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Afghanistan : la malnutrition monte en flèche à Hérat, alors que le système de santé s’effondre

Centre nutritionnel thérapeutique de MSF dans l'hôpital région d'Hérat. Seules les femmes, en dehors du personnel, sont autorisées à entrer dans le bâtiment. 2021.
Centre nutritionnel thérapeutique de MSF dans l'hôpital région d'Hérat. Seules les femmes, en dehors du personnel, sont autorisées à entrer dans le bâtiment. 2021. © Sandra Calligaro

En Afghanistan, la récente prise de pouvoir des talibans, associée à une suspension de l’aide internationale, ont encore dégradé le système de santé, déjà fragile et en proie à d’importantes lacunes. Dans la ville d’Hérat, dans l’ouest du pays, les équipes de Médecins Sans Frontières font face à une augmentation inquiétante de la malnutrition. Le point avec Mamman Mustapha, Coordinateur de projet MSF, de retour du terrain.

Quelle est la situation sanitaire à Hérat depuis la prise de pouvoir des talibans ?

Le système de santé menace de s'effondrer dans tout le pays, alors que les besoins de la population sont immenses. C’est également ce que nous observons à Hérat. L'accès aux soins était un problème majeur en Afghanistan depuis des années, mais aujourd'hui, la situation s'est encore dégradée.

Une grande partie de l'aide internationale a été suspendue, comme le financement des programmes de soins de santé primaires de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) par la Banque mondiale. Cela touche également la province d'Hérat. Les établissements de santé de la province ferment ou en sont réduits à tenter de fournir un service minimum, en composant avec le peu de ressources à leur disposition. Nous n'avons aucune visibilité sur ce que vont devenir ces structures. La plupart des habitants de la région sont pauvres et sans emploi. Ils n’ont donc pas les moyens de se rendre dans des établissements de santé privés. Certaines des organisations humanitaires qui travaillaient à Hérat n'ont pas encore repris pleinement leurs activités.

Des infirmières MSF auprès d'enfants malnutris dans le centre nutritionnel thérapeutique installé dans l'hôpital régional d'Hérat. Afghanistan. 2021.
 © Sandra Calligaro
Des infirmières MSF auprès d'enfants malnutris dans le centre nutritionnel thérapeutique installé dans l'hôpital régional d'Hérat. Afghanistan. 2021. © Sandra Calligaro

L'hôpital régional d'Hérat, où MSF gère un centre nutritionnel thérapeutique, a perdu une partie de son personnel, notamment son directeur et certains des occupants des plus hauts postes de responsables médicaux. Ils ont quitté le pays juste avant la prise de la ville par les talibans. Il en résulte un manque d’encadrement et de nombreux défis administratifs. Mis à part dans le centre nutritionnel géré par MSF, les salaires n'ont pas été payés depuis cinq mois. Il n'y a pas assez de fournitures médicales et pas d'argent pour payer l'entretien de la structure. Les différents services de l’hôpital sont pourtant remplis.

Beaucoup d’acteurs internationaux, y compris les Nations unies, ont indiqué que le pays traversait une crise nutritionnelle majeure. Qu'observons-nous à travers notre programme de nutrition ?

Nos indicateurs montrent que la malnutrition est un problème important. Cette crise avait commencé bien avant les récents événements. Entre mai et septembre 2021, nous avons observé une augmentation de près de 40 % du nombre d'admissions dans notre programme de nutrition par rapport à l’année précédente. Le pic de malnutrition cette année a dépassé ses niveaux habituels en termes d'intensité et de durée alors que nous nous attendions à une diminution en septembre. Dernièrement, la situation s’est encore aggravée. Notre centre nutritionnel thérapeutique a été extrêmement sollicité, avec plus de 60 nouvelles admissions chaque semaine. Le nombre de patients hospitalisés a atteint plus du double de notre capacité maximale. En conséquence, nous avons augmenté le nombre de lits. Beaucoup de nos patients et leurs familles parcourent plus de 15 kilomètres pour se faire soigner. Certains viennent même des provinces de Badghis, Ghor et Farah, situées à plus d'une centaine de kilomètres.

 

L'une des salles du Centre d'alimentation thérapeutique de MSF à l'hôpital régional d'Hérat.
 © Sandra Calligaro
  L'une des salles du Centre d'alimentation thérapeutique de MSF à l'hôpital régional d'Hérat. © Sandra Calligaro

Il y a plusieurs raisons à cette augmentation de la malnutrition, qui est très probablement révélatrice d’une crise plus profonde qui touche l’Afghanistan. La province d’Hérat manque d'établissements de santé fonctionnels, le ralentissement économique (avec un taux d'inflation allant jusqu'à 30 % pour les produits alimentaires), le manque de liquidité, la fermeture des banques et une sécheresse qui devrait persister tout au long de l'année 2021 font parties des causes de la dégradation de la situation.

Les récentes attaques à Kunduz et à Kandahar ont rappelé, de manière choquante, que l'insécurité est toujours une préoccupation en Afghanistan. Sommes-nous inquiets pour la sécurité de nos équipes dans la zone ?

Tout d'abord, nous nous efforçons de faire savoir à la communauté que nous sommes là pour fournir une assistance médicale et que nous ne prenons pas parti dans les conflits. Nos principaux atouts sont notre impartialité et la qualité des services que nous fournissons, dans le respect de la culture locale.

Cela dit, les attaques à Kunduz et à Kandahar étaient en effet choquantes. Elles ont été revendiquées par l'État islamique de la province du Khorasan, une organisation qui a l'habitude de cibler des groupes comme les chiites et les Hazaras (deux communautés dont de nombreux membres vivent dans la province d’Hérat) ainsi que, de manière générale, des civils. Cette menace a peut-être été exacerbée par la récente phase d'instabilité. Nous faisons de notre mieux pour surveiller le contexte et réduire le risque d'être pris dans une attaque, tout en sachant qu'il n'y a aucun moyen d'éliminer complètement un tel risque, qui s'applique en fait à n'importe qui en Afghanistan, y compris à Hérat.

Notes

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