Coronavirus : quelle situation en Afrique de l’Est?

MSF Mobile Clinics and Tea Teams in Somali Region
Clinique mobile dans la région Somali, Ethiopie, octobre 2019. © Susanne Doettling/MSF

En Afrique de l'Est, la Somalie est actuellement le pays le plus durement touché par la pandémie de coronavirus, avec 528 cas enregistrés début mai, suivie par la Tanzanie et le Kenya. Le point sur la situation et les enjeux dans la région, où les équipes MSF interviennent.

Les pays d’Afrique de l’Est ont adopté des mesures pour tenter de contenir la propagation du virus, notamment la fermeture de certains aéroports, des restrictions de mouvements et des couvre-feux. 

Mais l’impact que pourrait avoir la pandémie dans des endroits comme Kibera au Kenya, l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique, ou encore dans les camps de réfugiés comme celui de Dadaab où MSF travaille, suscite des inquiétudes. Les conditions d’habitat et d’existence y sont incompatibles avec le confinement et nombreux sont les foyers qui gagnent leurs revenus en travaillant au jour le jour, sans avoir la capacité de stocker de la nourriture. 

Inquiétudes dans les bidonvilles et les camps

« Kibera est une communauté de Nairobi que nous connaissons bien, nous y avons travaillé pendant plus de 25 ans sur le VIH/Sida dans les années 80, explique Lili-Marie Wangari, coordinatrice d'urgence pour MSF au Kenya. C’est impossible de maintenir une distanciation sociale et l'accès à l'eau y est extrêmement limité, avec seulement 200 points d'eau pour environ 200 000 personnes. » 

Sur place, la population a accès aux soins, mais ceux-ci restent conditionnés à la disponibilité d’équipements de protection individuelle afin de protéger le personnel médical. Or le matériel de protection se fait rare et cher, ce qui limite les activités de réponse au Covid-19 de MSF. « Nous recherchons des solutions locales dans la région pour nous approvisionner et continuer à maintenir nos projets réguliers, tout en répondant aux besoins en santé liés au coronavirus », continue Lili-Marie Wangari.

Un homme marche non loin de la clinique MSF de Kibera South, à Nairobi, au Kenya.
 © Phil Moore
Un homme marche non loin de la clinique MSF de Kibera South, à Nairobi, au Kenya. © Phil Moore

Les équipes de Kibera renforcent notamment le contrôle et la prévention des infections dans un centre de santé, ainsi que le triage, le dépistage et la gestion des références de cas suspects vers un hôpital voisin. Des messages de sensibilisation sont diffusés à la population grâce aux agents de santé communautaire. 

A Mathare, un autre bidonville de Nairobi où vivent plus de 500 000 personnes, le service des urgences et les ambulances de l’hôpital Mama Lucy, soutenu par MSF, continuent de fonctionner mais prennent désormais en charge uniquement les cas critiques, faute d’équipement de protection.

A 500 kilomètres de là, à Dadaab près de la frontière somalienne, les équipes mettent aussi en place le dépistage et le triage des personnes présentant des symptômes dans le camp de Dagahaley, où vivent près de 70 000 réfugiés. Elles y ont aussi installé une zone d'isolement, qui sera transformée en centre de traitement en cas de transmission généralisée dans la communauté.

Des réfugiés somaliens dans le camp de Dadaab, au Kenya, 2011.
 © Brendan Bannon
Des réfugiés somaliens dans le camp de Dadaab, au Kenya, 2011. © Brendan Bannon

L’approche de la saison des pluies dans différentes parties de l'Afrique de l'Est suscite aussi des inquiétudes quant à la situation nutritionnelle dans ces zones, qui pourraient être affectées par les mauvaises récoltes et l'aggravation de la situation économique. Avec le risque de voir apparaître des flambées d'autres maladies, comme le paludisme ou le choléra, dans un environnement où les capacités de réponse humanitaire sont réduites.

Suspension de projets et redéploiement de l’aide

La capacité limitée en soins intensifs des hôpitaux en Afrique de l’Est fait également partie des enjeux pour la prise en charge et le traitement des cas graves, de même que l'approvisionnement et la capacité à se déplacer du personnel vers les zones plus durement touchées.

En Somalie, les vols internes ont aussi été arrêtés à titre préventif pour freiner la propagation du virus. Les programmes réguliers de MSF, comme ceux de vaccination et de lutte contre la malnutrition, ont été affectés par les mesures instaurées pour lutter contre la pandémie.

Au Somaliland, les équipes dispensent quant à elles des formations sur la prévention et le contrôle des infections, l’identification des symptômes du Covid-19 et le triage des cas suspects à Las Anod, Galkayo et Baidoa, où elles menaient déjà des projets. Les activités de promotion de la santé sont également intensifiées.

Les vols internationaux ont aussi cessé en Tanzanie, où seules les voies terrestres menant aux pays voisins restent ouvertes, avec des contrôles. Au nord-ouest du pays, MSF continue de fournir une assistance aux réfugiés venant du Burundi voisin dans le camp de Nduta, où vivent 75 000 personnes. Quatre zones de triage et d’isolement ont été installées dans le camp, ainsi qu’un centre d'isolement principal à l'hôpital MSF, où les cas suspects de Covid-19 seront référés. 

Kibondo, près du camp de réfugiés de Nduta, en Tanzanie, novembre 2018.
 © MSF/Pierre-Yves BernardInstagram: @pyouaille
Kibondo, près du camp de réfugiés de Nduta, en Tanzanie, novembre 2018. © MSF/Pierre-Yves BernardInstagram: @pyouaille

MSF est la seule organisation à fournir des soins dans le camp de Nduta et gère un hôpital de 150 lits, quatre centres de santé ainsi que des activités de promotion de la santé. Les services, également ouverts aux villages des alentours, comprennent notamment la prise en charge des personnes affectées par la tuberculose, le VIH/Sida et des maladies chroniques, qui rendent plus vulnérables au coronavirus. 

Une région déjà touchée par le VIH/Sida

Selon les Nations unies, l'Afrique de l'Est est la deuxième région la plus touchée au monde par le VIH/Sida, après l’Afrique australe. Le Kenya et la Tanzanie comptent chacun 1,6 million de personnes vivant avec le VIH. Plus vulnérables, elles sont susceptibles de développer les formes sévères du Covid-19. 

À Homa Bay, au Kenya, les équipes MSF ont réorganisé le soutien aux patients atteints du VIH à un stade avancé. La priorité est donnée au soutien à distance et aux visites à domicile afin d'éviter qu’elles soient contaminées dans un établissement de santé. À l'hôpital régional de Homa Bay, l'équipe a également mis en place le triage et le dépistage des cas de Covid-19 ainsi qu’une salle d'isolement. 

En Ouganda, 7% de la population est positive au VIH, soit 1,5 million de personnes. MSF intervient le long de la frontière congolaise, à Arua et Kasese. Les équipes ont augmenté les stocks d’antirétroviraux afin de garantir le traitement des patients. Les teen clubs, où sont menées des activités de sensibilisation pour les adolescents, ont été suspendus en raison des restrictions imposées par les autorités.

Notes

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