Accueillir et soigner les victimes de violences sexuelles : témoignages de personnels MSF

Article personnels MSF VVS Mathare
Article personnels MSF VVS Mathare © JCNougaret/MSF

Aneli, Irene et Judith reçoivent chaque mois plus de 200 nouvelles victimes de violences sexuelles dans la clinique MSF de Mathare, l'un des plus grands bidonvilles de l'est de Nairobi. Elles écoutent, recueillent des témoignages et soignent ces femmes, ces enfants et parfois ces hommes traumatisés. Témoignages.

Aneli Wansiro, assistante sociale communautaire
Mon travail consiste à aller chercher les patients dans les quartiers est de Nairobi avec l'ambulance de MSF. Je suis la première personne en contact avec ceux que nous appelons les «survivants». Nous avons mis en place un numéro d’urgence et je reçois les appels sur mon téléphone portable, sur lequel je dois toujours être joignable.
Quand je suis appelée, la plus part du temps, je rejoints la victime dans un poste de police ou un centre médical. Elles ne peuvent pas rester à leur domicile ou bien sur le lieu de leur agression. Lorsque nous nous rencontrons, je leur demande leur nom, leur âge et à quel moment a eu lieu leur viol. Tout est écrit pour commencer à documenter leur dossier. Si elles sont nues, nous avons des couvertures et parfois des vêtements pour les couvrir dans l'ambulance. Il est essentiel qu'elles se sentent en sécurité, afin que nous puissions les amener à la clinique. Je les aide à se nettoyer si elles en éprouvent le besoin, mais seulement après l'examen médical*. Après cela, nous leur présentons les services fournis par la clinique et nous lui demandons si il accepte de les recevoir. Certaines personnes peuvent craindre que nous leur demandions de l‘argent, alors nous leur expliquons que ces soins sont gratuits.
Quand nous arrivons à la clinique MSF, nous partageons l'histoire du patient avec l’assistante sociale. Celle-ci ouvre un dossier et le documente avec des questions plus précises. Après ce rendez-vous, la patiente voit notre médecin pour un examen et des soins psychologiques et médicaux. Ensuite, nous leur demandons où elles veulent être ramenées.
Chaque matin, quand j’arrive à la clinique, je recopie tous les numéros et les appels que j'ai reçus la veille. Ensuite, j'appelle les patientes qui sont venues quelques jours avant afin de m’assurer qu’elles reviendront à la clinique pour des visites de suivi. Je leur explique qu’il est important de les revoir pour savoir comment elles vont, si elles prennent bien leurs médicaments... Elles peuvent même venir la nuit, parce que nous travaillons 24 heures sur 24, et nous proposons de les ramener chez elles.
* ndlr, pour préserver des indices de l’agression pouvant être utilisés en cas de poursuites en justice.

Judtih Ouko, assistante sociale
Quand les « survivantes » reviennent de leur communauté, mon rôle est de les aider à raconter leur histoire. Certaines d'entre elles ne sont même pas en mesure de parler. Alors je dois créer un environnement qui leur permette de libérer leur parole et de dire ce qui s'est passé exactement.
Après cela, nous pouvons les aider à comprendre certaines des réactions traumatiques qu'elles pourraient rencontrer et aussi les soutenir pour les surmonter. Nous réalisons une sorte d’éducation psychologique sur les émotions qu'elles pourraient ressentir, pour s'assurer que, même quand elles sont à la maison, elles n’aient pas l’impression que c'est anormal, ou qu'elles vont devenir folles. Je les soutiens afin de «normaliser» leurs ressentis et leurs craintes.
Sur un plan médical, nous devons aussi savoir si nous avons besoin d’adapter rapidement notre réponse médicale. La plupart du temps, nous recevons des patientes qui ont été agressées depuis moins de 72 heures. Ensuite, j'explique quels médicaments nous allons leur prescrire et les mesures préventives que nous allons prendre. Puis, je leur propose de faire le test du VIH, si elles sont d’accord. Enfin, je les conseille pour leur traitement, selon les médicaments qu’elles doivent prendre, je les aide également à comprendre ce que cela implique, pour que le traitement soit efficace.

Irene Nyagwachi, médecin
Mon travail consiste à faire un examen physique sur les blessures dues à l’agression sexuelle des « survivantes ». Comme nous avons notre propre laboratoire, je recueille des échantillons de sang, et de tout autre fluide et je les apporte au laboratoire.
Pour les patients qui se révèlent séropositifs aux tests VIH/sida, je leur remets des antirétroviraux et des médicaments pour soigner d'autres infections sexuellement transmissibles (IST) ou tout autre type d'infection. Nous devons également être en mesure de proposer des solutions médicales en cas de grossesse non désirée. Bien sûr, je documente toutes les activités que nous réalisons. Cela aidera les survivantes, si elles le souhaitent, à entreprendre des poursuites légales. J’assure également le suivi de leur traitement à la fois physique et psychologique.

Notes

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