Cisjordanie - Raisons hantées : sortir du trou

Sortir du trou
Sortir du trou © Chris Huby

MSF publie des récits de patients cisjordaniens suivis dans le programme de soins psychologiques et victimes de la violence générée par la colonisation israélienne continue des Territoires palestiniens. En recueillant ces témoignages, MSF souhaite partager la réalité de la vie quotidienne des patients : des vies vécues sous occupation.

Mohammed* est un jeune homme divorcé de 28 ans, il a un fils en bas âge. Il est né au sud d’Hébron, dans un village qui se trouve à proximité de nombreuses implantations juives. Une route principale relie les colonies avec la Cisjordanie. Le village où habite Mohammed est divisé en deux zones successivement délimitées par les frontières de 1948 et de 1967. La population du village, séparée d’Israël par un mur de sécurité, est victime de la pression constante exercée par l’armée israélienne.

D’un point de vue financier, Mohammed vit dans des conditions difficiles. Il aime son pays et a de fortes convictions politiques, ce qui lui a d’ailleurs posé des problèmes lorsqu’il s’est mis à chercher du travail. Pour l’armée israélienne comme pour les forces de sécurité palestiniennes, il est devenu une cible à surveiller de près. Avant de faire la connaissance des équipes MSF, Mohammed a été détenu sept fois par les deux parties. Il a passé cinq ans dans une prison israélienne et deux ans dans les prisons de l’Autorité palestinienne. Pendant sa détention, son père et son frère sont morts et sa femme a finalement divorcé parce qu’il était en prison.

Durant cinq mois, Mohammed a suivi 14 séances thérapeutiques avec un psychologue de l’équipe MSF. Il éprouvait des sentiments de colère, souffrait de nervosité, de manque de confiance. Il était notamment très préoccupé par ses problèmes relationnels avec son fils et sa famille. Mohammed avait aussi beaucoup de mal à trouver du travail à cause de son statut d’ancien prisonnier. Pour décrire sa situation, il emploie cette image : « C’est comme si je grimpais pour essayer de sortir d’un trou profond et que quelqu’un me repoussait continuellement vers le fond du trou. »

Mohammed a demandé à être reçu par un psychologue qui soit une femme. La psychologue a eu conscience de cette grande responsabilité. Arriverait-elle à faire en sorte que Mohammed ait une expérience réparatrice après l’instabilité vécue dans ses relations avec les femmes ? Pendant les séances, Mohammed et la psychologue ont travaillé sur la façon de gérer certaines pressions et émotions. Grâce aux entretiens, Mohammed a pu acquérir davantage confiance en lui-même, cela lui a aussi permis de retrouver une place dans son environnement familial.

Après être sorti de prison, Mohammed a été pris en charge par le médecin de l’équipe MSF car il souffrait de violentes douleurs à l’estomac, de diarrhée sévère et de vomissements.

Après un certain temps, Mohammed a de nouveau été dans la capacité de faire des projets et de se fixer des objectifs pour l’avenir. Il a ressenti une certaine fierté de reprendre le contrôle sur sa vie, de prendre des décisions comme celle de se rendre aux séances de MSF. « C’est ma vie et je vais bien la vivre », a-t-il confié.

Au moment où cette histoire a été écrite, Mohammed a de nouveau été arrêté par les forces israéliennes. Il est actuellement détenu sans qu’aucune sentence n’ait été encore prononcée.

*Le nom du patient a été changé

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► Retrouvez l'intégralité des témoignages de Cisjordanie dans notre dossier "Raisons hantées".

Notes

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