« Catastrophique, c'est ainsi que je décrirais la situation actuelle en Libye, déclare Mustafa*, un Malien qui vit dans le pays depuis plusieurs années. Si un étranger est kidnappé, l’argent peut permettre de le libérer. Mais cela ne l'empêchera pas d’être kidnappé à nouveau. Des migrants meurent en détention et, quand ça arrive, ils sont simplement jetés dehors comme des animaux. Leurs familles ne savent même pas où ils sont enterrés. C'est pour cela que des gens comme moi souffrent en Libye. Et l'Europe continue de donner aux Libyens des moyens d’alimenter ce système de souffrance. »
Plusieurs rapports publiés par des organisations internationales, appuyés par des milliers de récits de survivants, documentent le traitement inhumain infligé aux migrants et aux réfugiés en Libye. En novembre 2021, la mission d'enquête de l'Onu en Libye a conclu que ces violations constituaient des crimes contre l'humanité. Pourtant, les gouvernements européens ferment les yeux et des preuves accablantes ne les empêchent pas de conclure des accords avec les autorités libyennes pour contrôler la migration vers l'Europe.
En février 2017, le gouvernement italien, soutenu par l’Union européenne (UE), a signé un accord avec le gouvernement libyen : le protocole d'accord sur la migration, qui a été renouvelé en 2020 pour trois années supplémentaires. Dans ce cadre, l'Italie et l'UE ont aidé les garde-côtes libyens à renforcer leur capacité de surveillance maritime, en leur fournissant un soutien financier et des moyens techniques. Depuis la signature de l’accord, l'Italie a alloué 32,6 millions d'euros pour des missions de soutien aux garde-côtes libyens, dont 10,5 millions d'euros au cours de la seule année 2021.
« Cet accord signé par l’Italie et la Libye fait partie de la stratégie de refoulement et de criminalisation des migrations mise en place par les États européens, indique Michaël Neuman, Directeur d’étude du Centre de réflexion et d’action sur les savoirs humanitaires. En tant que membre important de l’Union européenne, la France participe activement à ce système. Les équipes MSF sont témoins des conditions dans lesquelles sont détenus les migrants en Libye. Elles sont inhumaines et inacceptables. Ramener ces personnes en Libye, c’est les replonger dans un cycle infernal de détention, d’exactions et de souffrances. C’est cela que la France a contribué à mettre en place et continue d’alimenter, au même titre que l’Italie. »