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Tunisie : les rescapés du Geo Barents témoignent des violences qu’ils ont subies

Un rescapé débarque du Geo Barents en août 2023.
Un rescapé débarque du Geo Barents en août 2023. © MSF/Stefan Pejovic

Depuis février 2023 et les déclarations racistes du président Kaïs Saïed, de nombreuses violences ont été perpétrées en Tunisie contre les personnes exilées dont la situation a empiré en juillet, avec la mise en place d’expulsions et de transferts forcés massifs, notamment dans le désert. Conjointement, l’Union européenne signait un protocole d’accord avec la Tunisie, un « partenariat stratégique », prévoyant une enveloppe de 105 millions d'euros pour « la gestion des frontières, la recherche et le sauvetage, la lutte contre la contrebande et le retour ».  Ce qui risque de dégrader encore la situation des personnes exilées.

 

Bien que les équipes MSF ne soient pas opérationnelles en Tunisie, elles sont témoins des conséquences des violences qui touchent les personnes exilées dans ce pays. En effet, parmi les personnes recueillies cet été à bord du Geo Barents, le navire de recherche et de sauvetage de MSF, de nombreuses avaient pris la mer depuis les côtes tunisiennes.

Boniface fait partie des personnes secourues en mer entre le 15 et le 16 juillet 2023 et a été victime de cette vague de violences à l’encontre des exilés. « J’étais dans le bus, et quelqu’un a tapé dans mon téléphone portable, qui est tombé par terre, se souvient-il. Cette personne a ensuite commencé à me frapper. Il y avait des policiers dans le bus, mais ils n’ont rien fait pour arrêter cela. Ensuite, j’ai été traîné en dehors du bus et battu. J’ai même été poignardé avec un tournevis. »

Amplification des violences

Après le discours du président Kaïs Saïed en février 2023, les rescapés du Geo Barents en provenance de Tunisie ont signalé une augmentation des violences et de la part des forces de sécurité tunisiennes, des arrestations arbitraires, des vols, y compris en détention, dans la rue ou à des postes de contrôle, et une amplification des expulsions collectives vers les frontières avec l'Algérie et la Libye. Ils ont également témoigné d'attaques et de violences organisées par la population civile en milieu urbain et de raids, qui comprenaient des lapidations, des attaques au couteau et des injures racistes. Des expulsions massives de locataires subsahariens, des discriminations raciales et des refus d'accès aux biens et services ont aussi été relatés.

Vue d'un sauvetage opéré par les équipes MSF le 15 juillet 2023.
 © MSF/Stefan Pejovic
Vue d'un sauvetage opéré par les équipes MSF le 15 juillet 2023. © MSF/Stefan Pejovic

« La veille de mon agression, le président tunisien a lancé un appel à la population à travers un discours public à la télévision et à la radio contre les Noirs africains. C’est à ce moment-là que tout a changé », explique Boniface. Un même changement ressenti par Fatima*, 32 ans : « Avant que le président ne parle, nos conditions de vie en Tunisie étaient déjà mauvaises. Quand il a parlé en disant que les Noirs devaient repartir, tout a empiré. »

Certains faits de violence précèdent en effet février 2023, comme en témoigne Boniface : « Après mon arrivée en Tunisie en octobre 2022, des hommes armés m'ont kidnappé et emmené sur un chantier de construction. Ils m'ont battu pendant 12 jours. J'ai été torturé avec une batte de baseball tandis que mes mains et mes pieds étaient attachés avec une longue corde. Ils ont tourné des vidéos et les ont envoyées à ma famille pour obtenir une rançon. »

Politiques dangereuses

Plusieurs rescapés ont témoigné d'expulsions violentes vers les pays frontaliers, la Libye et l'Algérie. « À Sfax, ils récupèrent les Noirs, avec ou sans papiers, et les envoient aux frontières avec l'Algérie », raconte Fatima. Un autre survivant a raconté comment lui et d’autres personnes avaient été envoyés dans le désert. « La police tunisienne ne veut plus voir de Noirs. Ils nous détestent. Lorsqu’ils nous ont emmenés en Algérie, nous avons marché presque une semaine dans le désert. »

 

On estime qu'au cours des six premiers mois de 2023, 56 % des personnes arrivant en Italie par la Méditerranée centrale ont embarqué en Tunisie, ce qui fait du pays la porte principale d’accès à l’Europe pour les personnes en recherche de sécurité, devant la Libye. « Le récent protocole d’accord reproduit les dangereuses politiques migratoires de l’UE qui “incitent” de plus en plus les pays tiers à renforcer la dissuasion et le confinement des personnes tentant d’atteindre l’Europe, explique Juan Matias Gil, Représentant de MSF pour les opérations de recherche et de sauvetage. La mise en place d’un tel accord systématiserait la violence contre les migrants en Tunisie et rendrait l’UE complice des sévices qu’ils subissent. Ces politiques migratoires irresponsables placent en dernier lieu le bien-être et les droits des exilés et les piègent dans des cycles de violence, d’abus et de désespoir. »

 

* Les noms des rescapés ont été modifiés pour protéger leur identité.

Notes

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