Le froid accroit la vulnérabilité physique et mentale de ces adolescents déjà laissés pour compte. Koné, un ivoirien de 16 ans, raconte qu’ « il y a des jours où l’on ne parvient même pas à dormir tellement il fait froid. » Ne trouvant pas le repos, ils s’installent alors toute la nuit à côté de feux de fortunes faits de palettes et ne s’assoupissent finalement que lorsque le jour se lève. Mehdi dormait dans des voitures abandonnées à Marseille et en calfeutrait les vitres avec du scotch pour éviter que le froid n’y pénètre. Boubacar, suivi par les équipes de MSF à Pantin en raison d’une maladie grave, s’installait pour dormir dans un bus qui faisait des tours de Paris toute la nuit, en quête d’un peu de chaleur.
Le froid hivernal est un tourment supplémentaire qui s’ajoute aux conditions de vie indignes qui sont déjà celles en temps normal de ces mineurs laissés dans la rue. Leurs besoins fondamentaux ne sont pas respectés : se nourrir, se laver, manger chaud, se sentir en sécurité, trouver des vêtements, toutes ces petites actions dont dépend pourtant leur survie, leur sont inaccessibles ou se font dans l’effort. La plupart de ces mineurs dépendent des associations, des collectifs et des citoyens solidaires pour obtenir de l’aide.
Les jeunes arrivés à Paris se sont orientés vers les campements de fortunes qui entouraient la ville jusqu’à récemment. Boubacar se souvient du premier jour où il est arrivé au campement de Porte d’Aubervilliers : « tu te dis "ça n’est pas possible, je ne peux pas dormir ici". Imagine, des gens meurent en Méditerranée pour venir ici, ça n’est pas possible. Mais puisqu’on n’a pas d’autre solution alors on finit par le faire, c’est obligé ». Après deux mois dans la rue après que les services du département l’aient considéré adulte, un juge pour enfants a finalement reconnu Boubacar comme mineur et il a été placé à l’Aide Sociale à l’Enfance.
Dans un contexte de grande précarité et de violence, tous parlent de la dangerosité de la vie dans la rue pour des adolescents sans famille, repères ni ressources. Pour Alpha, jeune guinéen de 15 ans, « le plus dangereux je pense c’est d’être seul. Tu vois certaines personnes tabasser des gens et il n’y a personne qui parle. Ça aussi ça fait très mal. » Lui-même s’est fait violemment agresser sur le campement où il avait posé sa tente, après avoir réclamé à un homme de lui rendre ce qui lui avait été volé la veille.