Frontière franco-britannique : quand donnerons-nous la priorité aux vies humaines ?

Le littoral à proximité de Calais
Le littoral à proximité de Calais © Dragan Lekic

Lundi 14 novembre 2022, près d’un an après le tragique naufrage qui a emporté la vie d’au moins 27 personnes dans la Manche, les autorités françaises et britanniques signent un nouvel accord de coopération pour renforcer les contrôles migratoires à leur frontière commune. Force est de constater qu’une fois encore, les Etats font passer la protection des frontières avant la protection des vies humaines.

Au terme de ce nouvel accord, le Royaume-Uni s’engage à verser 72,2 millions d’euros à la France qui, en contrepartie, s’engage à augmenter significativement les dispositifs de sécurité et de contrôles déployés sur le littoral Nord. Ce ne sont pas moins de 350 policiers et gendarmes supplémentaires, aux côtés de nouvelles technologies de surveillance, telles que des drones, qui seront mobilisés pour « lutter contre les passeurs ». 

Encore une fois, nous sommes consternés face à la répétition permanente des mêmes réponses déshumanisantes et sans issue, face à la violence d’une frontière militarisée et externalisée, face à l’absence de dialogue avec les autorités françaises pour rompre avec ce cycle infernal de violences et changer enfin de paradigme.

Plus de 350 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999.

Ces morts sont la conséquence la plus dramatique, la plus grave et la plus insupportable de la politique de non-accueil menée depuis plusieurs décennies à cette frontière et des situations de violences et de précarité auxquelles sont exposées les personnes bloquées sur le littoral nord français. Cet accord répressif est signé au lendemain des révélations du Monde selon lequel les secours français auraient préféré renvoyer les naufragés du 24 novembre 2021 vers les secours britanniques plutôt que de leur porter assistance. Résultat : 27 personnes sont mortes et 4 sont portées disparues.

Les déclarations des autorités françaises et britanniques cachent en réalité très mal les responsabilités de la France et du Royaume-Uni dans les drames à cette frontière, comme celles de l’Union européenne et des Etats membres dans les tragédies qui se jouent chaque jour aux frontières internes et externes de l’Union européenne. Car les disparitions et décès aux frontières ne sauraient être uniquement attribués à des « passeurs sans scrupule » ou des « personnes inconscientes des risques ». C’est le durcissement de la réglementation pour accéder au territoire britannique de façon légale, la sophistication des contrôles aux frontières qui, en rendant le franchissement des frontières toujours plus difficile, sont à l’origine de ces traversées dangereuses et des décès et disparitions qui en découlent.

Encore une fois, des moyens très importants sont consacrés à financer l’érection de barrières physiques, juridiques et technologiques sur les routes migratoires, moyens qui seraient plus utiles pour assurer le secours et le sauvetage des personnes en détresse dans la Manche et accueillir dignement les personnes bloquées aux frontières, examiner avec attention et impartialité leur situation et assurer le respect effectif de leurs droits.

Il est urgent de remettre en cause le traité du Touquet et le protocole additionnel de Sangatte. C’est une exigence que portent de nombreuses associations, ainsi que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, depuis plusieurs années.

La situation humanitaire catastrophique à la frontière franco-britannique, conjuguée aux violations quotidiennes des droits et aux violences qui les accompagnent, dure depuis plus de 30 ans. Il est urgent de tirer les leçons de l’échec et du coût humain intolérable de la politique de dissuasion menée à la frontière franco-britannique pour concevoir au plus tôt une politique alternative et une véritable réflexion pour permettre de préserver la dignité, les libertés et les droits humains de toutes et tous.

Communiqué commun de Médecins Du Monde, Médecins Sans Frontières, Amnesty International France, La Cimade, et le Secours Catholique-Caritas France - délégation du Pas-de-Calais.

Notes

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