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Bombardements dans le centre du Mali : « une tension extrême règne dans la région »

MSF project in Douentza
Centre de santé MSF à Douentza, au Mali. © Pape Cire Kane/MSF

Isabelle Defourny, directrice des opérations de Médecins Sans Frontières, revient dans une interview au journal Le Monde sur les événements dans le centre du pays.

Que s’est-il passé dimanche 3 janvier à Bounti, dans le centre du Mali ? L’armée française a-t-elle bombardé un mariage et tué des civils innocents, comme l’en accusent certaines associations dans le pays, ou bien un regroupement de djihadistes de la katiba Serma, comme l’assurent les autorités françaises et maliennes ? Selon des sources locales, la frappe aurait fait une vingtaine de morts, mais les circonstances demeurent floues dans cette zone difficile d’accès.

Si Paris et Bamako excluent toute bavure, le ministère malien de la défense a annoncé l’ouverture d’une enquête « pour mieux comprendre ce qui s’est passé ». D’autres voix, comme la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), estiment nécessaire une commission d’enquête internationale, qui pourrait être confiée à la Minusma, la mission des Nations unies sur place.

Médecins Sans Frontières (MSF) est l’une des rares organisations qui travaillent dans la zone. Elle a recueilli plusieurs blessés de Bounti. La directrice des opérations de l’ONG, Isabelle Defourny, revient sur le déroulé des événements.
 

Dans quelles conditions avez-vous accueilli les blessés, lundi 4 janvier ? Comment avez-vous été alertés ?

Des hommes, dont un blessé, sont arrivés lundi matin au centre de santé de référence de Douentza, où MSF travaille. Ils nous ont dit être des villageois de Bounti et nous ont raconté que la veille, alors qu’ils assistaient à un mariage, il y avait eu des frappes aériennes dans ce village situé au nord-est de Douentza, faisant des morts, notamment des femmes et des enfants, et qu’il y avait encore beaucoup de blessés. Ils nous ont demandé de l’aide pour les transporter. Nos équipes ont décidé de soutenir les autorités locales pour réaliser ce transport médical en louant des voitures.

Une partie des blessés se trouvaient dans le village voisin de Kikara, dont ils sont originaires et qu’ils auraient rejoint après avoir été blessés lors de la cérémonie à Bounti, sans que nous soyons en mesure de confirmer cette information. Ce n’est pas le personnel de MSF qui s’est rendu à Bounti et dans ses environs, mais des agents du ministère de la santé. Les voitures sont revenues le lundi au centre de référence de Douentza avec les huit blessés, tous des hommes, dont cinq ont plus de 60 ans. Ils ont été pris en charge immédiatement.

Quelle est la nature de leurs blessures ?

Sept ont des lésions résultant d’une explosion. Un autre a une plaie au thorax avec point d’entrée et de sortie, évoquant une blessure par balle.

Les blessés ont-ils pu raconter les circonstances de leurs blessures ?

Ils nous ont parlé de frappes aériennes alors qu’ils étaient à un mariage. Dans le moment chaotique où nous avons été alertés, on a d’abord cru que nous devrions aussi prendre en charge des femmes et des enfants, avant de constater que les personnes blessées arrivées au centre de référence de Douentza étaient toutes des hommes, âgés pour la plupart et qui nous ont rapporté avoir été surpris par l’attaque lors d’une cérémonie. C’est une précision importante, dans un contexte où la ministre française des armées, Florence Parly, a déclaré publiquement qu’en aucun cas l’armée française n’avait pu frapper des personnes issues de la population locale lors d’un mariage, ajoutant, comme pour cautionner cette affirmation, que les ONG qui avaient d’abord parlé de civils avaient rectifié.

Avez-vous obtenu des informations sur l’origine des tirs ?

Certains ont parlé d’hélicoptères, d’autres d’avions. Nous ne sommes pas en mesure de le déterminer pour l’instant.

Un second incident est survenu le lendemain de cette évacuation…

Le mardi 5 janvier, il a été décidé de transférer trois des blessés à l’hôpital de Sévaré, car ils nécessitaient des soins plus poussés. Une ambulance de MSF est donc partie de Douentza vers l’hôpital de Sevaré, avec à son bord les blessés, un employé du ministère de la santé, un autre de MSF et un accompagnant. Ces références médicales font partie des activités que MSF réalise régulièrement dans cette zone afin de faciliter l’accès aux soins des populations de la région de Mopti. L’ambulance a été arrêtée sur la route à un barrage par des hommes armés, probablement une milice dite d’autodéfense. Les passagers ont été ligotés, violentés et laissés en plein soleil pendant plusieurs heures. Un des blessés est décédé dans ces conditions. L’équipage a finalement été relâché et l’ambulance a pu arriver à Sévaré le mardi soir. Cet incident choquant est emblématique de la tension extrême qui règne dans la région et des difficultés à y déployer des secours humanitaires impartiaux.

Que vous disent vos équipes sur place de la situation sécuritaire dans cette zone ?

Le centre du Mali est devenu l’épicentre de la crise qui ravage le pays depuis de nombreuses années. Cette région est devenue, au cours des trois dernières années, la zone la plus dangereuse et meurtrière pour les populations civiles. Et il s’avère extrêmement compliqué pour les acteurs humanitaires de leur venir en aide...

Lire la suite de l'interview sur le site du Monde

Notes

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