Haïti : les activités de MSF en grave difficulté après une série d’incidents sécuritaires à Port-au-Prince

Entrée de l'hôpital MSF de Tabarre, 2021
Entrée de l'hôpital MSF de Tabarre, 2021 © Pierre Fromentin/MSF

Les récents incidents visant les équipes et activités de Médecins Sans Frontières (MSF) à Port-au-Prince ainsi que les graves menaces circulant à son encontre sur les réseaux sociaux impactent fortement la sécurité de son personnel soignant et des patients pris en charge dans ses structures, alerte l’organisation, et mettent en difficulté sa capacité à délivrer des soins en Haïti.

Dans la nuit du 23 février, des hommes armés cagoulés ont tenté de faire irruption dans l’hôpital de Médecins Sans Frontières situé à Tabarre. « Des personnes non identifiées ont pointé leurs armes sur le personnel et donné des coups de crosse sur la porte avant d’essayer d’escalader le mur pour rentrer dans l’enceinte de l’hôpital », explique Mahaman Bachard Iro, coordinateur de la mission de Médecins sans Frontières en Haïti, qui indique que les individus ont ensuite quitté les lieux. « Nous demandons à toutes les parties de respecter la mission médicale qui est la nôtre, alors même que MSF demeure l’une des dernières organisations internationales à délivrer encore des soins dans la capitale haïtienne. »

Plus tôt, dans la journée du 22 février, les entrées et sorties du centre d’urgence MSF de Turgeau ont été bloquées et une ambulance fouillée. Refusant de déposer les armes, la police est ensuite entrée dans la structure sanitaire pour vérifier l’identité de tous les patients enregistrés.

Quelques semaines avant, le 7 février dernier, un autre incident avait déjà eu lieu, lorsqu’une ambulance clairement identifiée MSF a été arrêtée puis fouillée. Des armes ont été pointées sur les passagers du véhicule pour contrôler leur identité, immobilisant l’ambulance plus de 45 minutes avant de l’autoriser à reprendre sa route.

De plus, deux violents affrontements entre groupes armés se sont produits depuis le début de l’année à quelques mètres de l’hôpital MSF situé à Cité Soleil, entraînant la fermeture temporaire des consultations ainsi que l’évacuation momentanée d’une partie du personnel. Face à ces affrontements répétitifs et inquiétants, et le rapprochement de la ligne de front entre groupes armés de l’hôpital, MSF craint de ne plus pouvoir travailler en sécurité pour continuer d’apporter des soins médicaux à la population.

« Il devient de plus en plus difficile de travailler dans ces conditions, la récurrence de ces incidents met en danger la sécurité de notre personnel soignant et des patients », rapporte Mahaman Bachard Iro. « Ces obstacles répétés à l’encontre de nos équipes qui circulent à Port-au-Prince pour transférer les patients d’un hôpital à l’autre, ces intrusions violentes dans nos structures médicales et les tirs croisés que nous essuyons aux portes de nos lieux de soins menacent gravement la continuité de nos activités ». Pour rappel, MSF a fermé temporairement l’hôpital de Drouillard en avril 2022, a définitivement clos les portes son centre d’urgence à Martissant en juin 2021, ainsi que suspendu son soutien à l’hôpital Raoul Pierre Louis à Carrefour en janvier 2023 pour des raisons sécuritaires.

Les équipes de Médecins Sans Frontières, qui travaillent depuis plus de 30 ans en Haïti pour soigner les communautés les plus démunies, exhortent toutes les parties impliquées à respecter leur mission médicale, patients comme personnels soignants, centres hospitaliers et ambulances qui les transportent. Dans ce contexte difficile, l’entièreté du système de santé haïtien est au bord de l’effondrement, car de nombreuses structures sanitaires ne peuvent plus aujourd’hui fonctionner correctement. MSF tient aussi à réitérer son engagement envers la population haïtienne, première victime des violences qui déchirent le pays depuis des années.

En 2022, les équipes de Médecins Sans Frontières, en collaboration avec le ministère de la Santé, ont mené plus de 4 600 interventions chirurgicales, donné 34 200 consultations en urgence, pris en charge 2 600 blessés par balle, 370 brulés, et effectué 17 800 consultations en clinique mobile, suivi 2 300 victimes de violence sexuelle et assuré 700 accouchements. Depuis l’arrivée du premier cas de choléra à la fin du mois de septembre 2022, nos équipes ont aussi soigné plus de 19 000 personnes.

Notes

    À lire aussi