Dans le nord du Yémen, les morts invisibles d’Haydan

Le Dr Roberto Scaini chef de l’équipe médicale MSF à l'hôpital d'Haydan en consultation avec un jeune patient atteint de pneumonie et de malnutrition modérée.
Le Dr Roberto Scaini, chef de l’équipe médicale MSF à l'hôpital d'Haydan, en consultation avec un jeune patient atteint de pneumonie et de malnutrition modérée. © Florian Seriex/MSF

Coincé entre deux montagnes dans le nord du Yémen, Haydan est un village reculé du gouvernorat de Sa’ada. Le son des avions de chasse saoudiens qui survolent le village, tout comme les bâtiments défigurés par des missiles, rappellent que nous sommes dans un pays en guerre, et que la ligne de front n’est qu’à quelques kilomètres.

L’attaque sur l’hôpital d’Abs le 15 août 2016 a fait 19 morts et 24 blessés. Cette attaque est la quatrième en un an touchant une structure de soins MSF. Dans la foulée, MSF décide de quitter Haydan et les équipes qui travaillent dans plusieurs hôpitaux du gouvernorat de Sa’ada se retirent, laissant des milliers de patients sans soin.

Le départ de MSF est préjudiciable dans cette zone rurale et pauvre ou l’hôpital le plus proche se trouve désormais à 1h30 de route. De nombreux patients sont incapables de payer le trajet ou les médicaments et risquent le pire comme l’explique un édile local : « ici, les gens meurent dans le silence, ils sont invisibles car ils ne peuvent pas se déplacer. »

Six mois après ce départ en urgence, une équipe permanente composée de trois personnes est de retour à Haydan : un médecin, un infirmier et un coordinateur. Le 19 février, ils relancent officiellement les activités médicales de MSF sur place. Rapidement, la nouvelle se propage et les patients arrivent en nombre.

Village de Haydan, avril 2017. © Florian Seriex/MSF

Village de Haydan, avril 2017. © Florian Seriex/MSF

Des urgences qui ne désemplissent pas

Il n’est que 8h du matin ce mardi 4 avril et déjà une vingtaine de personnes attendent à l’entrée du bâtiment. Deux employés prennent les premières informations afin d’enregistrer les patients et définir leur degré de priorité : vert pour les cas les plus bénins, rouge pour les plus graves. Les patients sont ensuite orientés vers les différents services. Dans cet hôpital, MSF prend en charge les urgences, la maternité, et la pédiatrie. Le Dr Roberto Scaini, chef de l’équipe médicale, passe rapidement d’un patient à un autre : « je m’assure que tous les cas sont envoyés vers les services adéquats. Je me fais aussi une idée de la charge de travail, très variable d’un jour à l’autre, afin de bien l’organiser. »

Deux enfants en bas âge atteints de rougeole sont amenés aux urgences. Quelques minutes plus tard, une fillette arrive avec des brûlures au visage et à un pied. La veille au soir, elle est tombée dans un feu. Son père l’a amenée à l’hôpital durant la nuit pour les premiers soins et il faut désormais changer ses bandages. À côté d’elle, un enfant atteint de pneumonie et modérément malnutri s’époumone. Toute la matinée, les cas se succèdent et la petite salle d’urgence ne désemplit pas.

« Des personnes meurent alors qu’elles pourraient être traitées »

Assis sur des bancs, accroupis contre les murs, les patients et leurs proches attendent dans le calme. Une partie d’entre eux vient du village de Haydan, les autres habitent des hameaux souvent reculés, perdus dans les montagnes. Ces familles sont particulièrement vulnérables, elles sont les victimes cachées de la guerre, celles qui meurent loin des lignes de front. « Ces gens vivent à des kilomètres du centre de santé. Beaucoup n’ont pas de véhicule ou les moyens de se payer un taxi alors ils attendent le dernier moment s’ils sont malades. Des personnes meurent alors qu’elles pourraient être traitées, tout simplement parce qu’elles ne peuvent venir jusqu’ici », explique le Dr Scaini.

Il est 23h passé lorsque le Dr Scaini reçoit un appel d’urgence. Un enfant de 13 ans est étendu sur un lit dans la salle d’urgence, pris de convulsions. Sa tête est bandée. Quelques heures plus tôt, il était au combat et a été touché par une balle. L’hôpital de Haydan n’a pas de salle d’opération et n’est pas en mesure de prendre en charge ce patient dont le pronostic vital est engagé. Il est référé en ambulance vers l’hôpital de Sa’ada, situé à 1h30. Une histoire parmi tant d’autres de vies perdues en marge d’un conflit à huis-clos où les civils périssent sous les bombes.
 


 

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Notes

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