Interpellé sur la contradiction flagrante et meurtrière entre un discours condamnant l’esclavage (c’est heureux !) et la poursuite d’une collaboration institutionnelle avec les garde-côtes libyens et le refoulement de fait de migrants en Méditerranée, Emmanuel Macron n’a rien répondu. Pas plus que le gouvernement ne s’est expliqué sur le renvoi vers l’Italie de jeunes gens traversant les montagnes du briançonnais avant même que la moindre chance leur soit accordée de demander l’asile à la France. A Calais, condamné à de multiples reprises par la justice ces deux dernières années pour l’insuffisance des services fournis aux migrants, l’Etat n’a de fait qu’obtempéré au minimum. Pire encore, les forces de l’ordre continuent d’y entraver quotidiennement le travail des secouristes et associations, poursuivent leur entreprise de destruction des biens, bâches, couvertures, mis à la disposition de ces personnes.
Ce qui vaut pour Calais vaut également pour la montagne, la mer, ou encore au cœur des villes et des villages où les forces de l’ordre sont encouragées à interpeller, garder à vue les citoyens décidés à pallier les insuffisances des services de l’Etat. Le déni et le mensonge des pouvoirs publics le disputent aujourd’hui à la violence de la police et de la gendarmerie.
Pour l’heure, face aux prises de positions en réunion, tribunes par voie de presse ou interpellations en réunions, que ce soit de la part des associations, des journalistes, ou du Défenseur des droits lui-même, les représentants de l’Etat, à tous les niveaux, n’ont offert au mieux, qu’une écoute polie, au pire, leur condescendance et leur mépris.
Il n’est donc pas question pour nous de participer à ce jeu de dupes qui masque mal la volonté d’amplifier des logiques de répression, d’éloignement et dissuasion des populations migrantes à tout prix, au lieu de penser et organiser les conditions de l’accueil dans le respect du droit. Nous ne fermons pas la porte au dialogue, mais nous n’attendons aujourd’hui rien de discussions qui n’ont comme caractéristiques communes que leur stérilité. Nous attendons des actes.
Michaël Neuman
Directeur d’études chez MSF/CRASH (Centre de réflexion sur l’Action et les savoirs humanitaires)
► Cette tribune a été publiée en premier lieu sur le site de Libération