Darfour : « Il y a des tireurs embusqués dans les rues et les bombardements sont intenses »

Vue de l'hôpital d'El Fasher en avril 2023. Soudan. 
Vue de l'hôpital d'El Fasher en avril 2023. Soudan.  © MSF/Mohamed Gibreel Adam

D’intenses combats opposent les Forces de soutien rapide (RSF) et leurs alliés aux Forces armées soudanaises (SAF) à El Fasher, la capitale du Darfour du Nord au Soudan. Depuis vendredi 10 mai, les équipes MSF ont reçu 454 blessés à l’hôpital Sud, dont 56 ont succombé à leurs blessures. L’hôpital pédiatrique de la ville, dans lequel MSF travaillait, est à l’arrêt après avoir été en partie détruit le 11 mai. Le Dr Prince Djuma Safari, coordinateur médical adjoint de MSF à El Fasher, fait le point sur la situation.

Le nombre de blessés que nous avons reçus depuis le vendredi 10 mai est impressionnant. Pourtant, il est probable que le nombre de morts et de blessés soit plus élevé, car les combats sont continus et si intenses que de nombreux habitants ne parviennent pas à atteindre l’hôpital.  

Jusqu’à présent, le Darfour du Nord était un endroit relativement sûr par rapport aux autres régions du Darfour. Aujourd’hui, il y a des tireurs embusqués dans les rues, des bombardements intenses et plus aucun endroit d’El Fasher n’est sûr. 

Vendredi, lorsque les combats ont commencé, de violents bombardements et des tirs ont eu lieu à proximité de l'hôpital pédiatrique. L’armée soudanaise essayait de détruire du matériel de guerre des RSF, dont une base est située non loin de l’hôpital. 

À ce moment-là, 115 enfants étaient hospitalisés. Ils souffraient du paludisme, de malnutrition, de pneumonies et de diarrhées. Lorsque les combats ont commencé, la plupart des patients et de leurs accompagnants ont quitté les lieux. Certains sont allés à l’hôpital Sud d’El Fasher, mais nous ne savons pas où se trouvent les autres. 

Nous savons cependant que 10 enfants étaient restés dans l’unité de soins intensifs et trois dans l’unité néonatale. L’équipe médicale était également sur place pour continuer à leur offrir des soins. 

Ce jour-là, nous avons reçu 160 blessés à l'hôpital Sud, dont 19 enfants et 31 femmes. 25 personnes sont arrivées dans un état critique et sont malheureusement décédées des suites de leurs blessures. 

Le lendemain, samedi, les combats ont commencé tôt le matin. Encore une fois, ils se tenaient à proximité de l'hôpital pédiatrique et ils étaient très intenses. De nombreux éclats de bombes sont tombés sur l'hôpital. Le toit de l’unité de soins intensifs s’est effondré et deux enfants sont morts. De nombreux accompagnants ont également été blessés. L’un d’eux est mort et une femme a perdu une jambe. 

Dimanche, il y a à nouveau eu de violents combats et nous avons reçu 130 autres blessés à l'hôpital Sud. 16 personnes sont décédées des suites de leurs blessures. Nous en recevons de plus en plus à mesure que les combats se poursuivent. Le personnel de l’hôpital est débordé et il y a énormément de choses à faire. Certains patients ont été opérés, mais 40 attendent toujours de l’être.  

Si la situation continue ainsi, je crains que nous ne soyons à court de matériel médical pour traiter tous ces blessés. Actuellement, les combats nous empêchent d’acheminer davantage de stocks. Nous avons donc besoin de toute urgence d’un accès sécurisé et de l’autorisation des parties au conflit pour pouvoir acheminer du matériel. 

À cause des combats, l’hôpital pédiatrique est hors d’usage. C’est un hôpital de plus mis à l’arrêt depuis le début de la guerre, alors que le système de santé est à bout de souffle. L'hôpital pédiatrique d'origine avait été pillé au début de la guerre, l'établissement endommagé par le bombardement de samedi était déjà une solution de repli.  

L’an dernier, à la même époque, cet hôpital n’était qu’un petit centre de santé mal équipé. Les équipes MSF l’avaient réhabilité à la demande du ministère de la Santé du Soudan. Dès juin 2023, nous avions augmenté sa capacité de prise en charge et créé un service de néonatalogie, un service d'hospitalisation, un centre de nutrition thérapeutique hospitalier, une zone de triage, un service ambulatoire, un service d’urgence et enfin l'unité de soins intensifs où les enfants ont été tués samedi. Il était plein quand les combats ont commencé, certains services étaient même en surcapacité en raison du nombre d'enfants ayant besoin de soins hospitaliers. 

Ce que nous devons faire maintenant, c’est trouver un moyen de garantir aux enfants qui sont dans un état critique un accès aux soins. Les enfants qui ont été emmenés vendredi dans l’hôpital Sud se trouvent en réalité dans un établissement surchargé. Nous étudions actuellement toutes les solutions potentielles, mais pour l’instant, rien n’est évident. Les combats ont eu un impact dévastateur sur la vie de la population civile. Nous demandons aux parties belligérantes de garantir la sécurité des populations civiles, du personnel de santé et des structures de soins. 

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