Combats à Khartoum : « Beaucoup de ces blessés étaient des enfants et des personnes âgées »

Une vue des combats et de la violence à Khartoum en mai 2023. Soudan.
Combats en cours à Khartoum entre l'armée nationale (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF). Khartoum, Soudan, mai 2023.    © Atsuhiko Ochiai/MSF

Plus de deux mois après le début du conflit au Soudan, les combats restent intenses dans la capitale. Le weekend du 24 juin, l'hôpital Al-Turki, soutenu par MSF au sud de Khartoum, a reçu 150 blessés. Un second bloc opératoire a dû être monté en un temps record pour faire face à cet afflux. Le Dr Mego Terzian, chef de mission MSF au Soudan, revient sur ces événements et explique les difficultés des équipes de l'association sur place.

Dans le quartier d'Al-Kalakla à Khartoum, où se trouve l'hôpital Al-Turki soutenu par les équipes MSF, il y a actuellement au moins trois lignes de front. Les combats entre les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide sont quotidiens, tout comme les bombardements et les frappes aériennes. En moyenne, nous recevons une quinzaine de blessés de guerre par jour. Le samedi 24 juin, la situation s'est considérablement aggravée lorsque de violents combats ont éclaté autour du quartier général de la police.

En l'espace de quelques heures seulement, des dizaines de blessés sont arrivés à l'hôpital et, le dimanche soir, nous avons reçu au moins 150 patients nécessitant des soins médicaux urgents. Beaucoup de ces blessés étaient des enfants et des personnes âgées, présentant de multiples blessures, notamment des traumatismes abdominaux et des fractures. Six personnes étaient déjà mortes à leur arrivée et trois autres ont succombé à leurs blessures plus tard. 

L’équipe médicale a fourni un immense travail pour parvenir à prendre en charge un tel nombre de patients. Auparavant, cet hôpital n’était pas en capacité d’offrir une prise en charge de chirurgie de guerre et bon nombre de membres du personnel de santé n’avaient aucune expérience en gestion des afflux massifs de blessés.

Avant le début du conflit, le 15 avril, cet hôpital comptait deux services principaux, la pédiatrie et la maternité, ainsi qu'un petit centre de dialyse. Lorsque le conflit a commencé et que beaucoup d'hôpitaux ont été contraints de fermer leurs portes, il fût l’un des rares à rester ouvert. L'équipe du ministère de la Santé qui était présente a décidé de répondre aux besoins des habitants de Khartoum. Elle a notamment participé au transfert des patients d’un hôpital proche des lignes de front, atteints de maladies chroniques, afin qu’ils puissent continuer à recevoir des soins à l’hôpital Al-Turki. Elle a aussi commencé à se servir du bloc opératoire – qui servait jusque-là essentiellement à pratiquer des césariennes – pour réaliser des interventions sur les blessés de guerre.

Selon le ministère de la Santé, la moitié des structures de santé de Khartoum sont complètement fermées. L’hôpital Al-Turki est l'un des cinq hôpitaux de toute la ville à être encore pleinement fonctionnel et MSF a commencé à lui apporter son soutien à partir de la mi-mai. Nous avons pu accompagner les équipes du ministère de la Santé dans la transformation de la structure, afin qu’elle puisse répondre aux événements dramatiques qui se déroulent à Khartoum. Pourtant, il nous manque beaucoup de matériel et les réserves s’épuisent.

Il est dangereux pour le personnel de se rendre au travail en raison de l'intensité des combats à Khartoum. Nous continuons d'essayer de faire venir des professionnels de santé expérimentés au Soudan, pour qu’ils puissent soutenir les équipes en place. Les visas mettent des semaines à être approuvés. L'acheminement de fournitures médicales et chirurgicales dans le pays continue d'être un défi, où nous sommes à la merci des vols. Nos entrepôts ont été souvent pillés.

Avant l'afflux de blessés le week-end du 24 juin, il n'y avait encore qu'un seul bloc opératoire à l'hôpital. Nous avons réussi en quelques heures à ouvrir un second bloc temporaire afin de réaliser des chirurgies en urgence. Nous avons fait toutes ces opérations sans accès à l’électricité, uniquement avec notre générateur de secours, qui a fonctionné 48 heures durant. L’approvisionnement en oxygène est également compliqué, alors qu’il est vital : nous avons actuellement trois nourrissons dans des couveuses, qui ont besoin d’en recevoir en permanence. Nous dépensons énormément d’énergie dans la recherche de ces matières essentielles, l’oxygène et l’électricité, qui nous permettent de travailler et de prendre en charge nos patients. Parfois, on arrive à accéder aux stocks des hôpitaux fermés, mais cela comporte de nombreux risques tant la situation est chaotique à Khartoum.

On entend encore des explosions à travers la ville et des avions survoler l’hôpital. Il est difficile d’être optimiste dans ce contexte et de se convaincre que la situation pourrait se stabiliser. Après ces événements, nous profitons de la période pour travailler à l’amélioration de la structure de santé, en nous préparant à un potentiel nouvel afflux massif de blessés.

Notes

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