Afghanistan : "la vie et la mort observées à la loupe"

Enfant assis sur son lit à l'hôpital de Kunduz dans le nord de l'Afghanistan
Enfant assis sur son lit à l'hôpital de Kunduz, dans le nord de l'Afghanistan © Michael Goldfard/MSF

Brett Adamson est un infirmier australien. Il vient de passer six mois à Kunduz, en Afghanistan et témoigne du combat de ses patients au quotidien, entre la vie et la mort qu’il côtoie tous les jours de très près.

" Nous sommes dans le nord de l’Afghanistan pour gérer un centre de traumatologie. Nous – c’est-à-dire moi-même et 19 autres expatriés – travaillons avec 150 employés afghans dans cet hôpital spécialisé en chirurgie qui comprend une salle d’urgences, un bloc opératoire, deux services d’hospitalisation et un service de soins intensifs.

Les voisins sur lesquels on a tiré parce qu’ils abattaient un arbre ; les enfants blessés parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment ;  les passants victimes d’une explosion alors qu’ils sortaient simplement acheter du pain ; des familles entières touchées par des tirs de grenades : nous soignons tous les patients, quelque soit leur camp dans cette guerre, y compris les victimes de violences domestiques, les enfants brûlés et beaucoup d’accidentés de la route. Parfois, tout arrive au même moment et quand c’est le cas, l’équipe toute entière travaille jusque tard dans la nuit.

Aujourd’hui, nous avons accompagné un enfant mourant. Il avait été percuté par une moto à pleine vitesse qui lui a fendu le crâne. Nous avons fait tout notre possible, mais il y a toujours des limites.

Il était relié à une machine de ventilation. Nous en avons quatre aux soins intensifs, elles permettent de sauver de nombreuses vies. C’était une manière de gagner du temps pour le soigner, pour que la famille puisse prier, pour espérer.

Ses proches étaient présents quand j’ai éteint le ventilateur et extrait le tube de sa bouche pour voir s’il pouvait respirer seul. Nous leur avions expliqué à plusieurs reprises le peu de chances de survie qu’il avait. Quand un enfant ne respire plus, l’hémorragie à l’intérieur de son crâne est telle que la plupart de ses fonctions cérébrales sont perdues.

Tous ceux qui l’entourent – sa famille, deux médecins, une infirmière, et l’infirmière du matin qui a voulu rester à son chevet – tous feraient l’impossible pour le sauver. L’enfant ne peut pas respirer seul. Il est à bout de souffle, alors on le soulage avec des médicaments ; une pression sur la seringue suffit à alléger ses souffrances. Les membres de sa famille lui tiennent la main, l’infirmière essuie son visage.

C’est comme observer la vie et la mort à la loupe. Le garçon halète, nous le stabilisons à nouveau. Son cœur s’arrête presque de battre entre chaque halètement. Les membres de sa famille lui versent un tout petit peu d’eau entre ses lèvres. On aspire sa salive, nous les réconfortons. Et puis il part doucement.

Il est lavé, habillé, et enveloppé dans un drap propre. L’un de ses frères fond en larmes.

Sa famille veut l’emmener immédiatement. Son père l’enroule dans une couverture et le porte dans ses bras jusqu’à un vieux break emprunté à un ami. Je lui prends l’enfant pour qu’il puisse grimper à l’arrière. Je lui rends son fils, il le berce un peu et ils repartent chez eux, dans les montagnes.

Nous nettoyons le lit, l’équipement, et nous nous occupons des autres patients. Plus tard, le lit est refait avec de nouveaux draps, et en moins de deux heures, quelqu’un d’autre y est installé.

Cet enfant n'a pas survécu, mais fort heureusement, la majorité de nos patients s'en sort."

Notes

    À lire aussi