Burkina Faso : la vie sous blocus à Djibo

Centre-ville de Djibo - deux femmes poussant une charrette d'eau.
  Centre-ville de Djibo - deux femmes poussant une charrette d'eau. © MSF/Nisma Leboul

Face à la spirale de violence née du conflit entre groupes djihadistes et forces armées régulières, le Burkina Faso vit une crise humanitaire sans précédent, engendrant des déplacements massifs de populations. Dans le nord du pays, en plein Sahel, la ville de Djibo vit sous le blocus des groupes armés non-étatiques depuis plus d’un an. Alors que ces groupes empêchent tout approvisionnement de la ville par la route, MSF est parvenue à livrer 57 tonnes de biscuits à haute valeur énergétique pour lutter contre la malnutrition infantile.

Depuis que la ville est coupée du reste du pays, la population de Djibo est complètement démunie et doit se battre au quotidien pour survivre. L'accès aux services de base a été fortement affecté. Les ressources en nourriture et en eau sont extrêmement limitées, tout comme l'électricité et les moyens de communication. Les affrontements entre les forces de défense et de sécurité burkinabés et les groupes armés non-étatiques en périphérie de Djibo ont eu pour conséquence l'arrivée massive de personnes depuis les villages environnants, venues chercher refuge dans la ville. Sur un peu plus de 300 000 habitants, près de 270 000 sont des déplacés internes - parmi lesquels la moitié sont des enfants - qui résident dans des camps ou dans des familles d’accueil.

Crise nutritionnelle alarmante

Prise en étau, la population a vu ses conditions de vie se dégrader rapidement et vit grâce à l’assistance humanitaire. Tout avait disparu à Djibo jusqu’au sel, les gens se sont nourris de feuilles durant longtemps. « Je n’avais plus rien à manger pour mes enfants », confie Safi, une déplacée interne de 30 ans et mère de cinq enfants. Elle a quitté son village de Yalanga situé à 100 km de Djibo avec toute sa famille. Sur la route, son époux a été tué par les groupes armés. Son quotidien est marqué par les distributions du Programme alimentaire mondial et la recherche de petits travaux ménagers pour survivre.

« Ça va un peu mieux aujourd’hui », dit-elle, car le 21 mars dernier, un convoi de vivres et de produits de première nécessité a finalement réussi à atteindre Djibo, sous escorte armée, quatre mois après le dernier ravitaillement de la ville. L’amélioration est notable, même si la double crise alimentaire et sécuritaire reste réelle.

Safi 30 ans, maman de 5 enfants, (ici avec sa plus jeune fille) , originaire du village de Yalanga devant sa case à Djibo.
 © MSF/Nisma Leboul
Safi 30 ans, maman de 5 enfants, (ici avec sa plus jeune fille) , originaire du village de Yalanga devant sa case à Djibo. © MSF/Nisma Leboul

Les difficultés d’accès à la ville de Djibo ont entraîné une situation alimentaire et nutritionnelle préoccupante pendant plusieurs semaines, dont l’ampleur reste difficile à mesurer. Avec des informations insuffisantes sur l’état nutritionnel de la population, les acteurs de l'aide peinent à adapter leurs réponses. Depuis les premières alertes en octobre 2022, plusieurs organisations se sont mobilisées. L’aide qui arrive aujourd’hui est toutefois encore insuffisante et les inquiétudes pour les mois à venir demeurent vives. Les activités nutritionnelles mises en œuvre ces dernières semaines ont permis d'améliorer la situation des enfants malnutris, mais la menace de manquer de nouveau de nourriture demeure.

Distribution massive de biscuits BP-5

Une mère ayant reçu des biscuits BP-5
 © MSF/Nisma Leboul
Une mère ayant reçu des biscuits BP-5 © MSF/Nisma Leboul

Les 8 et 9 avril, nos équipes ont distribué 57 tonnes de biscuits BP-5 à 12 456 enfants âgés de 6 mois à 5 ans, soit une ration équivalente à un mois de nourriture. Les biscuits BP-5 sont des biscuits compactés utilisés comme compléments nutritionnels permettant de prévenir la malnutrition chez les enfants (il s'agit d'un aliment fortifié à haute valeur énergétique à base de céréales - farine de blé cuite, graisse, huile végétale, sucre, protéine de soja, vitamines et minéraux). Cette distribution massive a contribué à améliorer les conditions de vie des habitants de Djibo.

Des mères font la queue pour recevoir des boîtes de BP-5.
 © MSF/Nisma Leboul
Des mères font la queue pour recevoir des boîtes de BP-5. © MSF/Nisma Leboul

Soutien médical

Les soins de santé ont été lourdement affectés par le blocus : la fuite du personnel médical et les difficultés d’approvisionnement en médicaments ont conduit à la fermeture de plusieurs structures de santé. Celles qui subsistent fonctionnent à capacité minimale, limitant donc l’accès aux services de santé d’une population déjà extrêmement vulnérable. « Nous vivons dans une grande souffrance », dit un leader communautaire.

Depuis le début de son intervention en 2018, MSF, en collaboration avec le ministère de la Santé, soutient le centre médical avec antenne chirurgicale (CMA), deux postes de santé avancés et trois sites de santé communautaires dans la ville de Djibo.

Au CMA, la prise en charge des patients est gratuite : les personnes opérées reçoivent trois repas par jour avec leurs accompagnants, ce qui est non-négligeable étant donné l’état de sous-alimentation générale observé depuis plusieurs mois. Le bloc opératoire et l’unité de soins d’urgence fonctionnent en toute autonomie grâce aux panneaux solaires installés par MSF.

Nos équipes construisent également des puits et réhabilitent des points d’eau, facilitant ainsi l’accès à l’eau potable aux femmes de la ville qui n’ont désormais plus à parcourir des kilomètres en se mettant en danger. 

Des femmes récupérant de l'eau à un point d'eau réhabilité par MSF à Djibo.
 © MSF/Nisma Leboul
Des femmes récupérant de l'eau à un point d'eau réhabilité par MSF à Djibo. © MSF/Nisma Leboul

MSF soutient également son personnel sur place qui continue à travailler sans relâche. Un ravitaillement en nourriture a notamment été acheminé par voie aérienne au plus fort du blocus. Malgré un contexte extrêmement difficile, la solidarité et la cohésion sociale prévalent dans la ville ainsi qu’au sein de nos équipes.

Notes

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