Urgence Gaza/Liban

Gaza : un rapport de MSF dénonce la campagne
de destruction totale menée par Israël

Lire le rapport

Faites un don

Chapo

Nos équipes sont mobilisées 24h/24 pour venir en aide aux victimes. Faites un don au “Fonds régional - Urgence Gaza" pour nous aider à poursuivre nos actions dans les zones touchées par ce conflit.

Je soutiens les actions de MSF

Afghanistan : une unité pour les "mamans kangourou" à Kaboul

Portrait Elodie Barniet maternité de Dasht e Barchi Kaboul Afghanistan
Portrait Elodie Barniet, maternité de Dasht-e-Barchi Kaboul Afghanistan © Mathilde Vu/MSF

D’octobre 2014 à janvier 2015, Elodie Barniet, infirmière spécialisée en pédiatrie, a accompagné l’ouverture de la maternité MSF située à l’hôpital de Dasht-e-Barchi, l’un des quartiers les plus pauvres de Kaboul. L’Afghanistan est un pays où certaines familles ne peuvent pas payer de soins privés. Au sein de cette maternité, un service de néonatologie et une unité kangourou ont été mis en place pour prendre en charge les éventuelles complications.

« A Dasht-e-Barchi, en hiver, le ciel est clair. Il fait froid, mais il y a beaucoup de lumière et on distingue les montagnes enneigées au loin. Le matin, entre les bruits des voitures et des deux roues, on perçoit l’appel du muezzin. Puis, peu à peu, la vie s’éveille, au fur et à mesure que s’élèvent les rayons du soleil, ainsi que les odeurs d’épices et de viande grillée venues du marché, tout proche de l’hôpital.

C’est là que j’ai effectué une mission d’un peu plus de trois mois avec MSF. Il s’agissait d’accompagner l’ouverture de la maternité ainsi que d’un service de néonatologie doté d’une unité « kangourou », au sein de l’hôpital du district et en collaboration avec le ministère de la Santé Publique afghan. L’unité de soins intensifs prend en charge gratuitement des enfants de petit poids, prématurés, souffrant d’infections respiratoires ou ayant de la fièvre, en retard de croissance ou qui ne peuvent pas téter. On les garde jusqu’à ce qu’ils grossissent suffisamment pour pouvoir sortir de l'hôpital.

Parce que les structures de santé manquent, par habitude culturelle aussi, plus de la moitié des femmes afghanes accouchent encore à domicile. Ce type d’offre de soins médicaux est donc nécessaire, surtout en cas de complication. De plus, un accouchement peut couter de 800 à 1 000 afghanis (10 à 20 €). Cela paraît peu, mais c’est énorme pour une famille qui vit souvent avec 1 euro par jour et par personne.

Un des objectifs de ma mission était d’initier l’équipe à la méthode "kangourou" : cette activité est dédiée aux mamans dont les enfants sont prématurés ou présentent un retard de croissance in utero. Cette technique simple permet de prendre en charge les bébés en les plaçant peau à peau tout contre leur mère. Les nouveau-nés bénéficient de la chaleur de leur maman jusqu’à ce qu’ils atteignent un poids suffisant, environ 2 kg, et soient en capacité de se nourrir grâce à l’allaitement maternel. Ainsi, on renforce leurs chances de survie.

Plus de 30 accouchements par jour

Fin janvier, nous avions en moyenne plus de 30 accouchements par jour, soit pas moins de 900 par mois, alors que nous pensions au départ n’en avoir que 600 ! Heureusement, le taux de complication n’excède pas 35% car il est difficile de garder les femmes plus de quelques heures. Ces dernières doivent rapidement retourner à la maison pour s’occuper du reste de la famille.

Ces femmes sont en général accompagnées par leur belle-mère ou par leur mère ainsi que par leur mari ou un autre homme de la famille. En cas de complication, nous avons besoin de l’accord d’un homme pour pouvoir pratiquer une césarienne. C’est notamment le cas lorsqu’il y a une procidence du cordon ombilical, c'est-à-dire quand il sort avant le bébé. Du coup, la tête fait pression sur le cordon, coupant l’alimentation sanguine et donc l’oxygénation du bébé. C’est une des situations d’urgence qui nécessite une césarienne.


