Burkina Faso : situation critique à Djibo, ville assiégée par les groupes armés

Une distribution d'eau par les équipes MSF à Djbo, en 2019. Burkina Faso. 
Une distribution d'eau par les équipes MSF à Djbo, en 2019. Burkina Faso.  © Noelie Sawadogo/MSF

Djibo, située dans le nord du Burkina Faso, est assiégée depuis 8 mois par des groupes armés. Des tentatives de ravitaillement par voie terrestre ont été la cible d’attaques et la dernière en date s’est soldée fin septembre par la mort de plusieurs dizaines de personnes. La ville abriterait plusieurs centaines de milliers de personnes qui commencent à manquer de tout : nourriture, eau potable, carburants, médicaments… Interview avec Alfarock Ag-Almoustakine, qui a passé plusieurs mois à Djibo, en tant que coordinateur de projet MSF.

Comment pouvez-vous décrire la situation aujourd'hui à Djibo ?

Depuis 2019, la situation sécuritaire à Djibo s'est gravement détériorée avec l’utilisation d’engins explosifs improvisés, des embuscades, des attaques et des blocages sur la route qui empêchent totalement d’accéder à la ville. Djibo est sous blocus des groupes armés et il est très difficile aujourd'hui d'approvisionner la ville par voie terrestre. La population ne peut ni quitter Djibo ni y revenir sans risquer sa vie. Le seul moyen sûr d'accéder à la ville aujourd'hui est de prendre des vols humanitaires reliant Djibo à Ouagadougou.

La situation sécuritaire à l'intérieur de la ville elle-même peut également être très dangereuse à cause des attaques de groupes armés. J'ai été particulièrement choqué par la rapidité avec laquelle la situation s'est dégradée ces derniers mois.

En conséquence, les besoins humanitaires se sont multipliés de manière critique depuis juillet, période à laquelle la ville a été approvisionnée pour la dernière fois. Cette situation affecte profondément les habitants, qui dépendent fortement des rares convois d'approvisionnement escortés par l'armée. On ne trouve rien sur le marché, le carburant est devenu une ressource rare. L'ensemble de la population se plaint des pénuries de nourriture et de l’inflation du prix des denrées alimentaires.

Pouvez-vous donner des exemples précis qui montrent à quel point la situation humanitaire s'est dégradée à Djibo ?

Les difficultés d'accès aux médicaments et les consultations médicales retardées - souvent en raison du manque de moyens financiers - sont un problème depuis des mois à Djibo. Mais aujourd'hui, en raison du blocus, les difficultés d'approvisionnement se font également sentir au niveau des structures de santé avec des pénuries de fournitures médicales. La capacité de prise en charge de la malnutrition était par exemple réduite depuis un certain temps dans le district en raison d'une pénurie d'aliments thérapeutiques prêts à l'emploi.

L'équipe médicale de MSF a entendu parler, par l’intermédiaire des travailleurs communautaires, de décès parmi la population. Des associations locales en ont également fait état. Cependant, nous ne disposons pas de données médicales nous permettant de le vérifier et de le confirmer. Une analyse plus approfondie serait nécessaire, même s’il ne fait aucun doute que la situation est critique.

Le dernier convoi a été attaqué le 26 septembre 2022 sur la route. Il ne reste donc que les vols humanitaires pour approvisionner la ville, mais ils restent trop limités par rapport aux besoins actuels. Combien de temps pensez-vous qu'une famille de 6 à 8 personnes puisse vivre avec 5 kg de riz ? Deux, trois jours peut-être. Sans de nouveaux ravitaillements, la ville se retrouvera sans rien.

Quel est l'impact du blocus sur les activités médicales de MSF dans cette ville ?

À Djibo, MSF soutient le ministère de la Santé dans la salle d'urgence médico-chirurgicale, ainsi que dans deux centres de soins de santé primaire. La plupart des problèmes médicaux traités par notre équipe sont des diarrhées, la malnutrition, le paludisme et des infections respiratoires, qui sont la conséquence directe des conditions de vie précaires et du manque d'eau potable. De janvier à septembre, nous avons réalisé plus de 40 000 consultations en soins de santé primaire, pris en charge 289 enfants malnutris aigus sévère, 389 enfants malnutris aigus modérés et avons pratiqué 244 interventions chirurgicales d’urgences. Nous avons également mis en place des activités de distribution d'eau sur deux sites, afin de renforcer l'accès à l'eau potable. Nos équipes ont distribué 7 millions de litres d’eau à Djibo sur cette période. Cependant, cela ne suffit pas à satisfaire les besoins de l'ensemble de la population.

Ces dernières semaines, nous avons dû réduire nos activités dans l'un des deux centres de soins de santé primaire dans lesquels nous travaillons, pour des raisons de sécurité. Quant à la distribution d’eau par camion-citerne, notre capacité a également été réduite en raison du manque de carburant et de la situation sécuritaire dans certaines parties de la ville.

Notes

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