Méditerranée : le Geo Barents ciblé par deux nouveaux ordres de détention

Une vue du navire de sauvetage MSF de Geo Barents lors de sa 66e rotation en mer Méditerranée.
Une vue du navire de sauvetage MSF de Geo Barents lors de sa 66e rotation en mer Méditerranée. © MSF

Le 23 septembre, les autorités italiennes ont imposé une nouvelle mesure punitive au Geo Barents, le navire de recherche et de sauvetage opéré par Médecins Sans Frontières (MSF) pour avoir accompli son devoir légal et humanitaire de sauver des vies en mer. Cette fois, le navire a reçu deux ordres de détention distincts, immédiatement après le débarquement de 206 survivants à Gênes, dans une tentative évidente des autorités de s'assurer que le Geo Barents ne pourra pas naviguer à nouveau pour sauver des vies en Méditerranée.

Le premier ordre de détention de 60 jours est fondé sur les allégations selon lesquelles le Geo Barents n’aurait pas respecté les instructions des garde-côtes libyens lors d'une opération de sauvetage le 19 septembre 2024. Ce jour-là, le Geo Barents avait effectué un premier sauvetage et s'était vu assigner Gênes comme lieu de débarquement sûr. Alors qu'il naviguait vers ce port, il a reçu une alerte de l'avion de surveillance de Sea-Watch, le Seabird2, concernant 100 personnes en détresse sur une embarcation en bois surchargée. Le Geo Barents a reçu le feu vert du Centre de coordination des secours maritimes italien (MRCC) pour évaluer la situation et était le seul navire sur place à son arrivée. Compte tenu de la gravité de la situation et de l'obligation du capitaine, en vertu du droit international, de fournir une assistance immédiate, l'équipe MSF a procédé au sauvetage. 

Alors que l'équipe de MSF était en train de terminer l’opération de sauvetage et qu'il ne restait plus que 20 personnes sur 110 dans le bateau, un navire des garde-côtes libyens, financé par l'Italie, est arrivé sur les lieux. « Le patrouilleur libyen est arrivé plus de cinq heures après la première alerte sur l’embarcation en détresse. Les garde-côtes ont menacé de tirer et ont effectué des manœuvres dangereuses et intimidantes autour des personnes en détresse et de l'équipe de sauvetage de MSF », a déclaré Fulvia Conte, responsable de l'équipe de recherche et de sauvetage de MSF. 

Il s'agit du quatrième ordre de détention pour le Geo Barents en vertu du « décret Piantedosi », après celui émis il y a un mois, également pour 60 jours, qui a ensuite été suspendu par le tribunal civil de Salerne. 

Le deuxième ordre de détention fait lui suite à une inspection du Geo Barents, au titre du contrôle par l'État du port, qui a conclu à huit déficiences techniques. « Les inspections de contrôle par l'État du port constituent une autre instrumentalisation administrative et technique des lois et règlements que les autorités utilisent depuis sept ans pour entraver le travail des navires humanitaires de recherche et de sauvetage en Méditerranée », a ajouté Fulvia Conte. « Notre navire avait passé avec succès les inspections précédentes ; celle-ci semblait avoir pour objectif de s'assurer que nous n'opérerons pas de sitôt. Nous nous efforçons de remédier rapidement à ces défaillances et de retourner en mer. » 

Le 11 septembre, le tribunal de Salerne suspendait un ordre de détention similaire, reconnaissant alors le caractère humanitaire des missions de recherche et de sauvetage du navire de MSF. 

« Nous ferons appel de cette nouvelle immobilisation auprès du tribunal compétent. Plus les tribunaux italiens se prononcent en faveur des navires humanitaires, plus le gouvernement italien inflige des détentions arbitraires. C'est inacceptable dans un pays de droit », déclare Juan Matias Gil, représentant de MSF pour les opérations de recherche et de sauvetage. 

« Les personnes fuyant la Libye nous parlent souvent des violentes interceptions en mer effectuées par les garde-côtes libyens soutenus par l'UE. Il a été prouvé, non seulement par les Nations Unies, mais aussi par des journalistes d'investigation indépendants, que les garde-côtes libyens sont complices de graves violations des droits de l'homme, assimilables à des crimes contre l'humanité, et de collusion avec les passeurs et les trafiquants », a ajouté Juan Matias Gil. « Il est honteux que les autorités italiennes considèrent encore ces garde-côtes comme des acteurs et des sources d'information fiables ». 

Notes

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