Lampedusa : « les gouvernements européens doivent cesser d'alimenter les peurs et doivent prendre leurs responsabilités »

Rotation 16 - Rescue 5
Dix-huit personnes, dont deux jeunes enfants, à bord d'une embarcation précaire secourues par les équipes de MSF après avoir passé près de trois jours en mer.  © Michela Rizzotti/MSF

Déclaration de Xavier Crombé, chef de mission France pour Médecins Sans Frontières, en réaction à la situation d’urgence humanitaire à Lampedusa et aux annonces du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. 

« À l’heure où l’île de Lampedusa déclarait l’état d’urgence face à l’afflux de 7000 personnes migrantes en un jour, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonçait vouloir renforcer la surveillance à la frontière franco-italienne à travers le déploiement d’une « border force », conjuguant forces de sécurité intérieure, douanes et militaires, ainsi que des drones. Des annonces particulièrement inquiétantes qui marquent la volonté du gouvernement français de poursuivre une politique sécuritaire, violente, coûteuse et inefficace.  

Augmenter la surveillance de la frontière et « prévenir les départs » depuis les pays d’origine, comme suggéré par le ministre Darmanin et son homologue italien, n’empêchera pas les personnes de chercher à se déplacer, mais les exposera à davantage d’exploitation par les réseaux de traite d’êtres humains et de risques. Les mesures prises à la frontière franco-britannique en sont la preuve : les contrôles et les coûteux moyens sécuritaires déployés n’ont pas empêché une augmentation significative des traversées vers les côtes anglaises ni évité les naufrages.  
 

De son côté, le président Macron promet d’agir « avec rigueur et humanité », en coordination avec l’Italie. Des déclarations particulièrement cyniques alors que l’équipe de MSF à Vintimille constate des pratiques policières à la frontière se caractérisant justement par leur absence d’humanité et que les migrants voient leurs droits régulièrement bafoués. Refoulements illégaux par la police française, agressions verbales et enfermement dans des conditions indignes sont le lot quotidien des personnes cherchant à traverser la frontière, y compris des mineurs non accompagnés et des personnes malades.  

La liste de ces « preuves de fermeté » s’ajoute à celle des souffrances endurées par ces hommes, femmes et enfants dans l’enfer des geôles libyennes et aux traumatismes des traversées dangereusement mortelles de la Méditerranée, dont nos équipes sont témoins à bord du Geo Barents, le navire de recherche et de sauvetage de MSF, et en Libye. 
 

L’afflux sans précédent d’exilés à Lampedusa ces derniers jours est le symptôme de l’incapacité de l’Europe à bâtir un système d’accueil solidaire et respectueux des droits fondamentaux des personnes en migration.  

Par calcul politique, les gouvernements des pays européens alimentent les peurs et les narratifs les plus abjects tout en laissant croire qu’il existe des solutions simples, comme les accords de coopération avec les pays de départ ou de transit, comme la Tunisie ou la Libye. On ne peut pas arrêter les flux migratoires en érigeant des murs - réels ou symboliques - et en s’affranchissant de tout cadre juridique. Il est temps que les pays de l’Union européenne fassent preuve de solidarité et d’humanité autant que de responsabilité. »

Notes

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