Afghanistan : de nombreux patients et un avenir incertain

Un médecin MSF effectue une opération dans un des trois blocs opératoires de l'hôpital de Boost à Lashkar Gah.
Un médecin MSF effectue une opération dans un des trois blocs opératoires de l'hôpital de Boost à Lashkar Gah. © Tom Casey/MSF

Après le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, un changement majeur s’est opéré  au niveau sanitaire, marqué par l'impact des combats sur l'accès aux soins. Médecins Sans Frontières continue de gérer des activités médicales dans 5 provinces. Les équipes sur place racontent les récents ajustements dont ils ont été témoins et leurs conséquences sur les patients mais aussi les soignants.

La situation à Lashkar Gah est maintenant calme mais teintée d’incertitude. Les gens qui avaient repoussé leur consultation médicale dans les zones de conflits actives se rapprochent de MSF, qui soutient l’hôpital de Boost. En conséquence, ces derniers jours, les urgences affichent complet, avec de nombreuses personnes souffrant de problèmes respiratoires et gastro-intestinaux ainsi que des traumatismes liés aux combats ou à des accidents de la route.

« Nous n’avions jamais reçu autant de monde aux urgences »

Entre le 15 et le 21 août, plus de 3 600 patients ont été pris en charge aux urgences et 415 ont été hospitalisés. Un médecin travaillant sur place décrit ce qu’il y a vu :

« Le 1er Août, je suis arrivé à l’hôpital de Boost à Lashkar Gah où et j’ai passé 13 jours. Les besoins médicaux étaient très élevés, nous avons reçu beaucoup de patients blessés pendant les combats. Cependant, la plupart de nos patients habituels (enfants malades, femmes enceintes, patients ayant des besoins chirurgicaux de routine) - 500 consultations quotidiennes - sont restés chez eux car l’accès à l’hôpital était impossible à cause des conflits.

Après la fin des combats le 13 août, nous n'avons plus entendu les bruits de frappes aériennes, de roquettes et de mortiers. Les routes dans la ville et dans les districts environnants se sont ouvertes et les gens pouvaient à nouveau venir à l’hôpital. Le nombre de patients a énormément augmenté. Depuis la semaine dernière, nous recevons plus de 700 personnes par jour aux urgences, parfois plus de 800. Le 21 août, nous avons pris en charge 862 personnes, nous n’en avions jamais reçu autant. Certains patients arrivent dans des conditions critiques parce qu’ils ont attendu que le conflit s’arrête pour venir.

Les cliniques locales ne sont pas en capacité de répondre aux besoins des gens. Tous les jours, des patients viennent en expliquant que ces cliniques n’ont pas les médicaments nécessaires  ou qu’elles sont fermées à cause du manque de personnel.

Notre hôpital est maintenant plein, nous avons déjà plus de 300 patients. Nous avons deux personnes par lit au service de pédiatrie et nous avons du mal à trouver de la place pour tout le monde. Chaque jour, entre 80 et 100 personnes devraient être admises en hospitalisation. . Nous sommes obligés de réduire la durée de séjour des patients et de leur donner les médicaments dont ils ont besoin, à moins qu'ils ne soient dans un état très critique. »

Avril 2021, Noor-U-Rahman, employé MSF, explique les signes de danger à surveiller pendant une grossesse à un groupe de soignants dans le centre de santé Tani, soutenu par MSF, situé dans la province de Khost.
 © Tom Casey/MSF
Avril 2021, Noor-U-Rahman, employé MSF, explique les signes de danger à surveiller pendant une grossesse à un groupe de soignants dans le centre de santé Tani, soutenu par MSF, situé dans la province de Khost. © Tom Casey/MSF

« Pour augmenter l’accès aux soins, nous avons élargi nos critères d’admission »

A Khost, MSF gère une maternité et soutient 8 centres de santé dans des zones rurales. Entre le 15 et le 22 août, l’hôpital a admis 402 femmes enceintes et a donné naissance à 338 bébés. 33 nouveaux nés ont été pris en charge dans le service néonatal de l’hôpital. Un médecin présent sur place raconte son expérience :

« Bien que la ville de Khost n’ait pas vécu de gros affrontements comme dans d’autres endroits du pays, nous faisons face à des moments difficiles. Les marchés, les systèmes de transport locaux et la plupart des cliniques privées sont fermés. L’accès aux soins est maintenant très limité. Un seul accouchement dans une clinique privée peut coûter de 3 000 à 5 000 afgani (35 à 60 dollars) ce qui ajoute une pression supplémentaire sur les familles.

Les gens font face à tant d'incertitudes, surtout les femmes enceintes. Elles essayent d’économiser de l’argent et, comme MSF propose ses services gratuitement, de nombreuses femmes enceintes viennent à la maternité de Khost.

Précédemment, cet établissement se concentrait uniquement sur les soins médicaux pour les femmes enceintes avec des complications. Maintenant, nous avons élargi nos critères d’admission et nous prenons en charge toutes les femmes enceintes qui ont besoin d’aide pour accoucher. 

Les organisations locales avec lesquelles nous travaillons nous parlent de la difficulté de l’accès aux soins de santé des communautés éloignées. Le système de transport ne fonctionne pas totalement et nous sommes inquiets concernant les ruptures d’approvisionnement de médicaments essentiels. 

Malgré ces défis, MSF s'engage à poursuivre ses activités médicales et à répondre aux besoins de santé des mères et des enfants dans les communautés touchées par le conflit. »

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