Les atteintes aux droits à la frontière franco-italienne doivent cesser

The French authorities daily violate the law and the rights of refugees and migrants on the French-Italian border as in Menton, the first city in France after Ventimiglia on the Italian side. The reinstatement of border controls in 2015 has become the pretext for the trivialization of many illegal practices such as systematic refoulement of asylum seekers in Italy. Added to this are daily tensions and the fatal play of cat and mouse that the French authorities are engaged in and in which people on the move
Refoulé à la frontière, un migrant reprend la route vers l'Italie. © Lisa Veran/MSF

Malgré les nombreuses alertes de nos associations, les violations des droits fondamentaux des personnes en migration se poursuivent à la frontière franco-italienne, de Menton à Briançon. Afin que cessent ces atteintes inacceptables, nos associations font aujourd’hui appel au procureur de la République de Nice ainsi qu’au rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants.

Privation illégale de liberté

Fin juin 2019, treize signalements ont été déposés auprès du procureur de Nice par l’Anafé, Oxfam, WeWorld et Iris. Ces signalements concernent la privation illégale de liberté dont font l’objet des personnes avant leur refoulement en Italie. En effet, chaque soir, des personnes sont enfermées toute la nuit, dans des Algeco attenant au poste de la police aux frontières de Menton. Ces Algeco sont des containers de 15 m2 dépourvus de mobilier pour s’allonger, où des dizaines de personnes peuvent être maintenues en même temps, privées de nourriture, pendant des durées dépassant largement les quatre heures « raisonnables » de privation de liberté admises par le Conseil d’État.

C’est le cas d’Alpha*, ressortissant nigérian âgé de 17 ans, qui a témoigné auprès des associations avoir été enfermé dans la nuit du 27 au 28 mai 2019 dans un Algeco, pendant plus de dix heures avec une dizaine d’adultes, dans des conditions exécrables avec des toilettes inutilisables. Il aurait pourtant déclaré sa minorité et exprimé son souhait de demander l’asile en France, sans que cela ne soit pris en compte par les forces de l’ordre.

Les mineurs sont ainsi régulièrement enfermés avec des adultes, et les femmes ne sont pas toujours séparées des hommes. Marie*, ressortissante ivoirienne, a expliqué avoir été enfermée dans la nuit du 6 au 7 juin 2019 pendant près de onze heures et demie, avec une autre femme et deux hommes qu’elle ne connaissait pas, sans savoir pourquoi elle était détenue et jusqu’à quand elle le serait.

Adama*, ressortissant sénégalais, a témoigné avoir été enfermé dans ces mêmes Algeco pendant plus de neuf heures, dans la nuit du 16 au 17 juin 2019. Il aurait demandé plusieurs fois à voir un médecin en raison de la blessure qu’il avait aux doigts suite à son interpellation, mais il n’a pas pu avoir accès à des soins avant d’être refoulé en Italie.

Ces témoignages ont été portés à la connaissance du procureur de la République de Nice qui avait annoncé, fin 2018, l’ouverture d’une enquête suite à un signalement déposé le 20 novembre 2018 par des associations et des élus, à propos des pratiques de la police française à l’encontre des personnes en migration, en particulier des mineur.e.s isolé.e.s, lors des refoulements en Italie.

Ces treize nouveaux signalements doivent être pris en compte dans le cadre de cette enquête, qui n’a pour le moment débouché sur aucun changement des procédures administratives et policières.

La détention arbitraire est l’une des atteintes aux droits fondamentaux des personnes pour laquelle nos associations, Amnesty International France, l’Anafé, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, le Secours Catholique Caritas France, ainsi que de nombreuses organisations intervenant à la frontière franco-italienne saisissent aujourd’hui le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme.

À cette privation de liberté s’ajoutent de multiples violations des droits, telles que l’impossibilité de demander l’asile, que ce soit au poste de la police aux frontières de Montgenèvre ou à celui de Menton. Nos associations dénoncent également la non-protection des mineur.e.s isolé.e.s et le non-respect des garanties légales lors des refoulements vers l’Italie.

Nos organisations ont invité le rapporteur spécial des Nations unies, Felipe Gonzalez Morales, à venir sur le terrain constater ces graves atteintes aux droits des personnes exilées commises par les autorités françaises et ainsi formuler les recommandations adéquates qui, nous l’espérons, feront enfin respecter les droits à la frontière franco-italienne.

Cette saisine a également été transmise au défenseur des droits, au contrôleur général des lieux de privation de liberté et à la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

* Les prénoms ont été modifiés.

 

Liste des associations signataires : Amnesty International France ; Anafé ; La Cimade ; Médecins du Monde ; Médecins Sans Frontières ; Secours Catholique Caritas France ; Alliance des avocats et praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux ; ADDE - Association des avocats pour la défense des droits des étrangers ; ASGI ; Association pour la démocratie à Nice ; Collectif Kesha Niya Kitchen ; Intersos ; Iris ; Kesha Niya Kitchen ; Oxfam ; Refuges Solidaires ; Roya Citoyenne ; Syndicat des avocats de France ; Tous Migrants ; WeWorld.

Notes

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