Afghanistan maternité MSF kaboul mathilde vu janvier 2015

Maternité de Dasht-e-barchi à Kaboul en Afghanistan, janvier 2015. © Matilde Vu/MSF

Parmi les urgences obstétriques que nous avons prises en charge, je me souviens de Janbakht*. Depuis dix ans, cette jeune Afghane âgée de 28 ans essayait d’avoir un enfant. Elle avait subi plusieurs fausses-couches et mis au monde des enfants mort-nés. Quand elle est arrivée, son col était déjà à dilatation complète. Mais, à la naissance, le bébé ne respirait pas. Nous l’avons réanimé et ventilé en pratiquant un massage cardiaque. Au bout de dix minutes le nourrisson s’est remis à respirer. Nous l’avons ensuite transféré en néonatologie, l’avons maintenu sous oxygène et mis sous perfusion. Du fait d’une détresse respiratoire, le nouveau-né ne pouvait pas s’alimenter. Pendant plusieurs jours nous l’avons donc « nourri » par sonde nasogastrique avec le lait de sa mère. Mais, même s’il allait mieux, il ne se réveillait pas. Et puis, au 6ème jour il a enfin pleuré et ouvert les yeux. Ce fût un moment de joie intense pour sa mère. Nous avons commencé à lui donner du lait à la cuillère. Il a fallu encore quinze jours pour qu’il puisse téter seul, mais il avait toujours besoin d’oxygène. Finalement, ce n’est qu’au 20ème jour qu’il a pu respirer par lui-même et que la mère a pu rentrer chez elle, heureuse et fière.

Les mamans ne restent que quelques heures

Nos sages-femmes accompagnent les mamans pendant le travail et jusqu’à l’accouchement, elles leur parlent et les encouragent. C’est très important dans certains cas.
Ce soir-là, Azra* est arrivée seule à la maternité MSF. Elle ne savait pas où était son mari. Elle était épuisée et tendue, car elle avait dû laisser sa petite fille âgée de deux ans toute seule chez elle. Son col était à dilatation complète. Le bébé pesait plus de 4 kg. A la naissance, nous avons découvert qu’il était en risque d’hypoglycémie. C’est souvent le cas pour les enfants nés de femmes diabétiques. Les nourrissons produisent beaucoup d’insuline pour réguler leur taux de sucre et doivent donc recevoir une alimentation riche rapidement afin de pouvoir continuer à produire de l’insuline avec un même apport en sucre. Comme il pouvait téter, nous lui avons donné de l’eau sucrée.

Nous voulions garder la mère et l’enfant en observation au minimum 24 heures, mais elle devait repartir s’occuper de sa fille aînée. Alors nous lui avons donné un repas chaud, quelques affaires pour le bébé et, deux heures plus tard, nous l’avons regardée partir, un peu inquiètes. Elle n’est pas revenue, signe que la mère et l’enfant se sont bien remis.

Bébés en couveuse et lampe, pour éviter la jaunisse. Maternité de Dasht-e-barchi à Kaboul en Afghanistan

Bébés placés sous une lampe pour éviter la jaunisse. Maternité de Dasht-e-barchi à Kaboul en Afghanistan, février 2015. © Matilde Vu/MSF

A l’hôpital de Dasht-e-Barchi, la maternité MSF compte 42 lits, dont 10 en néonatologie et 5 pour l’unité kangourou. L’équipe se compose de 30 sages-femmes, 8 gynécologues, 9 infirmières de bloc, 4 assistants anesthésistes, 12 infirmières en néonatologie et 3 pédiatres. Plus de 60 autres personnes (agents de stérilisation, personnel d’entretien, traductrices, hôtesses d’accueil, d’information et d’administration…) travaillent à leurs côtés. Au total, près de 170 personnels afghans et une dizaine d’expatriés sont dédiés à ce projet MSF. A Dasht-e-Barchi, MSF offre un service, unique et gratuit, aux femmes de ce quartier : nous les aidons à donner la vie en sécurité. »

* Les prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des mamans.


En Afghanistan, MSF travaille également à l’hôpital Ahmad Shah Baba, situé dans l’est de Kaboul, ainsi qu’à l’hôpital Boost, à Lashkargah, dans la province d’Helmand située dans le sud du pays. Enfin, l'organisation gère un hôpital spécialisé en traumatologie à Kunduz, offrant une prise en charge chirurgicale aux personnes vivant dans le nord de l'Afghanistan, ainsi qu'une maternité à Khost, dans l'est du pays. Sur toutes ces localités, MSF dispense des soins médicaux essentiels gratuits. Nos activités en Afghanistan dépendent uniquement de financements privés, aucune aide gouvernementale n’est acceptée.

Infirmière depuis 2008, Elodie Barniet, s’est spécialisée en puériculture à partir de 2010 et a travaillé trois ans et demi à Paris, au sein de services d’urgences pédiatriques. En 2013, elle a effectué sa première mission de 6 mois pour MSF, au Tchad, sur un programme de soins pour les enfants âgés de moins de cinq ans souffrant du paludisme. Sa deuxième mission avec MSF a eu lieu en République centrafricaine, auprès d’enfants malnutris. Elle connaît déjà la destination de sa prochaine mission : ce sera en mars 2015, à Agok, au Soudan du Sud.

Notes

    À lire aussi