont j’ai besoin. MSF s’occupe du transport et des soins à l'hôpital d’Amman, mais comment puis-je y aller sans mon mari ? Je n’ai confiance qu’en lui pour prendre soin de moi.
Je dois choisir entre un traitement qui va durer très longtemps ou l'amputation. Je suis vraiment inquiète. Je suis résistante à la plupart des antibiotiques disponibles. Je dois prendre des antibiotiques très forts qui ne sont disponibles que dans les hôpitaux. Et même là-bas ils n’en ont pas toujours.
Je reste assise à la maison, toute la journée, sans pouvoir bouger ni prendre soin de mon plus jeune fils âgé de trois ans. Il me demande toujours de lui donner des choses, comme du lait. Je voudrais vraiment pouvoir être capable de me déplacer et de lui donner ce dont il a besoin, mais je ne peux pas. »
Fin avril 2015, Najwa a finalement été envoyée à Amman, sans son mari ; une décision difficile à prendre pour le couple. Najwa n'a pas encore été opérée, mais bénéficie de soins de kinésithérapie et de consultations médicales. Les chirurgiens MSF disent qu'elle pourra être opérée en juillet.
Cela fait trois mois que Najwa est à Amman. « Ma famille me manque et de passer le Ramadan à Gaza aussi. C’est difficile d’être loin de mes enfants à ce moment-là de l’année, mais ce qui me rend forte est de savoir que si je suis loin c’est pour pouvoir récupérer et être bientôt capable d’être là pour eux. » Najwa s’est fait des amis parmi les autres patients MSF. « Ma meilleure amie ici c’est Hanan, elle est irakienne. Sa jambe a été gravement blessée en Irak et elle est là pour la même raison que moi : récupérer, être plus forte pour à son tour aider et soutenir ses enfants ».
EN SAVOIR PLUS► Retrouvez nos prises de parole publique de l'été 2014 avec le hashtag #SummerInGaza et dans notre dossier spécial.