Méditerranée : 61 morts dans le naufrage de vendredi, 25 survivants refoulés illégalement vers la Libye

Search and Rescue en zone libyenne
Dans la matinée du 4 septembre 2023, l'équipe MSF à bord du Geo Barents a procédé au sauvetage d'un groupe de 31 personnes dans la région SAR de Libye. © MSF/Stefan Pejovic

La mort de 61 personnes, noyées dans un naufrage au large des côtes libyennes dans la nuit du 14 au 15 décembre, montre une fois de plus les conséquences meurtrières des politiques de non-assistance de l'Europe et de l'externalisation de la gestion des frontières, déclare Médecins Sans Frontières (MSF). Le renvoi de force des 25 survivants à ce naufrage vers la Libye par un navire commercial, et leur transfert immédiat dans un centre de détention à Tripoli constituent des violations du droit international.

« Il est inacceptable qu'un bateau avec 86 personnes en détresse à bord, à seulement 18 milles nautiques, soit moins de 45 minutes des côtes libyennes, ne puisse être secouru. 61 personnes sont mortes, dont des enfants », déclare Virginia Mielgo, coordinatrice de projet MSF à bord du Geo Barents, le navire de recherche et de sauvetage de MSF. « En confiant la responsabilité de la gestion des frontières aux garde-côtes libyens, qui ont une fois de plus démontré leur incapacité à coordonner des activités de recherche et de sauvetage sécurisées, les gouvernements européens se sont rendus complices de leur mort. »

Malgré les alertes lancées aux autorités italiennes, maltaises et libyennes pour les avertir de la situation critique, ce n'est qu'au bout de huit heures qu'un navire marchand, le Vos Triton, a fini par arriver à proximité du bateau en détresse.

À l’insuffisance des dispositifs étatiques de recherche et de sauvetage s’ajoute l’absence de navires de sauvetages d’ONG dans la zone cette nuit-là du fait de l’obstruction délibérée des autorités italiennes au travail de recherche et de sauvetage des navires civils au cours de l’année écoulée. Deux navires d’ONG, dont le Geo Barents, se trouvaient dans la zone où le naufrage s’est produit deux jours auparavant mais ont été contraints de rejoindre des ports volontairement éloignés, au Nord de l’Italie, avec moins de 40 survivants à leur bord. 

« Une fois de plus, on nous a assigné un port inutilement éloigné, à Gênes, avec très peu de personnes à bord, et nous avons été contraints de lire, impuissants, les alertes aux autorités restées sans réponse pendant des heures. Alors qu'il était évident que la vie des gens était en danger imminent, rien n'a été fait pour les aider jusqu'à ce qu'il soit trop tard », déclare Mielgo. 

Les 25 survivants du naufrage ont été renvoyés de force à Tripoli, en Libye, où les terribles violences et exactions infligées aux migrants, demandeurs d'asile et réfugiés sont largement documentées par MSF et d'autres organisations. Un risque dont les autorités européennes étaient conscientes lors de l'intervention du Vos Triton, ce même navire déjà accusé d'avoir illégalement refoulé 270 personnes vers la Libye en 2021 [1].

« Dès lors que nous avons compris que le Vos Triton naviguait vers la Libye, nous avons contacté le navire pour lui rappeler le principe de non-refoulement et qu'il serait illégal de débarquer des personnes en Libye », explique M. Mielgo. « Apprendre quelques heures plus tard que non seulement ce refoulement illégal avait eu lieu, mais aussi que plus de 60 personnes étaient mortes au cours de cette nuit, a été terrible. »

« Devant cette nouvelle tragédie, les gouvernements européens ne peuvent plus se cacher des conséquences manifestes de leurs choix politiques inhumains. Un changement radical est nécessaire en Europe pour adopter des politiques migratoires qui sauvent des vies au lieu de les sacrifier », déclare Mielgo. 

MSF exhorte les gouvernements à changer de cap et à adopter des politiques migratoires plus humaines. Cette année, déjà près de 2 300 hommes, femmes et enfants [2] sont morts ou portés disparus alors qu'ils tentaient de traverser la Méditerranée pour rejoindre l'Europe.

 

[1] Déclaration conjointe OIM-HCR du 17 juin 2021

[2] Source : IOM, Missing migrant project. 

Notes

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