Afrique du Sud : un nouvel espoir pour soigner les enfants atteints de tuberculose

Un homme tient dans sa main ses médicaments contre la tuberculose. Afrique du Sud. 2016.
Un homme tient dans sa main ses médicaments contre la tuberculose. Afrique du Sud. 2016. © Sydelle WIllow Smith

Alors que 96 % des enfants qui décèdent de la tuberculose dans le monde n’ont jamais été mis sous traitement, de nouvelles recommandations de l'OMS dans ce domaine ouvrent la voie à des changements de procédures très prometteurs. Elles encouragent une simplification du diagnostic et une prise en charge médicale communautaire pour tous les enfants souffrant de tuberculose. Une approche que Médecins Sans Frontières a initiée dès 2020 dans son programme de Khayelitsha en Afrique du Sud.

Les enfants sont particulièrement vulnérables à la tuberculose et le diagnostic est compliqué à établir pour cette partie de la population. Ils n'ont pas les mêmes symptômes que les adultes. Les signes qu'ils développent sont la  fatigue, la toux, la perte de poids, la fièvre… Des symptômes peu spécifiques qui peuvent se confondre avec ceux d'autres maladies. Les tests pour détecter la tuberculose ne sont pas forcément adaptés non plus, car les enfants peuvent développer la maladie avec un nombre de bactéries dans le corps moins élevé que chez les adultes.

D’autre part, les taux de tuberculose extra-pulmonaire sont plus importants chez les enfants. La maladie se loge alors dans le système lymphatique ou dans les os et devient très difficilement détectable. Les enfants ont également des difficultés à expectorer, c'est-à-dire à rejeter par la bouche les substances qui encombrent les voies respiratoires. Or le mucus produit par ce moyen est nécessaire pour établir un diagnostic ou suivre l’évolution de la maladie. Résultat, plus de 60 % des enfants qui souffrent de tuberculose dans le monde ne sont pas diagnostiqués, alors qu’une mise sous traitement rapide est essentielle. 

Mais la donne peut désormais changer avec les nouvelles recommandations de l’OMS, qui encouragent une mise sous traitement immédiate avant même que les résultats des tests ne parviennent au médecin. Autrement dit, dans ce nouveau cadre, le médecin fonde sa décision de mise sous traitement uniquement sur son évaluation clinique. L’OMS recommande également d’effectuer des tests à partir des selles des enfants, une méthode de diagnostic plus simple et plus efficace. Elle intègre également dans ses recommandations une approche décentralisée et centrée sur la famille : « Une revue systématique a été menée pour évaluer les preuves de l'impact de [cette approche] sur la détection des cas et la mise à disposition d'un traitement préventif de la tuberculose (TPT). Les preuves ont montré que les approches combinées des établissements de santé et des communautés […] ont augmenté le nombre d'enfants et d'adolescents diagnostiqués tuberculeux. Et les services décentralisés peuvent augmenter les niveaux de prises du traitement préventif contre la tuberculose. »

Au plus près des patients

À Khayelitsha dans le deuxième plus grand township d'Afrique du Sud, le programme MSF, qui a en partie contribué à forger ces nouvelles recommandations, a commencé à travailler sur le diagnostic, la prévention et le traitement de la tuberculose résistante chez les enfants à partir de 2020. « L'Afrique du Sud a été un leader mondial dans la décentralisation des soins contre la tuberculose résistante, mais la prise en charge des enfants au niveau communautaire a considérablement pris du retard, de nombreux enfants étant toujours pris en charge dans des structures hospitalières centralisées, explique la Dre Anja Reuter, responsable des activités médicales de MSF à Khayelitsha. Cela signifie que les enfants sont tenus à l'écart de leurs familles et de leurs soutiens pendant de longues périodes, ce qui est vraiment perturbant et psychologiquement lourd. »

Dès que MSF a commencé à collaborer avec les services de santé de la ville du Cap et de la province du Cap occidental pour apporter des soins directement dans les communautés, le nombre de diagnostics de tuberculose résistante chez les enfants a plus que doublé. « Presque tous les enfants de notre programme ont pu être entièrement traités dans la communauté avec des médicaments adaptés, ce qui a été un énorme soulagement pour les parents et les soignants qui devaient auparavant donner aux enfants des comprimés destinés aux adultes. Ils étaient douloureux à avaler et devaient être coupés pour ajuster le dosage », avance la Dre Anja Reuter.

Dans le programme MSF, les soins des enfants atteints de tuberculose résistante sont en grande partie assurés par des médecins et des infirmières travaillant dans des centres de santé primaire, à proximité des domiciles des patients. Ce système soulage les familles qui peuvent poursuivre leurs activités quotidiennes, tandis que les enfants reçoivent des soins adaptés.

Une certaine approche de santé publique à l'égard de la tuberculose avait à l'inverse tendance à concentrer les soins sur la personne diagnostiquée plutôt que sur l'ensemble de la famille. En outre, la prise en charge se faisait généralement dans des établissements de santé centralisés qui ne prenaient pas en compte l’environnement dans lequel vivaient les patients. « Ce modèle de prise en charge hospitalière peut être mal vécu par les familles, car il engendre de l’incompréhension et de la lourdeur », poursuit la Dre Anja Reuter.

Travailleuse sociale pour MSF spécialisée dans la tuberculose, Busisiwe Beko a été elle-même malade de la tuberculose résistante alors qu’elle était enceinte. « C'était la peur de ce qui pourrait arriver à mon enfant qui me préoccupait le plus. Est-ce qu’elle allait développer une tuberculose ? Est-ce que les médicaments que je prenais allaient l’affecter ? J'ai vite découvert que personne à la clinique ne pouvait répondre à mes questions », explique-t-elle. Lorsque sa fille est née et a reçu un diagnostic de tuberculose résistante quelques mois plus tard, les choses sont devenues encore plus difficiles.

« Non seulement j'avais mes propres besoins en matière de santé, mais je devais aussi m'occuper des besoins de mon enfant. Tout ce qui concernait l’accès aux soins pour elle et pour moi était également une lutte. Nous avons dû faire la queue pendant des heures, et quand nous avons finalement vu le personnel de santé, ils n'étaient pas équipés pour s'occuper d'elle, car c’était une enfant. » L’approche décentralisée et basée sur la famille lui apparaît aujourd’hui comme la solution la plus adaptée aux besoins des patients. « Les soins à domicile créent une dynamique forte, par opposition à la lourdeur hiérarchique qui caractérise parfois les soins en clinique. Dans cette dynamique, tous les participants ont un intérêt commun : que la famille et les individus se portent mieux et soient en meilleure santé. »

MSF travaille depuis de nombreuses années à Khayelitsha pour introduire des changements systématiques dans le traitement de la tuberculose résistante, mais c'est l’expérience de la pandémie de covid-19 en 2020, avec des difficultés d’accès aux services hospitaliers antituberculeux, qui a fait réaliser aux équipes MSF combien il est essentiel de rencontrer dans leur contexte de vie les familles touchées par la tuberculose.

« Lorsque les familles sont visitées à domicile, cela permet au personnel soignant de se consacrer pleinement à sa mission, loin du chaos qui caractérise souvent les hôpitaux surpeuplés », conclut Busisiwe Beko.

Notes

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