Dans le rapport publié par MSF en février dernier, on soulignait l'effondrement du système de santé zimbabwéen.
Des structures de santé fermaient par manque de matériel et de ressources humaines. Quelle est la situation aujourd'hui ?
Dernièrement, les choses se sont progressivement améliorées. La stratégie mise en place par les bailleurs, qui garantit un salaire minimum pour les employés de la santé, a permis de faire revenir des employés dans les hôpitaux et les cliniques, en particulier dans les zones rurales.
Le manque de matériel reste un problème, malgré des stocks en augmentation mais qui restent centralisés à Harare. Leur acheminement vers les dispensaires reste un défi logistique majeur.
De plus, de nombreux centres de santé sont devenus payants, ce qui rend les soins inabordables pour de nombreuses personnes.
L'épidémie de choléra d'une ampleur historique a frappé l'an dernier quelque 100 000 personnes. Si la situation s'améliore depuis mai, cela signifie-t-il que la menace est passée ?
Non, la menace n'est certainement pas passée. Les facteurs à l'origine de l'épidémie n'ayant pas encore été pris en compte efficacement, tout le monde s'attend à ce que le choléra frappe de nouveau, notamment avec la prochaine saison des pluies.
Le délabrement du système d'approvisionnement et d'évacuation de l'eau demeure un problème majeur. Plusieurs organisations d'aide procèdent à des forages dans les zones de choléra, ce qui permet d'augmenter le volume d'eau potable. Résoudre ces problèmes avant la prochaine saison des pluies est une véritable course contre la montre.
Nul ne connaît l'ampleur de la prochaine épidémie, mais nous sommes prêts à y répondre : nous disposons dans le pays des stocks nécessaires et pouvons à tout moment mobiliser les 250 employés zimbabwéens que nous avions recrutés en renfort pour la dernière épidémie.
De plus, nous avions distribué des kits de traitement du choléra à 50 dispensaires parmi les plus isolés, avec lesquelles nous avons travaillé. Dans ces derniers, nous avions également proposé des sessions de formation pour le personnel de santé, afin de faire face à l'arrivée des premiers cas. Nous avons également distribué 11 000 kits d'hygiène et mené des campagnes de sensibilisation sur l'hygiène auprès d'environ 40 000 personnes.
La crise socio-économique a empêché l'accès aux soins médicaux à de nombreuses personnes vivant avec le sida. Avec un taux de prévalence d'environ 15%, le VIH est un problème de santé majeur au Zimbabwe. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Dans ce domaine, les problèmes restent énormes. Au Zimbabwe, 400 personnes meurent chaque jour des suites du VIH. A titre de comparaison, on estime à 4 000 le nombre de décès liés au choléra en l'espace de 9 mois, quand la mortalité est la même en 10 jours pour des patients atteints du sida.
Au Zimbabwe, seuls quelque 20% des personnes qui ont besoin d'un traitement anti-rétroviral (ARV) l'obtiennent. En raison des contraintes politiques et administratives, le développement du programme national des ARV est aujourd'hui au point mort. Tant que ce problème ne sera pas résolu, des milliers de patients continueront d'être privés d'un traitement dont ils ont besoin d'urgence.
En février, plus de 5 millions de Zimbabwéens ont été confrontés à une pénurie de nourriture et dépendaient de l'aide internationale. Qu'observez-vous dans les zones où vous intervenez ?
La saison de la période de soudure est désormais terminée. Entre décembre et janvier dans notre centre de traitement thérapeutique de Epworth, nous recevions près de 150 enfants chaque jour. Ils sont aujourd'hui entre 10 et 15.
En termes de malnutrition, nous nous inquiétons davantage de la situation dans les prisons du pays. Au cours de l'épidémie de choléra, nous sommes intervenus dans deux pénitenciers dans lesquels nous avons rencontré une forte malnutrition. Nous avons alors traité en urgence des prisonniers et débuté des activités en eau et assainissement, afin d'assurer un approvisionnement en eau potable. L'intervention a été élargie récemment à six des prisons les plus touchées dans les provinces de Midlands et de Mashonaland.
L'arrivée du nouveau gouvernement a-t-elle amélioré vos conditions d'intervention ?
Nos possibilités de travail sont meilleures, à bien des égards. Nos partenaires au sein du gouvernement travaillent en coopération avec les différentes ONG internationales sur le terrain. En témoigne le fait que le ministère de la Justice admet ouvertement les problèmes à l'intérieur des prisons, et qu'il reconnaît notre travail auprès prisonniers.
Les signes sont donc très positifs. Reste à savoir si certains obstacles qui entravent le travail des ONG, comme la durée d'obtention de permis temporaires de travail pour le personnel international, seront levés ou non. Cela s'avère indispensable pour que l'on puisse continuer de travailler et pour en motiver d'autres à venir en aide aux populations zimbabwéennes.
D'après toi, quels sont à présent les priorités et les défis à venir ?
La population n'a toujours pas un accès aux soins suffisant. Les gens continuent de mourir massivement du sida, et une prochaine épidémie de choléra est à craindre.
Les bailleurs de fonds devraient revoir les modalités de distribution de l'aide humanitaire et cibler en priorité les régions les plus affectées.
De plus, le gouvernement doit continuer de lever les obstacles entravant les possibilités d'interventions des ONG internationales, afin de venir en aide aux populations les plus vulnérables.